Christine Lejoux,

Agefi-Dow Jones

PARIS (Agefi-Dow Jones)--L'éventualité du lancement d'un compte-chèques par Amazon a fait grand bruit cette semaine, mais l'industrie bancaire est sans doute l'une des mieux protégées contre une irruption du groupe de commerce en ligne, qui a déjà révolutionné la distribution et s'est récemment attaqué à la santé.

Ironie du sort, c'est le tsunami réglementaire mis en place depuis la crise financière de 2008 et tant décrié par les banques qui pourrait représenter leur meilleure arme face aux tentatives d'invasion d'Amazon, appâté par la valeur des données bancaires sur les consommateurs.

"L'industrie des services financiers est lourdement réglementée, si bien qu'il est difficile d'y entrer directement", souligne Jim Sinegal, analyste chez Morningstar. Le métier de banquier ne s'improvise pas. Encore moins aux Etats-Unis, où la tradition de séparation des activités bancaires et de commerce a contraint le distributeur Wal-Mart (>> fiche valeur) à renoncer à créer sa propre banque il y a une dizaine d'années.

Une licence bancaire est nécessaire pour exercer ce métier et les acteurs du secteur doivent se plier à une multitude de règles nationales et internationales, comme les exigences en fonds propres de Bâle 3. Des réglementations très onéreuse et pesantes, qui semblent difficilement compatibles avec l'agilité et la réactivité revendiquées par Amazon et autres mastodontes de l'internet, même si ceux-ci bénéficient d'une assise financière très confortable.

Nul doute qu'Amazon sache tout cela. Selon le Wall Street Journal, le groupe de Jeff Bezos n'a d'ailleurs pas l'intention d'attaquer bille en tête le secteur des services financiers, contrairement à ce qu'il a fait l'an dernier dans les supermarchés traditionnels en rachetant purement et simplement Whole Foods, ou plus récemment dans la vidéosurveillance avec l'acquisition de Ring. Dans le cas présent, Amazon discuterait avec des banques, dont JPMorgan (>> fiche valeur), en vue d'établir un partenariat.

"Déjà présent dans les prêts aux PME (référencées sur sa plateforme commerciale MarketPlace), Amazon pourrait ainsi satisfaire davantage de besoins de ses clients, recueillir des données supplémentaires (sur les consommateurs) et se doter d'une nouvelle source de revenus, tout en évitant les importants coûts réglementaires supportés par un groupe bancaire traditionnel", décrypte Jim Sinegal.

L'extrême lourdeur de la réglementation bancaire obligerait donc Amazon à investir le secteur en tant que simple partenaire et non comme un "disrupteur." Les banques, c'est un comble, n'ont plus qu'à prier pour que leurs régulateurs continuent de se montrer intraitables.

Sinon, compte tenu de son expérience dans le digital, de sa puissance financière et de ses monceaux de données sur les consommateurs, il faudra cinq ans seulement à Amazon pour rivaliser avec Wells Fargo, la troisième banque des Etats-Unis, selon une étude du cabinet Bain. Avec une capitalisation boursière de 748 milliards de dollars, Amazon pèse déjà plus lourd à Wall Street que JPMorgan et Bank of America, les deux plus grandes banques américaines, réunies.

-Christine Lejoux, Agefi-Dow Jones; 33 (0)1 41 27 48 14; clejoux@agefi.fr ed : ECH