* La conférence de Ryad dénonce l'ingérence des milices soutenues par l'Iran

* L'opposition se dit prête à des négociations directes

par Stephen Kalin et Suleiman Al-Khalidi

RYAD/AMMAN, 24 novembre (Reuters) - Les groupes de l'opposition syrienne réunis en Arabie saoudite ont réaffirmé jeudi leur demande de mise à l'écart de Bachar al Assad comme point de départ d'une transition politique en Syrie et renouvelé leur engagement à participer au processus de paix sous l'égide des Nations unies.

Leur déclaration finale précise que "les participants ont souligné que cette (transition) ne pourrait avoir lieu sans le départ de Bachar al Assad et sa clique au début de la période de transition".

Ils condamnent aussi le rôle "déstabilisateur" de l'Iran dans la région et réclament le départ des milices soutenues par Téhéran, qui appuient les forces gouvernementales syriennes et ont, disent-ils, semé "le terrorisme et les conflits interconfessionnels" entre sunnites et chiites.

Cette conférence, qualifiée d'"élargie" par les autorités saoudiennes, s'inscrit dans la préparation d'une reprise du processus de Genève à la fin du mois.

L'opposition a d'ailleurs décidé de former une délégation de 50 membres qui seront chargés de participer en son nom aux discussions organisées au bord du Léman.

"D'autres réunions seront organisées demain (vendredi) pour décider de la composition de la délégation et élaborer ses mécanismes de fonctionnement", a déclaré Basma Kodmani Kodmani, membre du Haut comité des négociations mis sur pied par l'opposition pour le processus de Genève.

La conférence de Ryad était ouverte à plus de 140 personnalités de l'opposition, parmi lesquels le Haut Comité pour les négociations (HCN) mis en place par Ryad mais aussi d'autres plate-formes de l'opposition syrienne soutenues par des puissances comme l'Egypte ou la Russie.

La plate-forme de Moscou, dirigée par l'ancien vice-Premier ministre Kadri Djamil, a cependant décliné l'invitation de Ryad, accusant le HCN de saper les efforts pour parvenir à la constitution d'une délégation unique.

"TRANSITION POLITIQUE RADICALE"

La démission sans explication, en début de semaine, de Ryad Hidjab de la tête du HCN avait laissé penser que l'opposition pourrait atténuer sa position à l'égard de Bachar al Assad.

Ryad Naasan Agha, autre membre démissionnaire du HCN, avait déclaré à Reuters qu'il déplorait leur marginalisation à l'approche de la conférence saoudienne tandis que le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, espérait que "le retrait de ces personnalités radicales permettrait d'unir l'opposition hétéroclite, intérieure et extérieure, sur une base plus raisonnable, plus réaliste et plus constructive".

Mais dès le premier jour de la conférence, mercredi, il est apparu qu'il n'en serait rien.

Dans leur déclaration finale, les représentants de l'opposition imputent au régime syrien la responsabilité de l'échec des négociations indirectes entre Damas et l'opposition menées jusque là sous l'égide des Nations unies.

"Le processus politique n'a pas atteint son objectif en raison des violations menées par le régime", peut-on lire dans le communiqué qui cite les bombardements de zones civiles, le siège de secteurs tenus par les rebelles et la détention de dizaines de milliers de dissidents.

Mais ils réaffirment aussi leur participation au processus de Genève qui doit aboutir, ajoutent-ils, à une "transition politique radicale" en Syrie visant à passer d'un "système autoritaire" à une démocratie où des élections libres pourront être organisées.

Ils demandent aussi que ces négociations soient directes et appellent à une restructuration de l'appareil syrien de sécurité ainsi qu'au maintien des institutions étatiques tout en réclamant que les responsables de crimes de guerre soient jugés.

INITIATIVES RUSSES

La conférence de Ryad s'est déroulée en parallèle aux initiatives diplomatiques de Vladimir Poutine.

Le président russe a reçu Assad en début de semaine à Sotchi puis ses homologues iranien Hassan Rohani et turc Recep Tayyip Erdogan et a multiplié les contacts téléphoniques, s'entretenant notamment avec Donald Trump et le roi Salman d'Arabie saoudite.

L'émissaire de l'Onu pour la Syrie, Staffan de Mistura, est pour sa part attendu vendredi à Moscou.

La Russie, dont l'engagement militaire a redessiné l'équilibre des forces en Syrie depuis septembre 2015, et l'Iran sont les deux principaux soutiens du régime syrien.

L'Arabie saoudite, engagée dans une lutte d'influence avec Téhéran dans tout le Moyen-Orient, appuie pour sa part le HCN et prône aussi un départ d'Assad. Mais depuis la visite historique de Salman à Moscou début octobre, le royaume saoudien semble être parvenu à la conclusion que Moscou jouait un rôle majeur dans la recherche d'un règlement du conflit syrien.

La guerre en Syrie, qui a suivi les soulèvements de mars 2011, a fait des centaines de milliers de morts et contraint plus de 11 millions de personnes à quitter leurs foyers. (Henri-Pierre André et Nicolas Delame pour le service français)