par Noah Barkin

BERLIN, 24 septembre (Reuters) - Affaiblie par les pires résultats de la CDU depuis 1949 et confrontée à un paysage politique fragmenté, Angela Merkel pourrait être contrainte de revoir à la baisse ses projets de réforme de l'Europe avec l'appui du président français Emmanuel Macron.

Les conservateurs de la chancelière sont arrivés largement en tête des élections législatives et Angela Merkel devrait être appelée à servir un quatrième mandat consécutif à la tête de l'Allemagne.

Mais les projections montrent que la CDU/CSU s'apprête à connaître son plus mauvais résultat depuis la fin de la Seconde guerre mondiale et le seul moyen pour les conservateurs de gouverner est de conclure une alliance.

Le SPD, mécontent de l'expérience de la "grande coalition" lors de la précédente législature, a annoncé qu'il retournait dans l'opposition et qu'il ne souhaitait pas jouer plus longtemps les supplétifs.

Reste alors à Angela Merkel de convaincre à la fois les libéraux du FDP et les écologistes pour une coalition tricolore mais cela serait s'associer à des formations très critiques à l'égard de la vision européenne défendue par Emmanuel Macron.

Pendant les quatre prochaines années, Angela Merkel va devoir également composer avec une nouvelle force, l'extrême droite qui effectue pour la première fois son entrée au parlement depuis les années 50.

Alternative für Deutschland (AfD), porté par la crise des migrants et la politique d'ouverture de Merkel, a obtenu plus de 13% des suffrages, ce qui fait de ce parti la troisième force politique parlementaire.

Ce quatrième mandat devrait être bien plus délicat à négocier que les précédents pour la chancelière qui depuis 2005 a pu compter sur un Bundestag conciliant.

"De mon point de vue, la réforme de la zone euro est la plus importante question de politique étrangère à laquelle le nouveau gouvernement va devoir répondre", a commenté Thomas Kleine-Brockoff, directeur du Fonds Marshall allemand à Berlin.

LE FDP ET L'AFD PROCHES SUR L'EUROPE

La coalition "Jamaïque" (noir, vert, jaune, les couleurs du drapeau jamaïcain), composée de la CDU/CSU, des écologistes et du FDP, risque d'avoir du mal à s'entendre sur ce sujet, estime-t-il.

Si les écologistes ont affirmé dès dimanche soir qu'ils étaient toujours favorables à une "Europe plus forte", en revanche le FDP refuse toutes nouvelles mesures en faveur de l'intégration de l'Allemagne au niveau européen.

"Il va y avoir un parti du non, un parti du oui, et une chancelière progressiste. Ce ne sont pas les conditions idéales pour un grand accord franco-allemand", ajoute Thomas Kleine-Brockoff.

Au cours de sa campagne, Emmanuel Macron a promis de "relancer" l'Europe en s'alliant à l'Allemagne, après des années de crise économique et financière et la décision de la Grande-Bretagne de sortir du bloc communautaire.

Le président français devrait exposer ses ambitions lors d'un discours mardi à La Sorbonne, avec la création d'un ministère européenne des Finances et d'un budget pour la zone euro. Merkel semblait réceptive à ces propositions même si elles inspiraient un fort scepticisme dans son parti.

Une alliance avec le FDP et la présence de l'AfD au Bundestag risquent de rendre la tâche de la chancelière compliquée au moment de vendre à ses compatriotes plus d'intégration européenne.

"Sur certaines questions liées à l'Europe, le FDP n'est pas loin de l'AfD. Si toutes leurs idées étaient appliquées nous retomberions dans une crise de la zone euro", explique Franziska Brantner, députée écologiste.

RADICALISATION DE LA CSU ?

La forte percée de l'AfD risque également d'avoir des conséquences indirectes en plaçant la CSU, alliée bavaroise de la CDU, en porte à faux. Dans un an, des élections régionales sont prévues en Bavière et la formation locale pourrait être tentée de radicaliser son discours et ses positions.

Le premier objectif d'Angela Merkel pourrait devenir la reconquête des électeurs qui se sont réfugiés à l'extrême droite mais cela signifierait des positions plus intransigeantes sur l'immigration et sur l'Europe.

Avant même les législatives, des conseillers de la chancelière anticipant une situation défavorable tentaient de relativiser la nécessité d'une réforme de la zone euro. Ils insistaient plutôt sur le besoin d'un renforcement des frontières européennes et sur une juste répartition des réfugiés entre les pays membres de l'Union européenne.

"Une seconde crise des réfugiés serait plus dévastatrice pour l'Europe qu'une seconde crise de la zone euro", analysait un responsable allemand interrogé par Reuters le mois dernier.

Une enquête d'opinion de la Fondation Bertelsmann, réalisée l'an passé, montrait que 41% des Français estimaient que l'Europe avait besoin de plus d'intégration politique et économique, soit 10 points de moins que la moyenne en Europe.

Seulement 31% des Français et 39% des Allemands estiment que le budget de la zone euro devrait être utilisé pour soutenir économiquement les Etats les plus faibles, comme le préconise le président français.

(Pierre Sérisier pour le service français)