"Avec quel sentiment débutez-vous l’année concernant l’évolution des actions européennes ?
La progression des actions européennes ces dernières années s’est avant tout expliquée par une revalorisation des multiples. Les cours de bourse sont montés alors même que la hausse des bénéfices n’était pas au rendez-vous. Les profits étaient en recul de 5% en 2013 et en 2012, quasiment à 0 en 2011.
Une inversion de tendance a débuté en 2014. Les bénéfices sont anticipés en hausse de près de 3% pour l’an passé.
La tendance positive devrait perdurer de manière plus prononcée en 2015.

Plusieurs considérations vont dans ce sens. Tout d’abord, les actions européennes génèrent 50% de leurs profits en dehors de l’Europe. Au-delà d’une vision resserrée à la dynamique économique au sein des frontières européennes, il y a lieu de considérer ce qui se passe ailleurs. Or nous sommes dans un contexte caractérisé en premier lieu par une accélération de la croissance aux Etats-Unis, locomotive de la croissance mondiale, et d’une poursuite de la croissance dans les grands pays émergents. In fine, la hausse du PIB mondial devrait s’établir à 3,5%.
Ensuite, la baisse du prix du pétrole est un facteur favorable à la hausse des profits. Le total des exportations de pétrole est de l’ordre de 800 milliards de dollars. Une baisse importante du cours du pétrole revient à un transfert massif de 400 milliards de dollars des pays producteurs vers les pays exportateurs. Le secteur pétrolier a un poids moins important en Europe qu’aux Etats-Unis. Les effets négatifs de la chute du cours du baril sur le niveau des bénéfices devraient moins se faire sentir de ce coté-ci de l’Atlantique.
Le change est devenu un atout et non un frein pour les entreprises européennes. Un phénomène négatif du change sur les résultats des entreprises européennes s’était matérialisé en 2013 et au début de l’année 2014 notamment en raison de la forte dépréciation de la valeur de plusieurs devises émergentes. Du fait de la vive appréciation du dollar, cela est en train de changer.

De quel niveau pourrait être la hausse des profits cette année ?
Une hausse de 10% parait plausible.

Cette hausse des profits devrait être l’élément moteur de la remontée des actions de la zone euro cette année ?
Les indices américains sont 34% au dessus des niveaux d’avant crise, les indices européens 16 % en dessous, les indices de la zone euro plus de 28% en dessous. La différence s’explique en majeure partie par la plus forte reprise des profits des entreprises américaines par rapport aux entreprises européennes. Le comblement de l’écart cette année devrait servir les intérêts des actions de la zone euro. Le ratio de Schiller montre une décote de 20% par rapport à l’historique et de 40% par rapport au marché américain.
En Europe, la phase de rebond des profits d’après la dépression de 2009 est la plus faible que l’on ait jamais connue ces 30 dernières années. Les reprises de 1973, de 1993 et de 2003 ont été beaucoup plus marquées. Un rattrapage significatif est envisageable même en ne considérant qu’un simple retour à la moyenne.

Dans quelle mesure l’annonce du programme de quantitative easing de la BCE le 22 janvier dernier pourrait être un appui supplémentaire ?
Ce programme devrait conduire les taux des pays périphériques à la zone et de leurs entreprises à descendre davantage ; le coût de la dette en sera amoindri. La liquidité abondante en circulation devrait, par ailleurs, pousser le prix de certains actifs notamment celui des actions qui procurent un rendement attractif dans ce contexte de taux bas.

Quelle thématique clé jouez-vous dans votre allocation d’actifs ?
Nous sommes aujourd’hui surpondérés sur les actions de la zone euro.
Nous sommes sur une stratégie de sélection des titres à partir de leur fondamentaux. Nous n’implémentons pas à proprement parler de scénario macroéconomique.
Ceci étant, nous mettons l’accent sur la thématique de la hausse des profits des entreprises. Le secteur qui devrait le plus en profiter est à notre sens le secteur bancaire, en particulier les grandes banques de réseaux qui ont de fortes franchises et une position de consolidation sur leur marché national. Quand bien même la réglementation se soit renforcée et les contraintes se soient endurcies sur le plan de la solvabilité et de la liquidité, la rentabilité des fonds propres des banques était avant la crise de 18% contre 2% à 3% aujourd’hui.
La situation se normalisant après les fortes provisions faites pendant la crise, la vive contraction des bilans pour se mettre en ligne avec les exigences de l’audit et passer les stress tests avec succès, nous attendons une amélioration du secteur. Ceci d’autant plus que la dynamique de création des revenus par les établissements bancaires est demeurée très solide. Les profits moins les provisions étaient de 100 en 2007 et de 140 en 2014. Cette dynamique s’est même accélérée à certains endroits du fait d’un processus de concentration du secteur notamment en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni. Si l’on combine cette forte génération de revenus avec une normalisation des provisions, on devrait se retrouver avec un fort potentiel de progression des profits bancaires.
Certains brokers évaluent que pour l’ensemble de la cote MSCI, la moitié de l’amélioration des résultats sera tirée par les banques cette année.

Un autre secteur clé que vous aimez est celui de la construction avec des titres comme Lafarge ou Saint Gobain ?
Ce secteur très cyclique a connu une période très difficile. En cause, un déficit au niveau de l’investissement. Ainsi, le niveau d’investissement dans la construction non résidentiel en Europe est à son plus bas niveau depuis 30 ans. Le simple redémarrage de l’investissement dans ce dernier pan de l’économie pourrait conduire à un potentiel de réappréciation conséquent.
Il faut avoir en tête les considérations de fortes barrières à l’entrée, de fort positionnement dans la compétition, de sentiment négatif global à l’origine d’une mise à mal exagérée des titres, par exemple la sensibilité de l’exposition aux marchés émergents.

Comment jouez-vous la hausse du dollar ?
Nous ne pouvons pas apprécier un titre uniquement parce qu’il a une exposition au dollar. Nous recherchons avant tout le leadership dans les secteurs où les marges sont élevées. Ainsi Fresenius est notre principal pari en termes de surpondération. La société spécialisée dans les traitements rénaux, est très exposée aux Etats-Unis.

Envers quels secteurs affichez-vous une relative prudence ?
Celui des services aux collectivités. Plusieurs sociétés ont particulièrement bien fonctionné en 2014 en raison de la baisse des taux d’intérêt et de la recherche de dividendes par les investisseurs. Cependant, la régulation les empêche de jouir d’un véritable pricing power et d’augmenter les marges de manière importante en dépit d’une position majeure ou de l’existence d’un élément concurrentiel remarquable. La perspective en termes de croissance bénéficiaire est terne si ce n’est négative.

Préférez-vous in fine les secteurs cycliques ou les secteurs défensifs ?
Le mot d’ordre est la qualité. Nous recherchons les valeurs qui ont une perspective de croissance claire, qui ont des parts de marché importantes en constante augmentation aussi bien dans les secteurs défensifs que dans les secteurs cycliques.

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