Cour de justice de l'Union européenne

COMMUNIQUE DE PRESSE n° 15/17

Luxembourg, le 16 février 2017

Presse et Information

Conclusions de l'avocat général dans l'affaire C-74/16 Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania/Ayuntamiento de Getafe

Selon l'avocat général Kokott, les exonérations fiscales dont bénéficient les écoles relevant d'une autorité ecclésiastique n'enfreignent pas, en général, le principe de l'interdiction des aides d'État

Une exonération fiscale au profit de l'Église catholique en Espagne pour des travaux réalisés sur un bâtiment scolaire n'enfreint pas le principe précité, lorsque l'Église utilise le bâtiment pour l'enseignement obligatoire et, partant, dans le cadre de sa mission sociale, culturelle et éducationnelle, mais elle l'enfreint lorsqu'elle l'utilise pour des prestations d'enseignement fournies à titre commercial

Un accord conclu entre l'Espagne et le Vatican avant l'adhésion de l'Espagne aux Communautés européennes prévoit différentes exonérations fiscales au profit de l'Église catholique. Dans la présente affaire, l'Église catholique, en sa qualité d'entité responsable d'une école ecclésiastique située près de Madrid, invoque cet accord pour demander le remboursement d'un impôt municipal de plus de 23 000 EUR qu'elle a acquitté pour des travaux réalisés sur un bâtiment scolaire. Les locaux en question sont principalement utilisés pour dispenser un enseignement obligatoire qui équivaut à celui dispensé dans les écoles publiques et dont la majeure partie est financée par des fonds publics. Toutefois, les locaux sont également utilisés pour dispenser un enseignement facultatif, pour lequel des frais d'inscription sont perçus.

La juridiction espagnole saisie du litige demande à la Cour de justice si l'exonération fiscale litigieuse, appliquée ici à un bâtiment scolaire, doit être considérée comme une aide d'État interdite par le droit de l'Union. Se pose en même temps la question fondamentale de savoir si le fait, pour un État membre, d'exonérer une communauté religieuse de certains impôts, y compris pour des activités qui ne poursuivent pas une finalité strictement religieuse, constitue une aide d'État prohibée.

Dans ses conclusions de ce jour, l'avocat général Juliane Kokott estime qu'une exonération telle que celle en cause en l'espèce n'est pas contraire au principe de l'interdiction des aides d'État consacré par le droit de l'Union, lorsqu'elle vise un bâtiment scolaire qui est utilisé par l'Église catholique pour dispenser un enseignement dans le cadre de sa mission sociale, culturelle et éducationnelle. En revanche, une telle exonération fiscale constitue une aide d'État prohibée, si le bâtiment concerné est utilisé à des fins purement commerciales.

Certes, l'Union européenne est tenue, en vertu des traités, de respecter le statut des églises dans les États membres et de ne pas en préjuger. Cela n'implique cependant pas que l'activité des églises échappe de façon générale au droit de l'Union. Il s'agit plutôt de tenir compte de cette obligation lors de l'interprétation et de l'application du droit de l'Union.

Afin de déterminer si le principe de l'interdiction des aides d'État s'applique à l'exonération fiscale en cause, il y a lieu de distinguer entre l'utilisation du bâtiment pour un enseignement obligatoire et son utilisation pour un enseignement facultatif.

Puisque l'enseignement obligatoire est totalement intégré dans le système éducatif espagnol et que l'école poursuit ainsi une mission spécifique sociale, culturelle et éducationnelle (la poursuite de finalités strictement religieuses n'étant pas nécessaire), il y a lieu de supposer que l'on est en

présence d'une activité non économique. Le droit de la concurrence de l'Union et, partant, e principe de l'interdiction des aides d'État n'est donc pas applicable en l'espèce.

En revanche, l'enseignement facultatif semble avoir un caractère commercial, de sorte qu'il s'agit d'une activité économique soumise au principe de l'interdiction des aides d'État. Ce n'est que dans le cas où cet enseignement représenterait moins de 10 % de l'ensemble de l'activité et serait dès lors tout à fait accessoire que l'on pourrait partir du principe que l'activité en cause est, globalement, de nature non économique.

Si l'on est en présence d'une activité économique (ce qu'il incombe à la juridiction espagnole d'établir), l'avocat général considère que le principe de l'interdiction des aides d'État est applicable et que l'exonération litigieuse constitue donc effectivement une aide d'État.

Étant donné que, en l'espèce, l'impôt espagnol sur les constructions, les installations et les ouvrages n'a été introduit qu'après l'adhésion de l'Espagne aux Communautés européennes, l'exonération fiscale litigieuse (pour une activité économique) ne doit pas être considérée, selon l'avocat général, comme une aide d'État existante1, mais comme une aide nouvelle. Elle doit donc être notifiée à la Commission et ne peut être mise à exécution sans son accord.

La circonstance particulière selon laquelle l'exonération fiscale litigieuse a pour origine un accord de droit international public conclu avec le Vatican avant l'adhésion de l'Espagne aux Communautés européennes permet tout au plus d'écarter temporairement l'application du principe de l'interdiction des aides d'État. Pour autant que l'accord en question laisse une marge de manœuvre suffisante pour exclure l'activité économique de l'Église catholique de l'exonération fiscale en cause, il y a lieu d'en faire usage. Si une telle marge de manœuvre n'existe pas (encore), alors l'Espagne devra œuvrer à une entente dans ce sens avec le Vatican. Si une telle entente ne s'avère pas possible dans un délai raisonnable, l'Espagne sera alors tenue de dénoncer l'accord.

RAPPEL: Les conclusions de l'avocat général ne lient pas la Cour de justice. La mission des avocats généraux consiste à proposer à la Cour, en toute indépendance, une solution juridique dans l'affaire dont ils sont chargés. Les juges de la Cour commencent, à présent, à délibérer dans cette affaire. L'arrêt sera rendu à une date ultérieure.

Document non officiel à l'usage des médias, qui n'engage pas la Cour de justice. Le texte intégral des conclusions est publié sur le site CURIA le jour de la lecture.

Contact presse: Gilles Despeux (+352) 4303 3205

1 Les régimes d'aide existants sont uniquement soumis à un examen régulier de la part de la Commission et peuvent généralement être mis à exécution aussi longtemps que la Commission ne les a pas déclarés incompatibles avec le marché intérieur.

La Sté Union européenne a publié ce contenu, le 16 février 2017, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
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Document originalhttp://curia.europa.eu/jcms/jcms/p1_282840

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