* Le cinquième "round" de négociation entre Britanniques et Européens débute à Bruxelles

* Londres et Bruxelles se renvoient la balle

* Michel Barnier et David Davis n'ont pas prévu de prises de parole au début de cette nouvelle session

* La crise politique à Londres complique la donne (Actualisé avec rencontres de May avec de grands patrons)

par Elizabeth Piper et Alastair Macdonald

BRUXELLES, 9 octobre (Reuters) - Négociateurs européens et britanniques se retrouveaient lundi soir à Bruxelles pour leur cinquième session de discussions sur les termes du Brexit dans un contexte politique difficile à Londres.

Tant Londres que Bruxelles ont affirmé lundi que la balle était désormais dans le camp adverse.

Dans une allocution au Parlement de Westminster en fin d'après-midi, la Première ministre britannique Theresa May a affirmé que les négociations devaient se concentrer sur les relations à long terme entre le Royaume-Uni et l'UE, après une période limitée de transition.

"Nous devons nous focaliser dans ces négociations (...) sur ce qui importe vraiment: les futures relations à long terme que nous aurons avec l'UE une fois terminée cette période de transition", a-t-elle dit.

Elle a ajouté que la définition des nouveaux rapports entre Londres et l'Union européenne nécessite de la part de tous "détermination et souplesse".

"La balle est dans leur camp", a-t-elle souligné à propos de ses interlocuteurs européens, "mais je suis optimiste et je pense que nous obtiendrons une réponse positive".

Theresa May a par ailleurs reçu lundi des dirigeants de grands entreprises pour tenter d'apaiser leurs inquiétudes, et elle leur a assuré qu'il y aurait bien une période de transition de deux ans après le Brexit proprement dit, a-t-on dit à Reuters de source politique à Londres.

Elle a ainsi reçu les patrons de GlaxoSmithKline, de Vodafone, de HSBC et d'autres grandes entreprises, pour écouter ce qu'ils attendent des négociations sur la relation post-Brexit avec l'UE.

"A ses yeux, l'accord de transition n'est pas négociable(...). Les entreprises doivent tenir une période de transition de deux ans pour garantie. Elle aura bien lieu", a-t-on dit de même source.

A Bruxelles, le porte-parole de la Commission européenne Margaritis Schinas, rappelant qu'aucun accord n'avait encore été trouvé sur la procédure de "divorce" avec Londres, première phase des négociations, a jugé pour sa part que la balle était aujourd'hui "totalement dans le camp du Royaume-Uni".

La Commission européenne ne s'attend pas à une avancée majeure de nature à permettre à Michel Barnier, le négociateur en chef des Européens, de recommander l'ouverture de la seconde phase des négociations, qui porteront sur le cadre de la future relation entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

Cette décision dépendra des chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Sept, dont le prochain sommet est prévu les 19 et 20 octobre.

Mais pour lancer la seconde phase, les Européens attendent des avancées sur les modalités du divorce et notamment sur les trois principaux préalables posés par l'Union européenne (facture du Brexit, droits des ressortissants européens au Royaume-Uni et britanniques dans l'UE, frontière nord-irlandaise).

ORDRE DU JOUR ALLÉGÉ

"Nous n'avons pas encore réalisé aujourd'hui sur ces trois sujets le 'progrès suffisant' pour entamer en toute confiance la deuxième phase de la négociation", a dit Michel Barnier cette semaine devant le Parlement européen.

L'agenda de cette cinquième session de négociation est plus léger que les précédents "rounds". David Davis, le ministre britannique du Brexit, ne devrait participer qu'à la conférence de presse finale prévue jeudi avec Michel Barnier. Aucune discussion n'a été programmée pour la journée de mercredi.

Le 28 septembre dernier, à l'issue du quatrième tour de négociations, Barnier avait fait état d'une "nouvelle dynamique" insufflée par le discours de Theresa May à Florence, où la Première ministre britannique s'est prononcée pour la première fois en faveur d'une période de transition d'environ deux ans après le divorce et s'est efforcée de rassurer les Européens sur le respect des engagements budgétaires de Londres.

Mais dès le lendemain à Tallinn, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, relevait qu'il faudrait des "miracles" pour passer à la seconde phase des négociations dès le Conseil européen des 19 et 20 octobre.

Le discours de Florence "visait à donner un élan", a déclaré lundi le porte-parole de Theresa May. "Nous pensons que nous constatons cet élan, mais attendons de voir ce que donneront les nouvelles discussions", a-t-il ajouté.

Le discours désastreux de Theresa May lors du congrès annuel de son Parti conservateur mercredi dernier à Manchester et la fronde d'une trentaine de députés conservateurs n'ont pas contribué depuis à redonner de l'optimisme aux négociateurs.

"QUI SAIT SI NOUS AURONS ENCORE UN INTERLOCUTEUR ?"

Et la crise politique britannique pourrait franchir un nouveau cap: le Sunday Times rapportait dimanche que la dirigeante conservatrice n'excluait pas de rétrograder son ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson.

Ce dernier a exposé en septembre sa vision d'un "Brexit glorieux" perçue par de nombreux observateurs comme une attaque dirigée contre la politique de May. La Première ministre lui maintient cependant sa "totale confiance", a assuré lundi le porte-parole du gouvernement britannique.

Face aux incertitudes politiques à Londres, diplomates et fonctionnaires européens ont accentué les préparatifs en prévision d'un divorce sans accord, qui semble gagner en crédibilité.

"C'est le sentiment qui progresse", confirme un haut responsable européen. "Il faut intégrer le fait qu'il ne s'agit pas d'un processus rationnel", ajoute-t-il, assurant qu'économiquement, la victoire du camp du Brexit lors du référendum de juin 2016 n'avait déjà pas beaucoup de sens.

"Il n'est donc pas improbable que les Britanniques fuient à nouveau les impératifs économiques et que nous finissions par sauter dans le vide faute d'accord politique", ajoute-t-il. (Alastair Macdonald avec Michael Holden à Londres; Henri-Pierre André, Guy Kerivel et Eric Faye pour le service français)

Valeurs citées dans l'article : GlaxoSmithKline, HSBC Holdings, Vodafone Group