* Le président met fin à un suspense

* Mais ouvre un espace pour les prétendants

* La controverse entre les gauches ravivée

par Simon Carraud

PARIS, 1er décembre (Reuters) - En décidant de ne pas briguer un nouveau mandat à l'Elysée, François Hollande a répondu jeudi à une question mais en a soulevé de nombreuses autres, auxquelles la gauche devra répondre dans les mois et les années à venir.

A commencer par celle de la succession, d'autant plus brûlante que la présidentielle se profile dans cinq mois.

Le deuxième président socialiste de la Ve République laisse derrière lui une foule de prétendants mais n'a désigné aucun héritier officiel lors de son allocution-testament, pas même son Premier ministre depuis deux ans et demi, Manuel Valls.

"C'est une décision très frappante qui résout des tensions très fortes mais qui ouvre autant de perplexités et d'interrogations", juge François Miquet-Marty, président de l'institut Viavoice.

Cette mise en retrait volontaire "libère un potentiel de tensions et de rivalités au sein de la gauche qui, à quelques mois d'une présidentielle, est le scénario de tous les dangers pour elle", ajoute-t-il. "L'idée de sa candidature aurait permis de définir un cadre pour la gauche."

Voilà donc le jeu plus ouvert que jamais.

Mais, sans attendre cette annonce, inédite dans l'histoire de la Ve République, les candidats à la succession ne cachaient pas leurs ambitions.

Plusieurs anciens ministres de François Hollande se sont lancés dans la course, certains en passant par la primaire socialiste de janvier, comme Arnaud Montebourg et Benoît Hamon, et d'autres en contournant cet obstacle - Emmanuel Macron et la radicale de gauche Sylvia Pinel.

Et Manuel Valls entretenait depuis plusieurs semaines l'ambiguïté sur ses propres prétentions, au risque de semer la discorde au sommet de l'Etat.

MACRON PRÉFÉRÉ À GAUCHE

"Ç'aurait été plus facile si François Hollande avait adoubé Manuel Valls parce qu'il lui aurait transmis le flambeau. Il ne l'a pas fait. C'est sans doute la preuve que pour lui Manuel Valls avait peut-être dépassé des lignes", estime Stéphane Rozès, de la société de conseil et d'études Cap.

"Pour Emmanuel Macron, ça laisse les choses ouvertes. Il est déjà dans une situation enviable. C'est le préféré pour l'instant de l'électorat à gauche", ajoute Stéphane Rozès, pour qui l'annonce présidentielle est un "événement colossal".

Dans un sondage Elabe publié mercredi, l'actuel chef de l'Etat était crédité de seulement 7% des intentions de vote en vue de mai 2017, Manuel Valls de 9% et Arnaud Montebourg de 5%, des scores modestes au regard de ceux prêtés à Emmanuel Macron (entre 14% et 17%).

A plus long terme, le renoncement de François Hollande risque, selon les analystes, de raviver les controverses entre des gauches morcelées, qui tenteront chacune d'imposer leur hégémonie sur les autres.

"On va avoir un affrontement plus clair entre Manuel Valls, qui incarne une ligne plus droitière, plus libérale, plus sensible aux contraintes des entreprises, et de l'autre coté Marie-Noëlle Lienemann, Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, une ligne plus a gauche", relève Emmanuel Rivière, directeur général France de Kantar Public (Sofres).

Pour l'heure, "ça va être un peu Manuel valls seul contre tous", poursuit-il.

Cet examen de conscience pourrait être long pour la gauche, qui a toutes les chances d'être éliminée dès le premier tour de la prochaine présidentielle compte tenu de son état de faiblesse aujourd'hui.

Selon François Miquet-Marty, "le socle de personnes qui se déclarent proches de la gauche se situe entre 22% et 23%, ce qui est très faible. On était à plus de 40% en 2012." (Avec Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)