(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée vendredi)

par Jamie McGeever

LONDRES, 31 août (Reuters) - Après six ans de QE, le "quantitative easing" ou assouplissement quantitatif, qui a conduit les banques centrales à injecter des milliers de milliards d'euros dans le système financier mondial pour soutenir le crédit et l'activité, les investisseurs doivent aujourd'hui s'adapter au "QT".

Le "quantitative tightening", littéralement "resserrement quantitatif", prend en effet de l'ampleur avec la vente par la Chine d'une partie de ses réserves de change pour protéger son économie et ses marchés contre les effets des sorties de capitaux observées ces derniers mois. Et d'autres pays émergents semblent emboîter le pas de Pékin.

Les analystes de Citi estiment que les réserves de change mondiales ont diminué au rythme de 59 milliards de dollars par mois depuis environ un an, et de près de 100 milliards mensuels ces tout derniers mois.

Selon une source d'une autre grande banque internationale, les banques centrales des pays émergents pourraient avoir vendu jusqu'à 200 milliards de dollars de réserves de change au cours du seul mois d'août, dont probablement 100 à 150 milliards pour la Chine.

"Le potentiel de nouvelles sorties de Chine est énorme", dit George Saravelos, analyste spécialisé de Deutsche Bank à Londres. "Le résultat final, c'est que le marchés pourraient craindre une montée en puissance du QT."

La Chine détient, de loin, les plus importantes réserves de change du monde, constituées en majeure partie d'actifs libellés en dollar américain, dont des bons du Trésor et des obligations. Fin juin, ces réserves s'élevaient à 3.690 milliards de dollars.

Ce matelas a diminué depuis le pic atteint il y a un an à près de 4.000 milliards de dollars. Une partie de ce recul est lié aux fluctuations des taux de change avec la hausse du billet vert mais les ventes décidées par Pékin ont pris une importance croissante ces derniers temps.

Il est difficile de connaître avec certitude le montant de ces cessions et leur composition, la Chine ne publiant pas le détail de la composition de ses réserves, que ce soit par devises ou par type d'actifs.

Les statistiques du Fonds monétaire international (FMI) sur les réserves de change mondiales suggèrent qu'environ deux tiers des réserves chinoises sont libellées en dollar. Les données du Trésor américain montrent par ailleurs que Pékin détient 1.270 milliards de dollars d'emprunts américains, même si des analystes estiment que ce montant est nettement supérieur.

DES IMPLICATIONS POTENTIELLES ÉNORMES

Les implications d'éventuelles ventes massives de "Treasuries" par la Chine et d'autres pays émergents pourraient être énormes.

Selon Citi, qui s'appuie sur diverses études universitaires, une diminution de leurs réserves équivalant à 1% du produit intérieur brut (PIB) américain, soit environ 178 milliards de dollars, se traduirait par une hausse de 15 à 35 points de base du rendement des emprunts américains à 10 ans.

Or Yang Zhao, chef économiste pour la Chine chez Nomura, estime que la Banque populaire de Chine (BPC) a vendu pour près de 100 milliards de dollars de réserves de change en juillet et autant en août.

"Notre estimation des sorties de capitaux en juillet est de 90 milliards de dollars. Mais en juillet, le taux de change était inchangé, ce qui suggère que la BPC a vendu beaucoup de devises (...) près de 100 milliards de dollars", a-t-il déclaré à des journalistes la semaine dernière.

"Après une dépréciation de 3%, la BPC a tenté de défendre le renminbi et a commencé à intervenir très agressivement. Je dirais donc qu'en août, on serait très proche de 100 milliards de dollars."

La chute des cours des matières premières et la crainte d'une dégradation des perspectives de croissance, notamment en Chine, a favorisé les sorties de capitaux des marchés émergents.

Des chiffres de CrossBorder Capital, une société d'études et de gestion londonienne, suggèrent que ces sorties ont approché 1.000 milliards de dollars sur l'année écoulée, dont plus de 750 milliards pour la Chine.

Ce courant a contraint les banques centrales de nombreux pays émergents à puiser dans leurs réserves pour tenter d'endiguer la chute de leur monnaie.

Mais la crainte d'une nouvelle "guerre des monnaies" a été attisée par la dévaluation du yuan le 11 août, qui a provoqué un mouvement de baisse des devises émergentes et conduit le Vietnam et le Kazakhstan à dévaluer à leur tour leur monnaie.

(avec Karin Strohecker; Marc Angrand pour le service français)