* Varoufakis: le moment est venu de "décrocher" de l'aide

* Il faut "un nouveau contrat" avec la Grèce, dit Sapin

* Le gouvernement grec veut relever le salaire minimum

par Ingrid Melander et Angeliki Koutantou

PARIS/ATHENES, 1er février (Reuters) - Le nouveau gouvernement grec a entamé dimanche sa campagne pour la renégociation des accords sur la réduction de sa dette et a commencé à revenir sur les mesures d'austérité imposées par ses créanciers internationaux.

A l'issue d'une première semaine menée au pas de charge, l'équipe d'Alexis Tsipras a fait savoir vendredi qu'elle n'avait pas l'intention de coopérer avec la "troïka" formée par la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le fonds monétaire international (FMI), et qu'il ne demanderait pas d'extension du programme d'assistance financière qui expire le 28 février.

Le chef de file de Syriza, parti de la gauche radicale, cherche au contraire à persuader ses partenaires européens de lui accorder un répit, le temps qu'un nouvel accord soit conclu sur cette dette qui représente 175% du produit intérieur brut, soit 320 milliards d'euros.

Dimanche à Paris, le ministre grec des Finances a proposé d'élaborer des propositions d'ici un mois afin de parvenir à un accord avec les créanciers internationaux et a exclu de solliciter une nouvelle tranche d'aide d'ici-là.

"Ce n'est pas que nous n'avons pas besoin d'argent, nous sommes aux abois", a-t-il reconnu lors d'une conférence de presse commune avec son homologue français Michel Sapin.

"Au cours des cinq dernières années, la Grèce n'a vécu que pour la tranche de prêt à venir. Comme des toxicomanes, nous ne pensions qu'à la dose suivante", a-t-il déploré, jugeant le moment venu de "décrocher".

Si Athènes pouvait disposer d'un mois pour formuler ses propositions, un accord réaliste avec ses partenaires serait envisageable six semaines plus tard, a-t-il assuré.

LE TEMPS DE "RESPIRER"

Il faut "un nouveau contrat" avec la Grèce, a quant à lui déclaré Michel Sapin, insistant sur le fait que le nouveau gouvernement grec devait avoir le temps de "respirer" pour proposer des "outils" afin de sortir des difficultés et pour construire son programme de réformes.

La discussion doit s'ouvrir sur les moyens d'alléger le fardeau de la dette publique grecque, mais il n'est pas question d'annuler cette dette, a-t-il répété.

Avant la victoire de Syriza aux élections législatives, Alexis Tsipras avait souhaité une annulation d'une partie de la dette détenue par les Etats européens, le rééchelonnement de la partie détenue par la Banque centrale européenne et le paiement celle détenue par le Fonds monétaire international.

Yanis Varoufakis, qui a rencontré vendredi le secrétaire américain au Trésor Jack Lew, s'est dit impatient de parler au ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, dont le gouvernement n'a cessé d'insister sur la nécessité pour Athènes de rembourser ses dettes.

Il doit se rendre lundi à Londres puis mardi à Rome, où il sera rejoint par Alexis Tsipras. Ce dernier a prévu de rencontrer mercredi François Hollande et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

"Personnellement, je considère qu'il n'est pas improbable que nous ayons une feuille de route à l'issue de la rencontre avec M. Juncker", a commenté le vice-Premier ministre grec Yannis Dragasakis, interrogé par la chaîne de télévision Mega.

"UN PETIT CHOC DE CROISSANCE"

A Athènes, le nouveau gouvernement a réaffirmé dimanche son intention de relever le salaire minimum, abaissé de 751 à 586 euros en 2012 à la demande des créanciers internationaux.

"Relever le salaire minimum à ce niveau peut être un petit choc de croissance", a estimé le ministre du Travail Panos Skourletis à la télévision. "Quand on donne de l'argent à des personnes aux revenus aussi bas, elles le dépensent pour des besoins de première nécessité: du pain, du lait, une paire de chaussures."

Alexis Tsipras devrait donner plus de détails à l'occasion du discours de politique générale qu'il doit prononcer dans les jours qui viennent au Parlement. Selon Panos Skourletis, le gouvernement compte consulter syndicats et employeurs avant la mise en place de ces mesures.

Nikos Chountis, vice-ministre des Affaires étrangères chargé des affaires européennes, a réaffirmé dimanche qu'Athènes souhaitait désormais négocier directement avec les "28" et avec le FMI sans passer par la troïka, dont Jean-Claude Juncker souhaite lui aussi la dissolution, selon le quotidien allemand Handelsblatt.

La Grèce est censée recevoir 7,2 milliards d'euros, l'ultime tranche des programmes d'assistance d'un montant total de 240 milliards négociés depuis la crise de 2009, sous réserve d'en accepter les conditions.

Erkki Liikanen, membre du conseil des gouverneurs de la BCE, a prévenu samedi que l'institution de Francfort pourrait fermer les robinets aux banques grecques si le-dit programme, déjà étendu de deux mois, n'est pas prolongé après la fin février.

Athènes, qui n'a pas accès aux marchés obligataires, doit rembourser environ dix milliards d'euros à divers créanciers cet été.

(Avec Jean-Baptiste Vey et Marc Joanny; Jean-Philippe Lefief pour la version française)