"Quel regard portez vous sur l’accélération de la tendance baissière du cours du baril de pétrole ces derniers jours. Le prix du Brent a atteint 28 dollars ce matin…
La pression baissière s’explique principalement par l’accentuation des craintes des opérateurs sur le marché a propos de la dégradation de la croissance mondiale, sur fond d’un ralentissement plus prononcé qu’attendu de la dynamique économique en Chine.
Les spéculations sont, par ailleurs, très fortes amplifient le mouvement et donnent lieu à des excès notables.

Quid de l’influence de l’entée de l’Iran sur le marché ?

L’entrée de l’Iran sur le marché n’exlique que marginalement la poursuite de la baisse du cours du baril de pétrole. La date de la levée des sanctions internationales suite à l’accord trouvé sur le programme nucléaire iranien est connu depuis longtemps et donc largement pricée en conséquence.

La problématique des stocks a également été mise en évidence la semaine dernière. Ces stocks ayant touché des niveaux élevés, les investisseurs s’inquiéteraient d’un phénomène de saturation qui pousserait les producteurs à vendre précipitamment leur pétrole, à vil prix. Qu’en pensez vous ?
Cette inquiétude ne nous parait pas justifiée. Nous avons déjà eu par le passé des niveaux de stocks très élevés avec un prix du baril à 150 dollars. Cet argument des stocks est une raison avancée a posteriori pour analyser ce qui s’est passé mais je ne crois pas qu’il ait un poids considérable dans la formation du prix du baril.

Jusqu’à quel niveau le cours peut baisser ?

Nul ne saurait le dire précisément. Ce qui est vraisemblable, c’est que le repli du cours du baril continue. En 2000, le prix du pétrole était descendu à – 14 dollars. Dans l’absolu, il reste encore de la marge pour une pression baissière.

Diriez-vous que même si la pression baissière devait se prolonger, elle ne durerait pas ?
Cette pression peut durer fondamentalement. Cependant nous sommes d’avis que nous nous approchons du point bas.

En quoi consiste votre stratégie sur le secteur pétrolier aujourd’hui ?

Selon un adage boursier, on ne ramasse jamais un couteau qui est en train de tomber. Nous attendons d’avoir les premiers signes de redressement pour se repositionner à l’achat. Pour l’instant il n’y a aucun signe avant coureur d’un rebond éventuel.

Qu’est ce qui pourrait conduire à un retournement du marché ?

Des chiffres macroéconomiques rassurants sur la Chine pourraient notamment remettre le baril en scelle.

Une contraction de la production du pétrole de schiste aux Etats-Unis ne pourrait-elle pas changer la donne ?

Cet ajustement aura certainement lieu car le prix de revient de nombreux acteurs se situe désormais au dessus du prix du baril actuel (meme sur des champs conventionnels) mais il s’inscrit sur du plus long terme. Les fermetures des capacités de production, les désinvestissements, demandent du temps qui se comptabalise en termes de mois / années et non de semaines.

D’aucuns tablent sur un retour du prix du baril à 60 dollars d’ici la fin de l’année. Cela vous parait il plausible ?
Il n’y a aucun élément tangible qui amène aujourd’hui à anticiper à un retour du baril à ce niveau.

Faut-il escompter une intensification des opérations de restructuration capitalistique dans le secteur pétrolier au cours des mois à venir ?
Indubitablement. 2016 sera une grande année de chamboulement stratégique dans le secteur pétrolier. Des opérations de recapitalisation sont à prévoir chez les sociétés de service, comme CGG, Vallourec. Les rapprochements devraient se multiplier. Les majors pétrolières vont surement réviser leur plan d’investissement.
Ce sera clairement une thématique que nous creuseront lorsque nous déciderons de revenir sur le secteur.

Finalement est-ce que la situation vous parait inquiétante ?

Tel est notre sentiment et celui du marché qui ne cesse de descendre depuis le début de l’année. Les opérateurs ont à l’esprit le risque de faillites en cascade des entreprises pétrolières, avec un effet de contagion sur le secteur bancaire qui ont des engagements importants, et sur la santé financière des Etats producteurs. Un danger guette les équilibres macroéconomiques actuels et pourrait compromettre sérieusement le peu de croissance générée sur le plan mondial.

Les deux sources potentielles de perturbations exacerbées régulièrement évoquées sont la mise à mal de certains pays émergents impliqués dans la production de pétrole et celle des sociétés américaines qui se sont massivement endettées pour mener à bien leur activité dans le pétrole de schiste…

Ces deux menaces sont effectivement bien réelles et doivent être surveillées très étroitement.

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