par Jean-François Rosnoblet

MARSEILLE, 24 avril (Reuters) - Les actionnaires de la SNCM, l'Etat et Transdev, font de la liquidation judiciaire de la compagnie maritime une condition préalable au financement d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), accusent les administrateurs judiciaires de la compagnie maritime.

Les deux administrateurs mandatés par le tribunal de commerce de Marseille après le placement de la compagnie en redressement judiciaire, en novembre, estiment que cette position "enferme la SNCM dans une impasse totale".

"Il n'est pas acceptable que des actionnaires subordonnent le financement du PSE d'une entreprise à sa liquidation judiciaire préalable", écrivent-ils dans une lettre aux conseils de l'Etat et de Transdev, coentreprise entre Veolia et la Caisse des dépôts, que Reuters s'est procurée.

La SNCM emploie 2.000 personnes dont 1.500 en CDI, effectifs qu'aucun des trois candidats à sa reprise n'envisage de conserver en intégralité.

Les administrateurs judiciaires rappellent les deux conditions qui auraient permis au tribunal de commerce d'étudier mercredi les trois offres de reprises : la nécessité que l'Etat français obtienne des autorités européennes une décision de "discontinuité" et le financement d'un PSE par les actionnaires, "conformément aux engagements pris".

La démarche de la France auprès de Bruxelles n'a été "formellement initiée" que le 15 avril, plus d'un mois après la demande en ce sens des administrateurs judiciaires.

Le financement du PSE aurait pour sa part dû être présenté au comité d'entreprise de la compagnie avant l'audience de mercredi, ce qui n'a pas été fait.

"Par courrier du 21 avril, vous nous avez indiqué que les actionnaires, en accord avec la Caisse des Dépôts, Veolia et l'Etat, n'accepteraient de contribuer au financement du PSE à hauteur de 85 millions d'euros que sous réserve de 'la conversion préalable du redressement judiciaire en liquidation judiciaire'", soulignent les administrateurs.

"Cette exigence, sans précédent en France, a rendu et rend encore techniquement impossible toute consultation du comité d'entreprise sur les offres de reprise et a interdit, par conséquent, l'examen des offres de reprise lors de l'audience", regrettent-ils.

DÉCISION SOUS QUINZAINE

Le tribunal de commerce de Marseille a estimé mercredi que les offres de reprise de la SNCM étaient "insatisfaisantes" et a mis en délibéré "à quinzaine" sa décision sur l'avenir de la compagnie maritime.

Lors de l'audience à huis clos, le procureur de la République a suggéré de pérenniser les activités de la SNCM jusqu'à la fin de l'été, afin de donner le temps aux candidats d'améliorer leurs dossiers ou de disposer d'un délai suffisant pour lancer un nouvel appel d'offres.

Le juge consulaire peut suivre les recommandations du procureur en prolongeant la période d'observation mais aussi statuer sur une reprise des activités par l'un des repreneurs encore en lice ou prononcer la liquidation de l'entreprise.

Les trois candidats à la reprise sont la compagnie Baja Ferries, dont le siège social est à Miami (Etats-Unis), la société d'investissement Med Partners de Christian Garin, ancien président du port de Marseille, et le transporteur corse Patrick Rocca.

Les trois offres posaient comme "condition suspensive" un accord avec la Commission européenne, qui réclame le remboursement de 440 millions d'euros d'aides publiques jugées illégales.

Bruxelles exige que les plans de reprise répondent au principe de discontinuité, ce qui permettrait d'échapper au règlement du passif européen. Sans un feu vert de la Commission, la compagnie aurait du mal à échapper à la liquidation.

D'autant que le tribunal administratif de Bastia a annulé, le 7 avril, la Délégation de service public (DSP) signée par l'Office des transports de la Corse (OTC) avec le groupement SNCM-Méridionale pour assurer le service public entre le continent et la Corse.

Cette DSP, qui représente 96 millions d'euros par an et doit prendre fin au 1er octobre 2016, avait été attribuée pour la période 2014-2023 dans le cadre d'une procédure qui a fait l'objet d'un recours en annulation de la compagnie concurrente, Corsica Ferries. (édité par Gregory Blachier et Yann Le Guernigou)