par Silvia Aloisi, Claudia Cristoferi et Elisa Anzolin

MILAN, 1er octobre (Reuters) - Le propriétaire d'Esselunga, numéro quatre des supermarchés en Italie, est décédé vendredi à l'âge de 90 ans, ce qui ne manquera pas de faire plonger le plus rentable des distributeurs du pays dans une période d'incertitudes.

Bernardo Caprotti avait passé sa vie à bâtir le groupe et à le protéger de ses rivaux. Ces derniers mois, il avait cependant entamé des négociations en vue de le vendre pour une somme pouvant aller jusqu'à six milliards d'euros.

Le milliardaire est tombé gravement malade juste après le début de ces discussions. Sa mort, annoncée dans un communiqué par Esselunga, laisse ces pourparlers en suspens sans que l'on puisse savoir à ce stade où elles en étaient.

Quelques jours avant sa mort, des sources proches des négociations avaient dit que le choix de Bernardo Caprotti de tenter de vendre Esselunga avait notamment été dicté par une brouille avec deux de ses enfants.

Les négociations avaient été entamées avec les fonds d'investissements CVC Capital Partners, Blackstone et BC Partners, ont dit les sources.

Esselunga s'est refusé à tout commentaire sur le processus de vente. Des porte-parole des trois fonds ont également refusé de réagir.

Peu avant la mort de son père, Giuseppe Caprotti, 55 ans, avait dit à Reuters qu'il s'était toujours opposé à une vente d'Esselunga, sans en dire davantage.

Giuseppe et sa soeur Violetta ont intenté une action en justice contre leur père, disant qu'il avait illégalement récupéré des titres d'une fondation en leur nom en 2011.

Jusqu'à présent, la justice a donné raison au père mais il y a encore une procédure d'appel en cours. Giuseppe et Violetta pourraient prétendre à quelque 33% du patrimoine de leur père.

La loi italienne interdit à un parent de deshériter ses enfants. L'autre fille de Bernardo Caprotti, Marina, issue de son deuxième mariage, siège au conseil d'Esselunga.

CAPROTTI AVAIT REJETÉ DES AVANCES DE WAL MART ET DELHAIZE

Craignant que son enseigne ne tombe aux mains de ses rivaux, Bernardo Caprotti avait réclamé des fonds d'investissement une promesse plutôt inhabituelle : celle de garder la marque et l'activité sur le long terme, sur une période pouvant aller jusqu'à 10 ans, ont dit les sources.

Bernardo Caprotti avait fondé le groupe en 1957, avec ses frères et l'homme d'affaires américain Nelson Rockefeller, déployant avec Esselunga une première chaîne de supermarchés de type américain en Italie.

Il est ensuite devenu seul maître à bord avant de quitter la présidence en 2011 et toute fonction exécutive en 2013. Mais, même s'il n'a pas été vu au siège d'Esselunga, aux environs de Milan, au cours de l'année écoulée, des sources disent qu'aucune décision majeure n'était prise sans son consentement.

Au cours des années, Bernardo Caprotti a rejeté des offres de certains groupes internationaux, dont Wal Mart et Delhaize. C'est pour cela que le monde des affaires italien a été surpris quand il a appris ce mois-ci que le fondateur d'Esselunga avait fait appel aux services d'une banque conseil en vue d'étudier d'éventuelles offres.

Esselunga a réalisé en 2015 un chiffre d'affaires de 7,3 milliards, soit une hausse de 4,3% par rapport en 2014, un rythme de croissance presque deux fois supérieur à la moyenne du secteur en Italie.

Selon une étude de Mediobanca, le revenu par mètre carré d'Esselunga est plus de trois supérieur à celui des activités de Carrefour et d'Auchan en Italie et plus de deux fois supérieur au numéro du secteur, la Coop, une coopérative de grande distribution.

Malgré ces performances, il a été reproché à Bernardo Caprotti d'avoir géré l'entreprise comme un patriarche familial et de ne pas avoir formé de successeur. (Avec la contribution de Pamela Barbaglia à Londres, de Valentina Za à Milan et de Francesca Piscioneri à Rome, Benoit Van Overstraeten pour le service français)

Valeurs citées dans l'article : Blackstone Group LP, Wal-Mart Stores, Inc., Ahold Delhaize