La Commission européenne a adopté une décision imposant à Gazprom une série d'obligations visant à dissiper ses préoccupations en matière de concurrence et permettre la libre circulation du gaz à des prix concurrentiels sur les marchés gaziers d'Europe centrale et orientale, dans l'intérêt des entreprises et des consommateurs européens.

Mme Margrethe Vestager, commissaire chargée de la politique de concurrence, a déclaré à ce propos: «Toutes les entreprises exerçant des activités en Europe doivent respecter les règles fixées par l'UE en matière de concurrence, quel que soit leur pays d'origine. La décision adoptée ce jour lève les obstacles créés par Gazprom et qui entravent la libre circulation du gaz en Europe centrale et orientale. Qui plus est, notre décision constitue un ensemble de règles sur mesure pour la conduite à venir de Gazprom. Elle contraint cette entreprise à prendre des mesures positives pour renforcer l'intégration des marchés gaziers de la région et contribuer à la réalisation d'un véritable marché intérieur de l'énergie en Europe. Pour les clients de Gazprom en Europe centrale et orientale, c'est un outil efficace leur garantissant un prix concurrentiel.

Comme toujours, le pays d'origine de l'entreprise n'entre pas en ligne de compte - l'objectif est de servir au mieux les intérêts des entreprises et des consommateurs européens. La décision de ce jour ne clôt pas le dossier; au contraire, Gazprom doit commencer aujourd'hui à respecter les engagements qu'elle a pris.»

Gazprom est le fournisseur de gaz dominant dans un certain nombre de pays d'Europe centrale et orientale. En avril 2015, la Commission lui a adressé une communication des griefs dans laquelle elle estimait, à titre préliminaire, que l'entreprise aurait enfreint les règles de concurrence de l'UE en conduisant une stratégie globale de cloisonnement des marchés gaziers dans huit États membres (Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque et Slovaquie). Cette stratégie aurait pu permettre à Gazprom de faire payer le gaz plus cher dans cinq de ces États membres (la Bulgarie, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne).

La décision adoptée aujourd'hui par la Commission met fin aux agissements de Gazprom à cet égard. Elle impose en outre à l'entreprise une série de règles détaillées qui changeront considérablement son comportement sur les marchés gaziers d'Europe centrale et orientale:

  • suppression des obstacles contractuels à la libre circulation du gaz: Gazprom doit supprimer toutes les restrictions qui empêchent ses clients de revendre au-delà des frontières nationales le gaz qu'ils lui ont acheté;
  • obligation de faciliter les flux gaziers à destination et en provenance des marchés isolés: Gazprom autorisera les flux de gaz à destination et en provenance de certaines régions d'Europe centrale et orientale toujours isolées des autres États membres, à savoir les États baltes et la Bulgarie, en raison du manque d'infrastructures d'interconnexion;
  • mise en place d'un processus structuré pour garantir la compétitivité des prix du gaz: un instrument efficace est mis à la disposition des clients concernés de Gazprom pour qu'ils puissent s'assurer que le prix qu'ils paient pour le gaz correspond au niveau de prix pratiqué sur les marchés concurrentiels d'Europe occidentale, en particulier sur les plateformes de gaz liquide;
  • suppression des exigences découlant de l'exploitation d'une position dominante sur le marché de la fourniture de gaz: Gazprom ne peut pas tirer profit de quelconques avantages liés aux infrastructures gazières qu'elle aurait pu obtenir auprès de clients en exploitant sa position dominante sur le marché de la fourniture de gaz.

Toutes ces obligations répondent aux préoccupations de la Commission en matière de concurrence ainsi qu'à son objectif de libre circulation du gaz à des prix concurrentiels en Europe centrale et orientale.

La Commission a donc décidé de rendre ces obligations (appelées «engagements») juridiquement contraignantes pour Gazprom (en vertu de l'article 9 du règlement n° 1/2003 de l'UE sur les ententes et les abus de position dominante).

Lorsqu'une entreprise manque à l'un de ces engagements, la Commission peut lui infliger une amende pouvant aller jusqu'à 10 % de son chiffre d'affaires mondial, sans avoir à prouver l'existence d'une quelconque violation des règles de concurrence de l'UE.

De manière plus générale, l'exercice d'une concurrence effective sur les marchés gaziers d'Europe centrale et orientale dépend non seulement de l'application des règles de concurrence de l'UE, mais également d'investissements dans la diversification des approvisionnements en gaz et de législations européennes et nationales en matière d'énergie qui soient bien ciblées et mises en œuvre correctement. C'est la raison pour laquelle la Commission accorde la plus haute priorité à la construction d'une union européenne de l'énergie.

Les engagements de Gazprom en détail

Pour répondre aux préoccupations exprimées par la Commission en matière de concurrence, Gazprom doit respecter une série d'engagements destinés à garantir la libre circulation du gaz à des prix concurrentiels en Europe centrale et orientale. L'entreprise devra respecter ces engagements pendant une durée de huit ans.

Ils reflètent les informations recueillies auprès des acteurs du marché lors d'une consultation lancée par la Commission en mars 2017 sur une version antérieure de la proposition. Un large éventail de parties prenantes a participé à cette consultation, notamment les pouvoirs publics, les autorités nationales de la concurrence, des grossistes en gaz, des associations professionnelles et des universitaires, ce qui a contribué grandement à clarifier les obligations finales et à garantir leur efficacité.

1) Gazprom doit lever les obstacles à la libre circulation de gaz en Europe centrale et orientale

La Commission était préoccupée par le fait que Gazprom avait imposé des restrictions territoriales dans les contrats de fourniture conclus avec des grossistes et certains clients industriels dans huit États membres (Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque et Slovaquie). Parmi ces restrictions figurent des interdictions d'exportation et des clauses prévoyant l'utilisation du gaz acheté sur un territoire spécifique (clauses relatives à la destination) ainsi que d'autres mesures empêchant la circulation transfrontière du gaz.

Dans sa décision, la Commission demande à Gazprom de supprimer tous ces obstacles contractuelsà la libre circulation du gaz sur les marchés d'Europe centrale et orientale, qu'ils empêchent les ventes transfrontières ou les rendent simplement moins attrayantes sur le plan financier. De plus, Gazprom ne réintroduira pas de clauses de ce type ultérieurement.

Gazprom doit en outre adapter les clauses de ses contrats portant sur les contrôles et relevés relatifs au gaz en Bulgarie, qui ont eu pour effet d'isoler le marché gazier bulgare des marchés gaziers des pays de l'UE voisins.
Le contrôle des flux de gaz pourra ainsi passer de Gazprom au gestionnaire bulgare des infrastructures de transport de gaz. À la suite de la consultation des acteurs du marché, Gazprom a apporté un certain nombre de précisions techniques pour garantir la pleine efficacité des engagements pris.

Ces obligations lèveront les obstacles contractuels créés par Gazprom et qui entravent la libre circulation du gaz en Europe centrale et orientale.

2) Gazprom doit prendre des mesures concrètes en faveur de l'intégration des marchés gaziers d'Europe centrale et orientale

Pour permettre au gaz de circuler véritablement en toute liberté en Europe centrale et orientale, il convient de disposer des infrastructures nécessaires à son transport, c'est-à-dire des interconnexions entre les différents marchés gaziers nationaux. De telles infrastructures existent déjà en Hongrie, en Pologne, en République tchèque et en Slovaquie. Cependant, les infrastructures reliant la Bulgarie, l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie aux marchés gaziers des pays de l'UE voisins demeurent insuffisantes, ce qui limite les clients de Gazprom lorsqu'ils souhaitent revendre leur gaz à ces pays ou à partir de ceux-ci, même s'ils disposent de volumes inutilisés.

Gazprom va désormais remédier à l'insuffisance d'interconnexions en proposant aux clients concernés d'acheminer du gaz à destination ou en provenance de ces pays. En particulier, les clients qui ont acheté du gaz, à l'origine pour le vendre en Hongrie, en Pologne ou en Slovaquie, peuvent demander à Gazprom de l'acheminer en tout ou partie en Bulgarie et/ou dans les pays baltes (et vice versa):

  • échanges proposés à un large éventail de clients de Gazprom: Gazprom doit offrir cette possibilité aux clients concernés qui ont (ou auront) signé avec l'entreprise des contrats de fourniture de gaz à certains points de livraison en Europe centrale et orientale. À la suite de la consultation, cela vaudra pour les contrats d'une durée de 18 mois au moins. Ce ne sera pas réalisable pour les contrats d'une durée plus courte étant donné que la durée minimale pour l'acheminement du gaz à un nouveau point de livraison est de 12 mois, avec un préavis de quatre mois à Gazprom;
  • échanges possibles dans les deux sens, à destination et en provenance des marchés isolés: les clients concernés de Gazprom peuvent demander à l'entreprise d'acheminer leur gaz vers les États baltes et la Bulgarie en lieu et place des points de livraison initialement convenus (de la Pologne ou de la Slovaquie vers les pays baltes ou de la Slovaquie ou de la Hongrie vers la Bulgarie). À la suite de la consultation, ces échanges seront également possibles dans les deux sens. L'efficacité du mécanisme s'en trouvera renforcée tout comme l'intégration des marchés gaziers d'Europe centrale et orientale;
  • redevances de service fixes et transparentes pour l'acheminement du gaz: les redevances que Gazprom peut appliquer pour ce service sont fixes et transparentes. À la suite de la consultation des acteurs du marché, elles ont été sensiblement réduites pour rendre le mécanisme attrayant sur le plan financier;
  • possibilité pour les clients de Gazprom d'utiliser cette option avec souplesse: à la suite de la consultation du marché, les clients de Gazprom peuvent avoir recours à cette possibilité pour des quantités moindres de gaz (50 millions de m3) moyennant un délai plus court (quatre mois);
  • possibilités de refus limitées pour Gazprom: à la suite de la consultation, Gazprom ne peut refuser l'échange que si elle ne dispose pas de capacité de transport. Un mandataire indépendant sera chargé d'effectuer un contrôle strict.

Ce mécanisme permet la circulation du gaz à destination et en provenance des pays baltes et de la Bulgarie comme s'il existait déjà des structures d'interconnexion gazière avec les pays voisins de l'UE. Les clients de Gazprom pourront rechercher de nouveaux débouchés commerciaux avant même que des interconnexions soient disponibles, dans l'intérêt des consommateurs et des entreprises de Bulgarie et des États baltes.

3) Gazprom s'engage à respecter un processus structuré pour garantir, à l'avenir, des prix du gaz concurrentiels en Europe centrale et orientale

La Commission craignait que Gazprom puisse pratiquer des prix plus élevés dans cinq États membres (Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie et Pologne).

Les clients de Gazprom ayant conclu des contrats de longue durée dans ces pays disposent, grâce à la décision de la Commission, d'un instrument efficace leur garantissant que le prix du gaz qu'ils paieront à l'avenir sera concurrentiel:

  • Les clients peuvent demander une baisse des prix du gaz lorsque les prix qu'ils paient s'écartent des prix concurrentiels de référence pratiqués en Europe occidentale: les clients de Gazprom auront contractuellement le droit de demander une baisse du prix du gaz lorsque les prix qu'ils paient s'écartent des prix concurrentiels de référence en Europe occidentale, y compris sur les plateformes de gaz liquide. Ils peuvent demander une révision du prix à des intervalles fréquents (tous les deux ans) et disposent d'un «joker» supplémentaire tous les cinq ans. À la suite de la consultation, les clients actuels pourront exercer ce droit immédiatement après l'adoption de la décision de la Commission; Gazprom doit accorder ce droit à ses nouveaux clients également.
  • Le nouveau prix du gaz doit s'aligner sur celui pratiqué sur les marchés concurrentiels d'Europe occidentale: le nouveau prix doit prendre en compte les prix concurrentiels de référence en Europe de l'Ouest continentale, y compris sur les plateformes liquides. À la suite de la consultation, ce principe a été considérablement amélioré pour se référer explicitement au niveau de prix sur les marchés gaziers concurrentiels d'Europe de l'Ouest continentale, y compris les prix sur les plateformes liquides les plus pertinentes en Europe continentale, à savoir le TTF aux Pays-Bas et le NCG en Allemagne. Le nouveau prix, inférieur, sera appliqué rétroactivement à compter de la date à laquelle la révision de prix a été demandée.
  • Recours à l'arbitrage si Gazprom ne répond pas favorablement dans un délai strict: si Gazprom et son client ne parviennent pas à un accord au sujet d'un nouveau prix dans un délai de 120 jours, le litige pourra être porté devant une instance d'arbitrage. Celle-ci imposera alors un prix du gaz concurrentiel qui tiendra pleinement compte des prix de référence d'Europe occidentale susmentionnés. Par ailleurs, l'arbitrage doit avoir lieu au sein de l'UE. Dans l'UE, les instances d'arbitrage ont l'obligation de respecter et d'appliquer la réglementation de l'UE en matière de concurrence. Dans de tels cas, la Commission peut intervenir en qualité d'amicus curiae.

Cela garantira des prix du gaz concurrentiels dans ces régions et évitera à l'avenir que les prix du gaz situés en deçà du niveau de prix des contrats à long terme indexés sur les prix du pétrole s'écartent des prix de référence concurrentiels. Cette obligation vaut pour tous les contrats d'une durée minimale de trois ans, puisque les problèmes de tarification ne concernent en l'espèce que les contrats de longue durée pour lesquels l'évolution de la situation dans le temps peut aboutir à un écart sensible par rapport aux prix de référence concurrentiels.

4) Les exigences découlant de l'exploitation d'une position dominante sur le marché sont supprimées

Enfin, la Commission était préoccupée par le fait que Gazprom a exploité sa position dominante sur le marché de la fourniture de gaz pour obtenir des avantages en ce qui concerne le contrôle des infrastructures gazières ou l'accès à celles-ci. Dans sa communication des griefs, la Commission a exprimé des préoccupations concernant le projet South Stream en Bulgarie et le gazoduc Yamal en Pologne.

  • En ce qui concerne le projet South Stream, la décision indique clairement que Gazprom ne bénéficiera pas des avantages qu'elle avait obtenus. Elle ne réclamera pas de dommages et intérêts à ses partenaires bulgares à la suite de l'abandon du projet, indépendamment du bien-fondé même de telles actions de réclamation.
  • S'agissant du gazoduc de Yamal, l'enquête de la Commission a montré que la présente procédure antitrust n'aurait aucun impact sur la situation étant donné que les relations entre la Russie et la Pologne dans le domaine du gaz sont régies par des accords intergouvernementaux. Quoi qu'il en soit, la décision rendue en mai 2015 par le régulateur polonais de l'énergie n'a pas confirmé que Gazprom aurait évincé ses concurrents sur le marché du gaz en Pologne en ce qui concerne le gazoduc de Yamal. Le régulateur a estimé que le propriétaire du gazoduc, Europolgaz (entreprise dont Gazprom est copropriétaire), n'est pas en mesure de retarder ou de bloquer les investissements en faveur du gazoduc: tous les investissements, comme ceux permettant les flux inverses à partir d'Allemagne, ont été réalisés comme prévu par le gestionnaire agréé des services d'acheminement (Gaz-System).

Enfin, pour mieux faire face à de futurs accords intergouvernementaux, la Commission a présenté une proposition législative visant à soumettre de tels accords sur le gaz et le pétrole à un examen préalable de la Commission. Cette proposition est entrée en vigueur en 2017.

De plus amples informations sur la décision de ce jour sont disponibles sur le site web de la Commission consacré à la concurrence, dans le registre public des affaires, sous le numéro AT.39816.

La Sté Union européenne a publié ce contenu, le 24 mai 2018, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
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Document originalhttp://europa.eu/rapid/press-release_IP-18-3921_fr.htm

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