"Quel regard portez-vous sur le secteur bancaire ?
Malgré la performance du secteur en 2013, nous sommes restés investis en banques françaises. Le secteur est en voie de normalisation après les craintes excessives en 2011 liées à la crise de l’euro.
Les scénarii les plus négatifs ne se sont pas produits. Au contraire, l’efficacité de la politique de la BCE, les progrès notables dans les balances courantes des pays de la périphérie et l’arrêt de la détérioration, puis les débuts d’amélioration des perspectives économiques de la zone euros ont rassuré l’ensemble des acteurs.

Dans le même temps, les banques ont montré une forte capacité d’adaptation de leurs structures et de leurs métiers aux changements de leur écosystème.

Quels titres détenez-vous en portefeuille ?

Nous détenons en portefeuille BNP et Société générale. Ces deux banques sont parvenues à se mettre en conformité avec les nouvelles normes de Bâle III à la fin de l’année dernière. Leur ratio core tier 1 est à 10%.

Elles sont en mesure d’accroitre leurs dividendes et de les payer en liquide.
Les deux banques ont, par ailleurs, une activité d’investissement importante. BNP a notamment une forte présence forte sur le marché obligataire. Société Générale une position très significative dans le compartiment des dérivés actions. Ces deux segments sont destinés à connaitre une croissance à long terme du fait de l’accentuation de la désintermédiation bancaire et en raison de l’enclenchement en Europe d’un cycle favorable aux actions. Ce d’autant plus que la marge de manœuvre est plus importante car de nombreuses institutions se sont retirées de ces deux pôles d’activité à la suite de la crise financière.

Qu’en est-il de Crédit Agricole ?
Il nous est arrivé d’intervenir sur Crédit Agricole SA à plus court terme, de manière tactique.
La structure de gouvernance avait été cotée pour générer de la croissance externe. Or celle-ci s’est avérée extrêmement décevante pour les actionnaires. De plus, la structure cotée a beaucoup moins de fonds propres que les deux banques dont nous venons de parler. Son ratio core tier 1 se situe à 8%. Cela va limiter sa capacité à verser des dividendes à ses investisseurs dans les années à venir.
Ceci étant, il y a eu des périodes où le titre n’était pas valorisé de manière cohérente avec le reste du secteur. Cela nous a donné des opportunités de trading.

Selon vous, il est très probable que Crédit Agricole soit contrainte à rémunérer les dividendes sous forme d’actions ?

Pour nous, un dividende payé en actions n’est en effet pas un vrai dividende car sa contrepartie est une augmentation de capital, et donc une dilution, quel que soit le choix réalisé par chaque actionnaire.

La holding qui représente les caisses régionales a d’ores et déjà fait état de l’éventualité d’exercer l’option du paiement des dividendes en actions.

D’aucuns pensent que qu’à l’instar de Natixis, le Crédit Agricole pourrait se porter acquéreur de certaines de ses caisses régionales similairement à 2007-2008 ?

Cette hypothèse ne constitue pas pour nous un élément central dans la décision d’un investissement dans Crédit Agricole SA.

Investissez-vous dans ces valeurs depuis longtemps ?
Oui. C’est un secteur qui m’est familier car je l’ai suivi pendant 15 ans comme analyste spécialisé. Nous faisons évoluer sa pondération dans nos fonds en fonction de notre opinion sur la valorisation de ces titres. Nous avons une pondération importante sur BNP et Société Générale depuis 2012.

Quelle est votre vision sur Natixis ?
De prime abord, nous pensons que le titre est correctement valorisé. Mais c’est une valeur que nous ne regardons que de loin.

Mis à part les banques françaises, détenez vous d’autres banques dans vos fonds ?
Pas de manière significative. Nous aimons bien connaitre les valeurs dans lesquelles nous investissons.
Nous sommes restés concentrés sur les banques françaises.

Appréhendez-vous l’audit et les stress tests?

Plus les stress tests seront rigoureux et crédibles, meilleur cela sera pour l’image de solidité des banques françaises.
Les anciens stress tests effectués par le passé n’ont pas apporté la sérénité sur le marché.

Ne craignez vous pas un effet de contagion ?
Je ne pense pas que de grandes banques feront défaut. En cela je ne m’attends pas à un effet de contagion. Plusieurs grandes institutions ont disparu ces dernières années ou ont réintégré d’autres groupes comme Abn Amro, Fortis, Dresdner. De nombreux établissements ont été restructurés en Italie et en Espagne.

Les banques les plus fragilisées sont désormais essentiellement régionales.

Selon vous le marché n’a pas entièrement pris en compte le changement du profil de risque du secteur bancaire ?

Je pense que le secteur est moins risqué que la perception qui s’en dégage.
Les fonds propres ont été renforcés, les activités spéculatives ont été réduites, les portefeuilles de crédits ont été amoindris, les résultats ont vocation à être moins volatils, une supervision unique est en train d’être instaurée. Ce sont autant d’atouts qui ont fortement modifié le profil « dangereux » du secteur. Je pense que le marché ne l’a pas entièrement intégré et que cela pourrait contribuer significativement à une revalorisation.

A cela j’ajoute que les banques entrent dans la thématique des sociétés domestiques versus sociétés internationales. L’essentiel des revenus des banques sont générés dans la zone euro.
Autant ce point pouvait sembler négatif en 2011-2012, autant il devient positif aujourd’hui.

Comment appréciez-vous la problématique de la profitabilité pour le secteur ?
Avoir plus de fonds propres pour la même activité suppose naturellement d’avoir une plus faible profitabilité. Nous n’aurons de ce fait bien évidemment pas la même rentabilité que par le passé.
Le marché ne l’attend pas.

Ceci étant, les banques françaises, pour parler d’elles, cotent moins que leurs fonds propres. Nous n’avons pas à revenir à un niveau de profit aussi élevé que par le passé pour justifier une revalorisation des cours de bourse.
Si nous considérons l’action Société Générale, celle-ci valait environ 120 euros avant la crise de 2008. Le cours est tombé à 15 euros. Il se situe près de 45 euros aujourd’hui. Il y a alors deux manières de voir l’évolution du titre. Soit on se dit qu’il a fortement bondi par rapport à son plus bas. Soit on se dit qu’il n’a pas comblé tout son retard. Nous sommes dans ce second camp.

Vous n’êtes alors pas inquiets sur le retour à meilleure fortune des banques que vous détenez en portefeuille ?
Il y a des activités bancaires qui restent en croissance, même si la banque à réseau est une activité désormais mature dans nos pays. Je crois que la force des banques dans l’activité retail réside dans la forte fidélité de leurs clients. Face à la pression sur les marges, il y a une capacité à réduire les coûts grâce à la pyramide des âges des réseaux.

Que voulez vous dire ?
Il y a un nombre de départs à la retraite important, 5 à 6% des effectifs tous les ans. Les banques sont alors en mesure sans licencier de gérer l’évolution de leur effectif à la baisse. Les jeunes recrues sont moins bien payées que les personnes qui se retirent. Il y a un renouvellement des salariés des banques qui joue en leur faveur. Cela n’était pas le cas à la fin des années 90, début des années 2000.
C’est un point important à garder à l’esprit au sujet de la rentabilité. Les gisements d’économies dans les frais généraux et les frais de structure devraient être de nature à absorber la baisse des marges.

Quels sont les principaux risques que vous identifiez ?

Les banques sont intégrées dans la vie économiques, et ainsi très sensible à la conjoncture. C’est le cas bien sur dans leur marché domestique, mais aussi à l’étranger. C’est le cas de Société Générale affectée par les derniers incidents entre l’Ukraine et la Russie du fait de sa présence physique dans ce dernier pays. L’activité de Société Générale dans cette région n’était pas très rentable et était en voie de redressement. L’évolution de l’économie russe est ainsi une des facteurs qui aura un impact sur le profil de rentabilité de la banque.
Les banques sont aussi actives sur les marchés financiers, et la demande de leurs clients est très dépendante de la conjoncture financière.

Enfin, le risque réglementaire reste présent dans cette activité hautement réglementée.

In fine, quels sont vos objectifs de cours pour les banques sur lesquelles vous êtes positionnées ?
Nous comptons à la fois sur la poursuite de la compression de la prime de risque et sur une hausse des bénéfices par une normalisation des résultats, en ligne avec la sortie de crise de nos économies. Dans ce contexte, et à horizon d’un an, BNP Paribas pourrait se traiter à un cours proche de sa valeur nette comptable attendue pour fin 2014, soit 65 € environ. La même perspective représenterait environ 60 € pour l’action Société Générale. L’avenir dira si nous pêchons par optimisme. Mais nous pensons ces valorisations atteignables car ces deux titres représentent des pondérations importantes dans notre gestion.


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