"Quel regard portez-vous sur les actions françaises à ce stade de l’année ?
Mon sentiment sur les actions reste positif : la réduction de la prime de risque sur l’Europe, le maintien d’une politique monétaire accommodante par la BCE et surtout, l’amélioration de la conjoncture économique qui semble se confirmer, constituent des facteurs favorables. En outre, elles restent à mon sens à des niveaux de valorisation abordables au vu d’un PE 2014 de 13,4 fois pour les grandes capitalisations.

Pour envisager une poursuite de la hausse cette année, il sera toutefois nécessaire que les sociétés délivrent les résultats attendus par le consensus, à savoir une progression de l’ordre de 15% des bénéfices par action. Compte tenu de l’abaissement des points morts réalisé par les entreprises et de la légère amélioration de la conjoncture, ce rebond des résultats me parait possible. D’ailleurs, plusieurs grands groupes comme Lafarge ou Saint-Gobain dans le secteur des matériaux, EDF dans l’énergie ou Renault dans l’automobile ont récemment montré une plus grande confiance pour leur activité en 2014. C’est encourageant.

Quels sont les risques pour les marchés actions ?
J’en vois trois principalement pour les mois qui viennent: le risque de crise grave dans les pays émergents, le risque de déflation en zone euro et celui d’une hausse non maîtrisée des taux longs aux Etats-Unis. Ils doivent être relativisés pour le moment, mais sont à surveiller de près …

Pour beaucoup, la France serait à la traine par rapport à ceux de ses voisins européens...
Il est vrai que l’Etat français tarde à réaliser de vraies réformes structurelles, ce qui pénalise la compétitivité du pays sur la scène internationale : la chute de 77% des investissements directs étrangers en France en 2013 est révélatrice de cette situation. Les statistiques économiques de la France sont contrastées, tout comme le sont celles de la zone euro, mais elles peuvent réserver de « bonnes surprises », comme par exemple la croissance de 0,3% du PIB au 4ème trimestre (en ligne avec celle de la zone euro) liée à un rebond de la consommation et de l’investissement des entreprises…

Que voyez vous du coté des flux ?

Nous assistons depuis la mi-2013 à un retour des investisseurs internationaux sur les actions européennes au détriment des actifs émergents. Cette réallocation devrait se poursuivre au cours des prochains moins, notamment en raison de la poursuite du « tapering » de la Fed et du retour de la confiance sur l’euro. Je pense que les investisseurs domestiques devraient aussi se montrer plus enclins à revenir sur les actions européennes et françaises, en particulier les assureurs français qui depuis trois ans ont beaucoup réduit la part des actifs risqués dans la gestion de leurs portefeuilles.

Le segment des small et mid caps devrait encore être recherché cette année pour au moins deux raisons. D’abord, elles sont davantage exposées que les grandes valeurs à la conjoncture européenne qui s’améliore ; elles sont donc un bon « call macro »; ensuite, elles bénéficient du nouveau dispositif PEA-PME qui va prochainement entrer en vigueur. Plus de 450 valeurs françaises seront éligibles à ce plan, essentiellement des small caps d’une capitalisation inférieure à 500 M€. Il faudra rester attentif à l’éventuelle formation de bulle sur certains titres ou secteurs ; car leur moindre liquidité les rend plus volatiles.

Que pressentez-vous sur le front des opérations capitalistiques ?
Nous avons vu un retour des IPO sur les valeurs moyennes, avec de belles opérations réalisées sur Tarkett, Numéricable, ou GTT (en cours). Le mouvement devrait se poursuivre, car les conditions de valorisation sont plus favorables aux émetteurs, et l’appétit des investisseurs est là. On attend notamment mi-2014 l’introduction de la filiale d’Atos, Worldline, un leader européen dans les paiements bancaires
Les opérations capitalistiques du type « M&A » devraient également rester dynamiques car les taux sont bas, ce qui facilite le financement des acquisitions. De nombreuses sociétés ont de plus une trésorerie abondante et peu rémunérée qui peut être utilisée pour la croissance externe, dans un contexte où la croissance organique est faible.

Quelles moyennes capitalisations vous semblent être des cibles potentielles pour des fusions-acquisitions ?

Je pense à Montupet, spécialisé dans la fabrication de culasses automobiles. C’est une très belle « recovery », et les dirigeants pourraient chercher un repreneur industriel ou financier. La technologie de Saft, dans les batteries, peut également susciter l’intétêt.
Dans les médias, NRJ et Nextradio sont des cibles potentielles. TF1 chercherait à se développer dans la radio…
Dans les secteurs SSII et logiciels, Cegid, SQLI ou Systar présentent un intérêt pour des acteurs de dimension plus internationale.

Vous-attendez-vous à une action de la BCE cette année ?
Une intervention de la banque centrale européenne ne fait pas partie de notre scénario central. La BCE a indiqué maintenir sa politique accommodante pendant longtemps avec même un biais à la baisse de ses taux directeurs. En cas de besoin, en particulier si le risque de déflation devenait trop élevé, elle peut décider d’intervenir en injectant des liquidités sur les marchés obligataires ou dans l’économie. Un euro durablement trop fort est également un motif pouvant pousser la BCE à intervenir.

Quelles sont les principales caractéristiques de votre allocation d’actifs ?
Nous croisons une approche « top down », partant de l’analyse macroéconomique, avec un choix de valeurs sélectionnées en « stock picking ». Actuellement, nous privilégions les secteurs exposés à la croissance domestique européenne, comme les services aux collectivités (Suez Environnement, Veolia), les services aux entreprises (Atos, Prodware), les industries cycliques (Renault, Faurecia, Arkema, Jacquet Metal) et les valeurs bancaires (les quatre banques françaises). Enfin, nous sommes amenés à nous intéresser à certaines « recovery » comme Alcatel ou Technicolor, qui sont de fortes convictions !

Pourriez-vous revenir sur certaines de vos convictions fortes ?

Dans le secteur bancaire, je privilégie le Crédit Agricole : le groupe recueille pleinement les fruits de son recentrage, et d’un coût du risque en baisse. Sa valorisation reste modérée, à environ 10 fois les résultats attendus pour 2014 et au regard d’une décote de 34% par rapport aux fonds propres comptables. Je vise 13€, soit un potentiel de 17%.
Renault me parait également rester un titre à acheter. Le groupe poursuit une stratégie efficace et a présenté de belles perspectives de développement pour les trois prochaines années. La valeur devrait encore progresser de 15% cette année.
Au chapitre des » recovery », nous continuons à jouer Alcatel, convaincus par la stratégie de la nouvelle équipe de direction qui a déjà fait un gros travail de restructurations. L’action pourrait encore prendre 30% et atteindre 4 euros. Nous sommes également très impressionnés par le redressement de Technicolor (je vise les 6 euros), qui multiplie les accords internationaux et vient de revoir en hausse ses objectifs financiers à trois ans.

Au sein des valeurs moyennes, Montupet reste une conviction malgré sa hausse de 2013. La société va connaitre une sensible croissance au cours des prochaines années. De plus, elle est une cible potentielle de M&A. Le prix de l’action pourrait dépasser 50 euros, contre 40 euros aujourd’hui.

Quelles valeurs évitez-vous ?
Les valeurs de croissance internationales, à profil « défensif » pendant les années de crise, et qui sont aujourd’hui à des niveaux « vulnérables » à la moindre déception les concernant. Par exemple, Pernod Ricard, Essilor, Danone ou Remy Cointreau.

A quel niveau anticipez-vous le Cac 40 à fin décembre ?
L’indice pourrait progresser de 10% sur l’année, pour atteindre 4700 points.


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