par Mark Hosenball et Phil Stewart

WASHINGTON, 24 janvier (Reuters) - Les Etats-Unis ont été contraints d'arrêter certaines opérations antiterroristes menées contre Al Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) après l'effondrement du gouvernement au Yémen et la prise de contrôle du pays par les miliciens chiites houthis, indiquent des responsables américains.

La démission du président Abd-Rabbou Mansour Hadi précédée de quelques heures par celle de son Premier ministre Khaled Baha, jeudi, a "paralysé" les opérations menées par l'antiterrorisme américain.

Selon deux responsables des services de sécurité US, cet effondrement politique constitue un revers important pour Washington dans sa lutte contre Aqpa.

L'arrêt de certaines activités concerne également les frappes menées par des drones et ce au moins de manière temporaire alors que le Yémen, pays le plus pauvre du monde arabe, s'achemine vers une guerre civile, précisent d'autres responsables.

Les agents en poste au Yémen travaillaient en collaboration avec les forces gouvernementales sur la base aérienne d'Al Annad à partir de laquelle ils surveillaient les activités d'Aqpa, organisation qui a revendiqué les attaques terroristes qui ont coûté la vie à 17 personnes à Paris début janvier.

D'autres responsables américains se sont voulus moins alarmistes, affirmant que la situation sur le terrain demeurait fluide et que la suspension des activités n'était que temporaire, le temps de procéder à des évaluations.

Le porte-parole de la Maison blanche, Josh Earnest, a déclaré que Washington entendait poursuivre sa collaboration avec les autorités yéménites dans la lutte contre le terrorisme. "Je n'ai aucun changement à annoncer dans la politique actuelle sur ce sujet", a-t-il dit.

"MAINS LIBRES"

Certains responsables redoutent que le chaos dans lequel est en train de sombrer le pays offre à Al Qaïda l'espace nécessaire à son expansion et facilite l'organisation d'attaques contre des cibles occidentales.

"Cela pourrait permettre à Aqpa d'avoir les mains plus libres dans certaines régions du pays", a commenté Lorenzo Vidino, auteur de "Al Qaïda en Europe" et analyste à l'Institut des politiques internationales en Italie. "Cela signifie plus de moyens pour préparer des attaques contre les Etats-Unis".

Tout comme le Pakistan, le Yémen est un pays jugé stratégique par Washington pour la défense des intérêts américains.

En 2014, dix-neuf raids de drones ont tué 124 activistes et quatre civils, selon la New America Foundation qui compile des statistiques sur l'utilisation de ces engins téléguidés.

La dernière opération en date a eu lieu le 6 décembre et s'est traduite par la mort de neuf militants présumés d'Al Qaïda.

Pour le contre-amiral John Kirby, porte-parole du Pentagone, les Etats-Unis doivent avoir une vue plus claire de l'évolution politique au Yémen avant "de prendre une décision ou de décider d'aller de l'avant de manière significative dans la lutte antiterroriste".

Kirby a précisé qu'il serait "faux de conclure" que Washington a cessé ses activités dans ce domaine au Yémen, ni "qu'aucune mesure n'est prise lorsque et quand cela est nécessaire".

La démission du président Hadi pourrait remettre en cause les plans de la Maison blanche qui estimait il y a quatre mois que le partenariat avec les autorités yéménites était un modèle de "succès".

L'administration américaine a confirmé jeudi qu'elle avait encore réduit le personnel diplomatique en poste dans le pays en raison de la menace sécuritaire.

Les miliciens houthis soutenus par l'Iran sont les adversaires des insurgés sunnites d'Al Qaïda mais ils considèrent également les Etats-Unis comme un ennemi, comme l'ont prouvé les manifestations organisées vendredi dans la capitale Sanaa où des milliers de personnes ont scandé "mort à l'Amérique, mort à Israël".

(Pierre Sérisier pour le service français) ;))