"De quelle manière déployez-vous la thématique du versement des dividendes dans votre stratégie d’investissement ?
Nous avons davantage une stratégie basée sur les valeurs de croissance que sur les valeurs à dividende. L’idée est que plus une société voit son cash flow augmenter, plus elle est en mesure de relever le dividende qu’elle verse.
Structurellement quatre secteurs versent des dividendes élevés : le secteur bancaire, le secteur des services aux collectivités (fourniture d’électricité, traitement de déchets, traitement de l’eau), le secteur des télécoms et le secteur des foncières. Qu’en est-il de votre positionnement sur ces différents secteurs ?
Nous apprécions le secteur du traitement de l’eau et des déchets. Ainsi nous détenons une position sur Veolia et Suez Environnement. Nous avons moins d’engouement pour le secteur de l’électricité du fait des incertitudes réglementaires. Nous évitons notamment les producteurs d’électricité allemands.

D’aucuns jouent la consolidation du secteur des utilities en Italie ?
Tel n’est pas notre cas. Nous estimons que les utilities italiennes ont fait un très beau parcours ces derniers mois. Aussi avons-nous décidé de prendre nos profits.

Quid des banques, des foncières et des télécoms ?

Nous sommes sous pondérés sur les banques. Le contexte est compliqué. La réglementation s’est endurcie. Les valorisations nous paraissent justes. Nos principales détentions en Europe sont BNP et Intesa San Paolo en Italie. Cette dernière banque recommence, à l’issue de sa restructuration, à distribuer un coupon correcte d’environ 2,8%.
Nous sommes revenus sur les valeurs télécoms dont l’environnement semble se dégager, notamment sur Orange, Deutsche Telecom et Telefonica dont les résultats couvrent largement les coupons.
Nous avons allégé nos position dans les foncières. Nombre d’entre elles se traitent sur des niveaux au dessus de l’actif net réévalué.

Certains mettent en avant un potentiel de revalorisation des foncières sur fond d’une réactualisation des ANR ?
Je suis d’avis que les valeurs immobilières ont déjà connu un fort rallye. Le repli des taux d’intérêt qui autorise un endettement moins couteux et une réévaluation par réactualisation plus élevée est dans une large mesure intégré. Nous avons gardé certaines valeurs allemandes sur lesquelles demeure un potentiel de hausse de cours comme Deutsche Annington. Nous avons encore un peu d’Unibail en France qui est jugé par beaucoup comme l’une des meilleures du segment. Nous sommes aussi revenus sur un promoteur, Nexity qui garantie un rendement de l’ordre de 5,5%, à raison de 2 euros par action, et qui devrait être porté par le redémarrage de la construction dans l’Hexagone.

Vous plébiscitez également une exposition sur des valeurs de croissance classiques qui offrent un rendement intéressant ?
C’est le cas par exemple d’Unilever. La société a l’avantage de tirer profit de la réévaluation de l’ensemble des devises étrangères contre l’euro et a une présence à l’internationale qui lui permet de bénéficier de la croissance internationale, notamment aux Etats-Unis et en Asie. Le rendement associé est d’environ 3,5%.
Dans la même logique, nous sommes aussi présents sur Henkel et L’Oréal dans les cosmétiques et sur Pernod Ricard dans les spiritueux qui verse un rendement de 1,70% ce qui revêt un vif intérêt lorsque l’on retient à l’esprit que le taux à dix ans français se situe à 0,66%.

Comment a évolué votre allocation sur le secteur pétrolier ?
Nous avons plutôt eu tendance à nous alléger sur les valeurs pétrolières comme Total. La société distribue actuellement un dividende de 5%. Il n’est pas du tout certain que le management soit en mesure de maintenir un tel rendement à l’avenir.
Dans ce secteur nous avons fait le choix d’initier une ligne sur la société Repsol suite à sa réorganisation, à sa décote et à sa présence dans l’activité de raffinage. La baisse de l’input du produit plus vite que le prix de vente, permet à Repsol une augmentation de ses marges.

Il y a lieu de ne pas se contenter de valeurs qui versent un rendement facial significatif ?
Nous préférons être sur des valeurs qui proposent un rendement modeste mais régulier et en croissance plutôt que des valeurs qui donnent un rendement élevé dont on n’est pas sur de la continuité.
Autrement dit nous préférons des valeurs dont le dividende est limité mais qui peuvent s’apprécier en bourse plutôt que des valeurs dont le dividende est important mais qui sont grandement susceptibles de connaitre une correction. Ainsi une action comme Air Liquide est une valeur que nous aimons bien. Selon nous elle symbolise le type de sociétés qui s’occupent bien de leurs actionnaires. Des actions gratuites sont attribuées régulièrement. Par ailleurs, le dividende est aujourd’hui d’environ 2,30%.

Sur quel critère mettez vous l’accent dans votre sélection d’actions à dividende ?

Nous analysons attentivement si le dividende versé est couvert par le résultat opérationnel. Nous mettons en rapport la croissance du résultat opérationnel avec le PE.
Nous évitons ainsi les sociétés qui versent un dividende supérieur à leur capacité induite par le cash flow généré, spécifiquement les sociétés qui augmentent leur endettement pour verser un dividende.

Considérez-vous d’une manière ou d’une autre le versement de dividendes exceptionnels ?
Non. Le versement de dividendes exceptionnels est souvent lié à la vente d’une partie de l’activité d’une société qui s’en sort plus ou moins bien. Or la vente d’actifs n’est pas pour nous source récurrente de croissance. Nous préférons les sociétés qui ont des projets de développement qu’elles mènent à bien.

Ces actions n’entrent pas dans le cadre d’une allocation tactique ?
Pas vraiment. Ce n’est pas un axe d’investissement a proprement parler.

Cette thématique des actions à dividende constitue-t-elle pour vous une stratégie à part entière ?
C’est une ligne de conduite que nous croisons avec d’autres. Nous nous efforçons de nous exposer aux meilleures opportunités existantes, tous secteurs confondus, compte tenu de la configuration des marchés et de l’environnement économique.

En termes de perspective, pourrait-on craindre une surchauffe sur le segment des actions à dividende face à la quête de rendement par les investisseurs face à des taux durablement bas et étant donné l’abondante injection de liquidité à venir de la part de la Banque centrale européenne, à l’instar de ce que l’on perçoit aux Etats-Unis sous l’impulsion du quantitative easing de la Réserve fédérale américaine ?
Les mêmes causes pourraient créer les mêmes effets des deux cotés de l’Atlantique. Ceci étant, pour l’instant nous ne sommes pas en Europe sur des zones de survalorisations massives. Par ailleurs, la dépréciation de l’euro, le repli du cours du pétrole, la faiblesse des taux de refinancement sur le marché obligataire militent pour un accroissement des bénéfices cette année avec parallèlement un ajustement des PE.

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