La Maison blanche et le Trésor américain ont prévenu que les relations économiques avec l'Europe pourraient pâtir de la décision de la Commission, qui juge que les arrangements fiscaux entre Dublin et le groupe américain s'apparentent à une aide publique illégale.

Parmi les représentants des entreprises américaines en colère, Business Roundtable, qui rassemble les PDG de grands groupes, a qualifié la décision d'"acte d'agression" contre une société respectueuse des lois et un gouvernement souverain.

D'autres critiques de la décision européenne jugent qu'elle empiète sur les compétences de la justice américaine.

"Nous sommes inquiets quant à une approche unilatérale (...) qui menace (...) les efforts poursuivis en collaboration avec les Européens pour rendre équitable le système de taxation international", a dit à des journalistes le porte-parole de la Maison blanche Josh Earnest.

Le député républicain Kevin Brady dénonce lui une "ponction fiscale prédatrice".

Le gouvernement irlandais et le groupe informatique ont tous deux prévenu qu'ils comptaient faire appel de la décision.

Pour des législateurs de tout bord à Washington, la décision démontre en outre que le code fiscal des Etats-Unis doit être réécrit pour inciter les groupes américains à rapatrier les quelque 2.100 milliards de dollars (1.880 milliards d'euros) de bénéfices détenus à l'étranger.

Les désaccords entre républicains et démocrates restent toutefois profonds sur le sujet, et rien n'annonce une réforme dans l'immédiat.

COMBLER UN VIDE

La décision "est avant tout une nouvelle raison qui nous montre pourquoi il faut améliorer notre code fiscal", a dit le président républicain de la Chambre des représentants, Paul Ryan. "La décision d'aujourd'hui doit pousser à l'action", a-t-il ajouté.

Le groupe à la pomme détient hors du pays 181 milliards de dollars, plus qu'aucun autre groupe américain, estime un rapport publié l'année dernière par deux ONG, Citizens for Tax Justice et le U.S. Public Interest Research Group Education Fund.

La Commission européenne elle-même a critiqué indirectement la législation fiscale américaine, suggérant que Washington pourrait demander aux opérations irlandaises d'Apple de reverser une plus grande part de ses bénéfices au siège américain afin de financer la recherche et le développement, ce qui augmenterait l'assiette fiscale du groupe aux Etats-Unis.

L'ex-sénateur démocrate Carl Levin, dont l'enquête sur les pratiques d'évitement fiscal des groupes américains a été utilisée par Bruxelles, accuse les autorités fiscales américaines (IRS) d'avoir fermé les yeux sur les arrangements offshores conclus par Apple.

"L'IRS n'a pas revendiqué d'impôt américain sur ces revenus", a-t-il déclaré dans un communiqué, "Alors l'Europe essaie de combler le vide. Honte à Apple de contourner les taxes américaines. Honte à l'IRS de s'abstenir de contester l'évitement fiscal d'Apple", a-t-il poursuivi.

Selon la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, l'enquête de Carl Levin est l'un des documents clé qui a conduit son prédécesseur à Bruxelles à demander à Apple et à Dublin de dévoiler leur comptabilité.

"La commission a écouté et a décidé de regarder de plus près", avait-t-elle dit en juin.

Pour Steven Rosenthal, du groupe de recherche Tax Policy Center, les conséquences de la décision pourraient être durables : "Le système où les multinationales américaines stockent de l'argent offshore indéfiniment, à un taux zéro de taxation, pourrait toucher à sa fin", juge-t-il.

D'autres injonctions similaires pourraient suivre. Amazon.com et McDonald's font ainsi l'objet d'enquêtes sur leur fiscalité au Luxembourg tandis que la Commission européenne a ordonné à Starbucks de reverser 30 millions d'euros à l'Etat néerlandais.

(Avec Foo Yun Chee et Alastair Macdonald à Bruxelles; Julie Carriat pour le service français)

par David Morgan et Jason Lange