Du meilleur prix à la clôture en mai jusqu’au prix de clôture vendredi dernier, l’indice Euro Stoxx 50 a perdu -5.7%. Tandis que le scenario le plus probable pour les actions de la zone euro reste le “drop and pop” (V-bottom), auquel nous nous sommes habitués avec les actions américaines, plusieurs variables nous incitent à la prudence sur les actions de la zone euro.

Avant d’énoncer nos quelques points inquiétants sur les actions européennes, nous rappelons à nos lecteurs les raisons pour lesquelles nous restons haussiers sur les marchés européens depuis trois ans. Notre regard positif sur les actions européennes est dû essentiellement aux valorisations relatives par rapport aux actions américaines et au décalage des politiques monétaires entre la Banque Centrale Européenne (BCE) et la Réserve Fédérale (Fed). En effet, les valorisations relatives au sein de la zone euro restent très intéressantes.

Nous avons comparé les ratios cours/bénéfices (PER) des grandes capitalisations en Europe avec celles aux Etats-Unis. Le ratio PER, à base des bénéfices réalisés des 12 derniers mois, pour l’indice Euro Stoxx 50 s’élève à 19 fois ses bénéfices, en baisse par rapport au PER de 25x constaté en 2014. En même temps, le PER de l’indice S&P 100 a grimpé à presque 21 fois ses bénéfices, en hausse par rapport au PER de 16x révélé en 2014.

Les marchés européens nous apportent en ce moment des révisions de bénéfices en tendance haussière. De plus, les marges s’agrandissent sur fond d’une amélioration du contexte macroéconomique, d'une augmentation du pouvoir des entreprises à fixer des prix et d'une reprise des investissements en capital.

Ce qui parait encore plus impressionnant que l’écart entre les ratios PER classiques, c'est la divergence entre les Shiller PERs pour les deux régions. Rappelons que le Shiller PER a pour but de corriger les imperfections du PER standard en utilisant les BPA (Bénéfices nets Par Action) en valeur réelle sur une période de dix ans. Le graphique des Shiller PER se passe de tout commentaire. Nous avons posté ici les graphiques des PERs classiques avec celui du Shiller PER.

Il semblerait presque trop évident pour un investisseur à long-terme de surpondérer les actions européennes. Hélas, dans un marché qui défie depuis quelques années les valorisations et la logique traditionnelle, les actions surachetées et chères continuent à surperformer.

Nos Inquiétudes

Avant d’entamer notre analyse, nous rappelons à nos lecteurs que nous faisons le distinguo entre la zone euro et la Royaume Uni. Les valorisations des actions anglaises sont nettement plus riches que celles de la zone euro, les dynamiques sur les marchés des changes divergent en raison du Brexit et les risques politiques sont plus que jamais distincts pour les deux régions. En outre, le graphique du FTSE 100 reste bien orienté en comparaison aux graphiques du DAX et du CAC40.

Ce dernier point amène à une première source d’inquiétude concernant les actions de la zone euro. Les configurations techniques sur les graphiques se détériorent rapidement. On commence par l’indice Euro Stoxx (comprenant approximativement 300 actions de la zone euro), dont le canal baissier est en formation depuis mai dernier. Comme le montrent les traits rouges ci-dessous, l’indice a enregistré trois sommets descendants. Une cassure du plus bas de juin à 372 points ouvrirait la voie à de nouvelles cibles baissières que les traders ne peuvent pas ignorer.


Le DAX a déjà marqué un nouveau point plus bas….


…tandis que le CAC40 se situe dans un canal baisser type cas d’école, dont les cours se trouvent ballottés entre les bornes hautes et les bornes basses.



A part la situation technique (plutôt un facteur à court terme) et le comportement idiosyncratique de ce marché qui récompensent les acheteurs des titres surévalués et surachetés, nous avons plusieurs inquiétudes plus fondamentales qui pourraient transformer les canaux baissiers en un vrai marché baissier.

Notre premier souci est la force de l’euro dans les prochains mois. Il n’est pas surprenant que le DAX sous-performe en ce moment en raison de la forte pondération des sociétés exportatrices dans l’indice. Le coefficient de corrélation entre le DAX et le taux de change EUR/USD est négatif (-0.072, à base de données hebdomadaires). Vu la dynamique positive sur EUR/USD et la cassure à la hausse du cours de l’euro au plus haut depuis 14 mois, la probabilité est en faveur pour une continuation des gains pour l’euro - au détriment des actions européennes. 



Nous signalons que les actions anglaises pourraient échapper à ce risque d’appréciation de la monnaie locale. Tandis que le GBP/USD devrait se renforcer avec l’EUR/USD, la livre resterait attrayante pour les exportatrices au Royaume Uni, même après une hausse de +10% du GBP/USD (vu les niveaux déprimés de la livre depuis le Brexit). 

Notre deuxième appréhension pour les actions de la zone euro concerne les banques centrales. La BCE cible un taux d’inflation à 2% annuel. Mais contrairement à la Fed, la BCE n’a pas de double mandat à cibler également l’emploi (et indirectement la croissance économique). Les autorités à la Bundesbank resteront vigilantes pour assurer que Mario Draghi ne laisse pas filer l’inflation au-delà de 2%. L’assouplissement quantitatif ne sera pas indéfini dans la zone euro…surtout si les chiffres d’inflation remontent un peu.

En même temps, Janet Yellen et plusieurs membres de la Fed ont exprimé un désir de laisser l’économie américaine se chauffer pendant une période. Concrètement, ces membres aventuriers de la Fed accepteraient un taux annuel d’inflation à 3% ou à 4% afin d’étudier comment l’économie réagirait. Bien entendu, si la Fed traîne avant d’enlever significativement ses mesures d’accommodation, ce scénario pourrait être extrêmement haussier encore plus longtemps pour les actions américaines (et relativement défavorable aux actions de la zone euro).

Un autre facteur potentiellement négatif autour de la BCE, qui pourrait limiter les capacités des gouverneurs à laisser libre cours à leurs ambitions monétaristes, serait la diversité des économies européennes. La BCE promulgue sa politique monétaire pour 19 pays différents – 19 économies qui tournent à des vitesses différentes. En fixant une politique monétaire appropriée pour l’économie moyenne (l’Allemagne), la porte reste grande ouverte aux problèmes dans la périphérie européenne. Tandis qu’une politique monétaire extraordinaire pourrait être appropriée en Grèce, Italie ou Espagne, ce n’est certainement pas le cas en Allemagne ou dans les économies de l’Europe du Nord.

Une troisième inquiétude qui relève de ce dernier point est que la zone euro reste une poudrière pour les crises politiques et monétaires. Les problèmes grecs ont été balayés sous le tapis. Il n'y a aucune solution en ce moment, autre qu’une redistribution de la mauvaise dette. Les problèmes de la dette souveraine aux pays périphériques ont été oubliés (marché haussier l’oblige). Mais dès que les actions européennes commenceront à baisser significativement, nous entendrons encore les mêmes discours citant le ratio dette/PIB en Italie à 150%.

La dernière variable (à court terme) qui nous inquiète concernant les actions de la zone euro, est celle de la cyclicité saisonnière. Dans notre récent commentaire, “Statistical Odds of a Seasonal Equity Correction” (disponible en version anglaise sur 4-Traders), nous démontrons que, même si la période août/septembre a généralement tendance à être difficile pour le S&P 500, quand la performance de l’indice phare américain est positive au premier trimestre, les mois d’août/septembre sont anodins. Malheureusement ce n’est pas le cas pour l’indice Euro Stoxx. Le premier graphique ci-dessous montre la performance saisonnière pour cet indice phare de la zone euro depuis 1987. Le rendement moyen de l’indice en août et en septembre est respectivement de -1.5% et de -2.0%, tandis que le pourcentage des mois positifs est légèrement inférieur à 50/50.


En triant les rendements de l’Euro Stoxx pour inclure seulement les années avec un premier semestre positif, nous ne pouvons pas être aussi rassurants qu’après notre étude sur le S&P 500. Les rendements en août/septembre pour l’Euro Stoxx sont aussi pourris quand le premier semestre est positif. Comme le montre la figure suivante, le mois d’août a tendance à être épouvantable après un premier semestre positif.  Une explication serait les grandes vacances en Europe, quand le cadre supérieur part en vacances pendant trois semaines. Les volumes de négoce en bourse baissent et la présence des traders juniors aux commandes pourraient bien expliquer la fragilité en août.

 
Conclusion

Les indices européens semblent être près d’un point de basculement. Tandis que les valorisations restent séduisantes pour un investisseur à long-terme, nous ne sommes pas dans un marché propice aux actions attrayantes. Ça reste les « high flyers » (actions surachetées) qui attirent l’attention des investisseurs aujourd’hui. Nous conseillons de la prudence pour les investisseurs dans la zone euro…au moins jusqu’au moment où les canaux baissiers sur les indices casseront.