(Répétition sans changement de l'analyse diffusée la veille)

* Le plan de transformation Shift dans sa dernière ligne droite

* Veut séduire sociétés internet, gouvernements et multinationales

* Reste attendu sur son objectif de trésorerie pour 2015

* Alcatel-Lucent publiera ses résultats 2014 vendredi

par Gwénaëlle Barzic et Leila Abboud

PARIS, 3 février (Reuters) - Alcatel-Lucent entame une nouvelle étape de sa mue en partant à la conquête de nouveaux clients pour réduire sa dépendance vis-à-vis des opérateurs télécoms tout en misant sur de nouveaux gisements de croissance.

A un an de la fin de son vaste chantier de restructuration, l'équipementier télécoms prépare déjà l'après, un luxe pour une société considérée comme menacée de disparition il y a deux ans au point que ses principaux clients songeaient alors à déserter.

Aminci, assaini et réorganisé, le franco-américain, dont le titre a triplé depuis l'arrivée aux commandes en avril 2013 de Michel Combes, reste pourtant sous surveillance par un marché qui n'a pas oublié les échecs de ses restructurations passées.

Pour convaincre, le fabricant, qui n'a jamais gagné d'argent à une exception près depuis la fusion lui ayant donné naissance en 2006, doit tenir la principale promesse de son plan de transformation : dégager un flux de trésorerie positif fin 2015.

"Je suis focalisé sur l'exécution du plan Shift", a expliqué à Reuters Michel Combes. "Ce qui manquait à Alcatel-Lucent, c'était une lisibilité industrielle et nous avons fait de vrais choix stratégiques".

Sous l'impulsion de l'ancien dirigeant de Vodafone Europe , Alcatel-Lucent a recentré sa recherche sur un nombre plus restreint de technologies en faisant le pari qu'elles seraient au coeur des besoins futurs de ses clients.

PLUS DE 90% DU C.A. DÉPEND DES OPÉRATEURS TÉLÉCOMS

L'an dernier, le fabricant est devenu le nouveau numéro deux mondial derrière l'américain Cisco pour les routeurs destinés aux opérateurs, ces boîtiers permettant d'assurer le transport de données entre différentes interfaces réseaux.

Il est également en pointe dans les "small cells" qui densifient la couverture mobile ou encore dans la virtualisation des fonctions réseaux qui permet de rendre plus simple et moins coûteuse la gestion des réseaux par les opérateurs.

"Ils ont tapé dans le mille en termes de direction du marché, de tendance et des orientations que veulent prendre les opérateurs", estime Deborah Kish du cabinet Gartner, soulignant la transformation radicale du fabricant autrefois plutôt orienté vers le mobile et désormais porté par les routeurs.

Fort de cette réorientation, Alcatel-Lucent veut élargir son portefeuille de clients dans un secteur où les cartes vont être rebattues par l'arrivée de nouveaux acteurs.

Les géants d'internet comme Facebook, Google ou Twitter dépensent déjà de plus en plus, notamment pour transporter les milliards de données de leurs utilisateurs tandis que des multinationales dans la finance ou l'assurance construisent des "data center" pour stocker leurs données.

Ils représentent autant de clients potentiels pour le fabricant qui génère aujourd'hui plus 90% de son chiffre d'affaires auprès des opérateurs télécoms dont les investissements sont soumis à des cycles.

Le fabricant cherche aussi à séduire les gouvernements qui ont par exemple besoin de réseaux dédiés pour leurs forces de sécurité, les opérateurs de transport ou les grands acteurs de l'énergie avec l'essor des réseaux intelligents ("smartgrid").

L'AVENIR DE LA DIVISION MOBILE EN QUESTION

Le premier fournisseur mondial d'équipements mobiles Ericsson prévoit pour sa part de dégager entre 20 à 25% de ses revenus auprès de clients non-opérateurs d'ici 2020.

Mais cette diversification implique une transformation de plus pour Alcatel-Lucent - adaptation des produits, mise en place de nouveaux canaux de distribution - qui prendra plusieurs années.

Alcatel-Lucent, qui mise notamment sur ses partenariats avec Hewlett Packard et Accenture pour atteindre de nouveaux clients, a signé 15 contrats avec des clients non-opérateurs depuis l'arrivée de Michel Combes, dont la RATP.

Pour l'analyste François Meunier, Alcatel-Lucent peut remporter son pari, des adaptations des produits étant à ses yeux nécessaires mais pas insurmontables.

"Le défi consistera à les faire repérer par de nouveaux clients et à leur prouver que les produits Alcatel sont une alternative viable à Cisco et Juniper", estime l'analyste de Morgan Stanley, selon lequel la priorité du groupe cette année consiste toutefois à remplir les promesses du plan Shift.

"Vu d'où vient le groupe, je pense que les investisseurs souhaitent qu'il exécute et on verra ensuite pour l'avenir".

Depuis un an et demi, Alcatel-Lucent, qui publie ses résultats annuels vendredi, a engagé 10.000 suppressions d'emplois dans le monde, accompli aux deux-tiers son objectif de réduction de coûts et obtenu la levée de gages sur ses précieux brevets.

Thermomètre de la confiance des marchés, le niveau de ventes à découvert sur le titre se situe autour de 8%, soit son niveau le plus bas depuis un an, selon des données Markit.

Si une majorité d'analystes estiment qu'Alcatel-Lucent atteindra son objectif de trésorerie, des interrogations demeurent sur l'avenir de sa division mobile considérée comme trop petite, ce qui alimente des spéculations de rapprochement avec un concurrent.

"Le marché va probablement se concentrer entre les mains d'Ericsson, Huawei et Nokia. Alcatel va être un pion dans le jeu de la consolidation", estime Mikael Rautanen, analyste à Inderes. (Avec Jussi Rosendahl, Eric Auchard et Blaise Robinson, édité par Jean-Michel Bélot)