par Nick Tattersall

ISTANBUL, 30 septembre (Reuters) - La Turquie pourra faire face à "toutes les menaces et tous les risques possibles" en provenance de Syrie et d'Irak si le parlement turc donne son feu vert à une intervention militaire dans ces deux pays, a déclaré mardi le vice-Premier ministre Bulent Arinc.

Le gouvernement turc demande au parlement d'élargir les mandats actuellement en vigueur permettant à la Turquie de frapper les activistes kurdes dans le nord de l'Irak et de se défendre contre toute menace émanant des forces du président syrien Bachar al Assad.

Les parlementaires devraient se prononcer par un vote jeudi.

Le gouvernement turc est préoccupé par la progression des radicaux sunnites de l'Etat islamique dans le nord de la Syrie, où ils affrontent des combattants kurdes près de la frontière, dans le secteur de Kobani (Aïn al Arab).

Les combattants de l'EI se rapprochent également de la tombe de Souleiman Shah, une enclave turque située à une trentaine de kilomètres au sud de Kobani où repose, sous la garde de soldats turcs, le corps du grand-père du fondateur de l'Empire ottoman, Osman Ier.

L'issue du vote des parlementaires turcs ne fait guère de doute, et des chars et des blindés de l'armée turque ont pris position côté turc de la frontière, sur des hauteurs dominant Kobani. (Voir )

ZONE D'EXCLUSION AÉRIENNE

La Turquie, qui partage quelque 800 km de frontière commune avec la Syrie et 350 km avec l'Irak, a marqué des réticences à assumer un rôle de premier ordre dans la coalition mise en place par les Etats-Unis contre l'EI.

Mais sa position a sensiblement évolué, notamment depuis la libération de 46 Turcs qui étaient détenus en otages dans le nord de l'Irak.

"La logique selon laquelle la Turquie ne prendrait pas de position militaire est fausse", a déclaré le président Tayyip Recep Erdogan dans une interview publiée samedi par le quotidien Hurriyet.

Intervenant le lendemain lors d'un forum à Istanbul, il a souligné que la Turquie devait faire montre de solidarité et qu'elle ne pouvait rester "à l'écart de cette campagne". Mais il a aussi souligné que les frappes aériennes ne suffiraient pas. "Il y a une dimension terrestre dans cette affaire", a-t-il ajouté.

D'après le quotidien pro-gouvernemental Sabah, deux brigades représentant environ 10.000 soldats sont en alerte dans la zone frontalière et prêtes à faire respecter une "zone refuge" pour les civils déplacés par les combats en Syrie.

Mais de hauts responsables turcs ont souligné qu'il était peu probable que la Turquie intervienne unilatéralement sur le territoire syrien ou irakien.

Ankara fixe également comme condition indispensable la création d'une "zone d'exclusion aérienne" le long de sa frontière avec ces deux pays.

La proposition, déjà avancée il y a deux ans, a été relancée par les représentants de la Turquie lors de leurs entretiens en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, la semaine dernière à New York. Sans susciter un enthousiasme débordant. "C'est une idée qui est présente depuis un certain temps déjà, mais ce n'est pas une chose facile à mettre en oeuvre", a dit Jen Psaki, la porte-parole du département américain d'Etat.

Intervenir pour sauver Kobani, majoritairement kurde, comporterait aussi, pour les autorités turques, le risque de renforcer le séparatisme kurde qu'elles ont combattu plus de trente ans dans le Sud-Est turc. (avec Asli Kandemir et Seda Sezer; Bertrand Boucey et Henri-Pierre André pour le service français)