"Quelle importance doit-on accorder à la thématique du rendement ?
Le contexte de taux bas et surtout la perspective que cette situation soit durable avec les achats à venir dans le cadre de la politique monétaire accommodante de la BCE, rendent la recherche de rendement prioritaire dans les allocations d’actifs : avec le passage d’une grande partie du gisement des emprunts d’Etat proche de zéro voire en territoire négatif, l’écrasement des rendements du crédit investment grade, le crédit high yield et les dividendes des actions apparaissent comme une alternative dans la recherche de rendement. C’est cette thématique qui est au centre de notre stratégie d’investissement.

En quoi consiste votre stratégie d’investissement sur cette thématique ?
La stratégie de ce fonds consiste à construire la performance principalement sur la recherche de rendement créé par les entreprises, que ce soit sous forme de coupons tirés de dettes d’entreprise ou que ce soit sous forme de dividendes.

L’approche est volontairement très prudente : extrême diversification du risque, grande discipline sur le niveau de risque de chacun des investissements, ce qui nous amène à être rigoureux sur la qualité du bilan et à nous concentrer sur les entreprises susceptibles de générer des free cash-flows élevés. Si ce cash-flow doit alimenter prioritairement le désendettement, nous privilégions le crédit. Inversement, si la perspective de retourner ce cash aux actionnaires est forte, nous préférons être actionnaires que créanciers.

S’agissant des actions, vous mettez l’accent sur la distribution du dividende sécurisé ?

Tout à fait. Nous exigeons des sociétés un track record important dans leur historique de versement de dividendes. Une règle de prudence nous incite par ailleurs à exiger des sociétés que ces dividendes soient en progression régulière, ce qui est une garantie supplémentaire de pérennité.

Combien de lignes détenez-vous aujourd’hui ?
Sur la partie investie en actions nous avons une cinquantaine de lignes. La partie investie en dettes d’entreprises s’élève à une centaine de titres.

Le grand nombre de lignes s'explique notre volonté d'éviter une trop forte exposition à une société, un secteur, une géographie.

Quelle est cette exposition aujourd’hui ?
La partie actions représente actuellement un tiers du fonds. L’exposition au marché a plutôt augmenté depuis un an.

Quels sont vos biais sectoriels ?
Sur la poche actions, nous sommes absents du secteur financier dans lequel nous estimons ne pas avoir de visibilité suffisante sur la distribution des dividendes. Dernièrement la Banque centrale européenne a insisté sur la manière dont devait être utilisé le surplus des revenus générés par les activités bancaires : en premier lieu pour renforcer les fonds propres, ensuite pour distribuer plus de crédits, enfin pour rémunérer les actionnaires. Nous ne sommes pas non plus sur le secteur de l’assurance dont nous jugeons la volatilité sous-jacente trop élevée. De plus, bien que le rendement soit élevé, entre 5% et 6%, l’environnement de taux bas devrait peser sur la capacité des sociétés à continuer à produire des niveaux de cash-flows compatible avec la distribution de dividende actuelle.
En revanche, nous sommes exposés au secteur financier sur la poche crédit. En effet, les évolutions réglementaires contraignent les banques (Bâle III) et les assureurs (Solvency II) à augmenter la quantité et la qualité de leur capital, avec l’émergence d’une nouvelle génération de dette dite « hybride », un des segments du marché obligataire offrant des rendements attractifs.

Qu’en est-il des autres secteurs à haut dividende sur la poche actions ?

Le secteur des télécoms est assez bien représenté dans notre fonds. La bonne nouvelle est l’inflexion observée enfin dans le retour de la croissance des cash-flows après de nombreuses années de baisse. C’est un point capital qui permet d’envisager la soutenabilité des dividendes, ce qui devrait s’accompagner par une poursuite de la revalorisation du secteur.
En revanche, nous avons beaucoup réduit notre exposition aux valeurs de services aux collectivités, très pondérés en 2014. Etant donné le fait que les prix de l’électricité sont plutôt orientés à la baisse, nous avons préféré prendre nos profits. Par ailleurs, ce sont des valeurs qui ont beaucoup progressé avec la détente obligataire, en particulier pour les valeurs les plus régulées du secteur, notamment dans les pays périphériques. Avec un opérationnel qui devient plus compliqué, et sans compter sur ce mouvement obligataire qui a été très puissant, il nous semble plus délicat d’être actionnaire de ce secteur pour la thématique dividendes en 2015.

Une éventuelle consolidation dans ce secteur en Italie ne vous amène-t-il pas à considérer de plus près les utilities italiennes ?

Non.

Quid des foncières et des pétrolières ?

Sur la poche actions, nous sommes exposés aux foncières, notamment les foncières allemandes qui présentent l’intérêt de ne pas être en prime par rapport à leur valeur d’actif net comme de nombreuses foncières, notamment françaises. Quant aux valeurs pétrolières, la chute du baril a mis le secteur sous pression alors qu’il s’était engagé à distribuer ses dividendes par le cash flow opérationnel, c’est-à-dire sans recours à des cessions d’actifs ni bien sûr à l’endettement… Nous sommes ainsi sortis de Eni, la plus exposée à un risque de devoir couper son dividende dans ce nouveau contexte de prix du pétrole.

Avez-vous des biais en termes de taux de distribution ou de rendement du dividende ?

Nous sommes très vigilants sur les taux de distribution. Nous tenons compte à la fois du taux actuel et de sa probable évolution en fonction de la dynamique de génération de free cash-flow. Nous évitons les sociétés qui s’endettent ou qui cèdent des actifs pour payer leur dividende. Il faut que la génération de cash-flow qui sert à payer le dividende soit le fruit d’une hausse des revenus de l’activité et non une le résultat d’opérations financières.

Une surchauffe est observée sur le segment des actions à haut dividende de l’autre coté de l’Atlantique. Peut-on craindre le même phénomène sur fond du programme de quantitative easing de la BCE ? L’abondante liquidité injectée ne peut-elle pas conduire à des excès de valorisation sur ce segment ?

Il est indéniable que l’assouplissement quantitatif de la BCE aura des effets positifs sur les valeurs à haut dividende très plébiscitées dans un contexte de taux bas. Nous devrions en cela assister à des investissements sur les actions, par extension de l’effet cascade d’écrasement des rendements sur les autres actifs financiers. Les rendements pourraient s’amenuiser comme nous avons déjà pu le constater sur le secteur des télécoms.
Le gisement accessible pourrait être moindre dès lors que notre stratégie est axée sur des dividendes de minimum 2,5%-3%. En deçà, les valeurs n’entrent plus dans notre univers d’investissement.

N’appréhendez vous pas alors un problème d’offre ?

Nous sommes encore loin de relever une pénurie de titres. Des opportunités existent dans des secteurs non traditionnellement distributeurs de dividendes, comme les médias ou la consommation discrétionnaire que nous travaillons actuellement dans le portefeuille.

La formation d’une bulle est-elle une hypothèse non plausible ?
Pour l’instant nous ne pouvons aucunement parler de bulle. La valorisation du marché des actions européennes reste dans la norme historique et n’intègre aucunement des hypothèses de croissance bénéficiaires exubérantes. Par ailleurs, le taux de distribution n’est en aucun cas excessif, à environ 50% pour le CAC 40 et avec des bilans d’une solidité qui autorisent largement ces retours à l’actionnaire.
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