"Quel regard portez-vous sur le fort repli des actions de la zone euro depuis jeudi ?
Aucune véritable raison fondamentale explique à mon sens l’ampleur et la rapidité de la correction. Certes, la perspective de croissance des bénéfices élevée avancée en début d’année n’est clairement pas réalisée et a peu de chances de l’être. Mais cela n’a rien de nouveau, ces perspectives ayant été dégradées progressivement tout au long de l’année. A l’instar de ce que nous avions présagé, la progression des profits devrait davantage se situer autour de 4% cette année au lieu des 13% attendu. Pour cela, le marché semble à présent manquer de carburant.

Comment expliquez-vous que le marché prenne acte de la réalité de la situation seulement à présent ?
Je suis quelque peu perplexe sur ce point car nous n’avons pas eu de véritables éléments déclencheurs de la baisse si ce n’est les statistiques décevantes sur l’économie de l’Allemagne que l’on pensait être le moteur de la reprise au sein de la zone euro.

De quelle manière envisagez-vous de réagir face à ce mouvement baissier ?
Le marché semble avoir envie de jouer à se faire peur. Un effet boule de neige s’est créé si bien que l’on a l’impression que toute la cote est mise à mal de manière inconsidérée sans discrimination.
Nous refusons de céder à la panique. Nous sommes dans une approche d’observation où nous ne vendons pas et n’achetons pas non plus. Nous attendons que la tempête passe pour analyser les opportunités d’investissement existantes correspondant à des valeurs dépréciées aux fondamentaux intacts.

Vous prônez donc pour l’instant l’immobilisme…
Aujourd’hui il parait peu judicieux d’agir car les marchés se comportent actuellement de manière complètement irrationnelle. Lorsque l’aléa prend le dessus sur les fondamentaux, vous avez une chance sur deux de vous tromper en agissant trop vite.

Jusqu’où pensez-vous que la correction pourrait aller ?
Si je ne pense pas que nous soyons face à une rupture, il n’est pas exclu que nous puissions avoir une poursuite de la tendance baissière. Nous pourrions encore avoir une correction de 4 à 8% supplémentaires.
Le problème est que dans un mouvement de panique, la rationalité fait défaut. Indiquer si nous sommes au début, au milieu ou à la fin de la panique est difficile à pronostiquer. L’accentuation de l’effet boule de neige n’est pas à exclure si le risque géopolitique (Russie, Syrie) ou encore sanitaire (Ebola) venaient à s’ajouter à la panique ambiante. Le risque de nouvelles élections en Grèce également pourrait contribuer à déstabiliser une nouvelle fois la zone euro.

Qu’est ce qui pourrait mettre un terme à la panique ?
Nous pourrions avoir une nouvelle action de la Banque Centrale Européenne qui permettrait d’apaiser les marchés et de contenir le stress liée à la Grèce, le 10 ans grec ayant atteint aujourd’hui à nouveau les 9%). Une intervention de la BCE sur les obligations souveraines pour assurer une fois de plus la stabilité de la zone euro n’est pas à exclure.
Un deuxième soutien pourrait provenir de la microéconomie. Nous entrons en période de publication des résultats des sociétés. Mis a part les avertissements lancés ces dernières semaines par quelques sociétés, nous n’avons pas de motif de crainte du coté des comptes. Les chiffres devraient certes être peu élevés mais ne devraient pas être alarmistes pour autant. Parallèlement au ralentissement de la croissance au sein de la zone euro, sont observées une accélération de la dynamique au Royaume-Uni et une reprise robuste est Etats-Unis. Or les sociétés cotées dans les Etats membres de l’union monétaire sont pour la plupart internationalisées. La dépréciation de la valeur de l’euro devrait, par ailleurs, aider à booster les revenus et les bénéfices et devrait permettre d’importer un peu d’inflation. Nous escomptons pour notre part un repli de la parité euro dollar à 1.20 d’ici 6 mois.

Attendez-vous des éléments rassurant du coté de la macroéconomie ?
Je ne pense pas que les bonnes nouvelles viendront du front macroéconomique en Zone Euro. La confiance des ménages et des entreprises est en détérioration ce qui devrait avoir une influence défavorable du coté de la consommation et de l’investissement.

Une fois l’accalmie retrouvée, où devrait se faire la pêche aux bonnes affaires ?
Si nous reprenons l’image des soldes, les plus belles démarques devraient à notre sens être recherchées au sein des valeurs les plus exposées à la croissance américaine. Il me paraît plus pertinent d’opérer une sélection de valeur sur la base des expositions géographiques des sociétés plutôt que de privilégier un style de gestion value ou growth.
Indépendamment de cette dimension trois autres valeurs m’intéressent particulièrement : Vinci, Rio Tinto et AB Inbev. A 40 euros atteints aujourd’hui en séance, le titre Vinci a subi de plein fouet la panique des investisseurs sur deux facteurs à savoir des chiffres moroses sur la construction en Europe qui ne représente qu’une faible partie de l’Ebit et le remue ménage des politiques autour de la taxation des concessions autoroutières qui a peu lieu d’être. A plusieurs reprises, les politiques ont tenté de puiser dans cette manne financière sans succès car les contrats de concession sont extrêmement bien ficelés et ne peuvent pas être détricotés comme bon semble au gouvernement pour récupérer un manque à gagner lié à l’abandon de l’écotaxe.
AB Inbev est une valeur que nous apprécions car elle est très exposée au dollar. Rio Tinto nous intéresse en raison de la reprise de la thématique des fusions-acquisitions sur le secteur des matières premières.
Nous restons constructifs sur le secteur bancaire qui a perdu 12% depuis le début du mois. Les conclusions des audits prévues le 26 octobre devraient rassurer le marché.
Nous n’aimons pas les industrielles allemandes qui souffrent en raison du ralentissement en Allemagne. Nous sommes prudents à l’égard du secteur pétrolier.
"