* L'élection d'Emmanuel Macron paraît acquise

* La question des législatives se posera dès maintenant

* Qui mènera la bataille législative à droite et au PS ?

* Mélenchon renvoie Macron et Le Pen dos-à-dos

par Emmanuel Jarry

PARIS, 23 avril (Reuters) - Le premier tour de l'élection présidentielle a conclu dimanche la campagne la plus folle de la Ve République en propulsant au second deux candidats hors partis traditionnels, un séisme pour une droite et une gauche en déroute.

L'ex-ministre de l'Economie et ancien banquier de 39 ans Emmanuel Macron affrontera le 7 mai la candidate d'extrême droite Marine Le Pen, un an seulement après la création, saluée alors par un scepticisme général, de son mouvement En Marche !

L'irruption du terrorisme dans la campagne, avec la mort d'un policier jeudi soir sur les Champs-Elysées, n'a finalement pas bouleversé la hiérarchie établie par les sondages.

L'ancien ministre Les Républicains (LR) François Baroin n'a pas hésité à parler de "séisme" pour la droite et le candidat socialiste Benoît Hamon de "sanction historique" pour le PS.

Le résultat du second tour ne fait a priori guère de doute, tant les résultats de ce dimanche et les sondages sont en faveur d'Emmanuel Macron, qui a enregistré une cascade d'appels à voter pour lui, venant de droite comme de gauche.

C'est le cas du candidat Les Républicains François Fillon, relégué au mieux à la troisième place, et de Benoît Hamon.

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et la Haute Représentante de l'UE pour la politique étrangère, Federica Mogherini, ont félicité Emmanuel Macron dès dimanche soir, comme si son élection était déjà acquise.

Au point, pour le constitutionnaliste et directeur du centre juridique franco-allemand Philippe Cossalter, que "tout le monde se projettera dès lundi sur les élections législatives" de juin et sur l'avenir des deux partis de gouvernement défaits.

QUI POUR CONDUIRE LR AUX LÉGISLATIVES ?

"Il fait peu de doute qu'Emmanuel Macron sera élu. La question qui se pose, c'est de quelle majorité disposera-t-il ? Elle sera extrêmement composite", dit-il. "On peut arriver à une situation de type IVe République avec une majorité instable."

L'ancien protégé de François Hollande a lui même paru enjamber dimanche soir le second tour comme si c'était une simple formalité, dans une allocution à la tonalité très présidentielle devant des milliers de partisans exaltés.

"Désormais, il me revient de rassembler plus largement encore", a-t-il lancé. "Je veux dès à présent construire une majorité de gouvernement (...) Je ne demanderai pas à ceux qui me rejoignent d?où ils viennent mais s?ils sont d?accord pour le renouveau de notre vie politique."

C'est la première fois sous la Ve République que la droite ne sera pas présente au second tour d'une présidentielle, la troisième fois pour le PS, après 1969 et 2002.

La droite entend faire des législatives le troisième tour de cette présidentielle. Avec une question immédiate : avec quel leader et qui fixera la ligne, souligne Philippe Cossalter.

"Si Nicolas Sarkozy revient (...) ça pourrait être le suicide collectif de la droite républicaine", ajoute-t-il. "Cela pose la question immédiate de la décomposition ou recomposition de la droite républicaine, c'est un gros enjeu immédiat."

Une analyste partagée par l'ancien président de l'UMP, ancêtre de LR, Jean-François Copé, pour qui l'élimination de la droite est "un fiasco lamentable" appelant une "reconstruction complète" et un "changement générationnel complet".

A en juger par les premiers commentaires de dirigeants de droite, la tâche s'annonce en tout cas difficile.

QUEL PS APRÈS LE SECOND TOUR ?

"Il n'y aura pas en ce qui me concerne de coalition avec Emmanuel Macron", a ainsi averti le secrétaire général adjoint de LR, Laurent Wauquiez, sur France 2.

"Je ne demande pas une coalition (...) Je dis simplement que quand il y aura des choses positives, il faudra les soutenir", a répliqué sur le même plateau l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, un des ténors du même parti.

La situation paraît encore plus périlleuse pour le PS, dont le candidat, avec à peine 6% des suffrages, ne fait guère mieux que Gaston Deferre dont la défaite, en 1969, a scellé la disparition de la SFIO, ancêtre du Parti socialiste.

Le PS paraît beaucoup plus divisé que lors de l'élimination au premier tour de 2002 de son candidat, Lionel Jospin, par le père de la présidente du FN, Jean-Marie Le Pen. Nombre de ses parlementaires sont passés dans le camp d'Emmanuel Macron, ainsi que l'emblématique ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian.

Pour le PS aussi, la bataille législative à venir sera cruciale, souligne le chercheur du centre de recherche de l'institut de Sciences politique (Cevipof) Claude Dargent.

Il n'exclut pas le retour vers les candidats du PS d'une partie de l'électorat socialiste qui a voté pour Emmanuel Macron faute d'adhérer à ligne de l'ex-"frondeur" Benoît Hamon.

"Il n'est pas du tout sûr qu'on puisse projeter sur les législatives les résultats de la présidentielle", dit-il.

"Il y aura toujours un parti socialiste. La question est de savoir ce qu'il va représenter. Est-ce qu'il y aura un PS ou est-ce qu'il y en aura plusieurs ?" a-t-il ajouté.

Quant au candidat de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, qui a cru un temps être la surprise de ce scrutin, il risque de connaître le sort du président centriste du MoDem, François Bayrou, qui n'a jamais pu capitaliser sur sa troisième place du premier tour de 2007 (18,57% des voix).

Le cofondateur du Parti de gauche a été, hors FN, un des seuls dirigeants politiques, avec le président du mouvement souverainiste de droite Debout la France Nicolas Dupont-Aignan, à refuser d'appeler à voter Emmanuel Macron au second tour. (Edité par Yves Clarisse)