* Les attentats ont fait au moins 42 morts

* Mistura dénonce une tentative de sabotage

* Damas exige une condamnation de l'opposition

* Les opposants accusent le régime de chercher un prétexte (Actualisé avec citation de Mistura §3, changement d'origine et de signature)

par John Irish, Stephanie Nebehay et Tom Miles

GENEVE, 25 février (Reuters) - L'émissaire de l'Onu pour la Syrie a appelé samedi Damas et l'opposition à ne pas se laisser détourner des discussions de paix de Genève par les attentats perpétrés dans la matinée à Homs et les bombardements menés en représailles par l'aviation de Bachar al Assad.

Staffan de Mistura a qualifié ces attentats visant les forces de sécurité syriennes, qui n'ont pas été revendiqués mais salués par une alliance djihadiste hostile aux négociations, de "tentative de sabotage" du processus de paix qui a repris jeudi à Genève après dix mois d'interruption.

"On s'attendait, et on doit continuer à s'attendre, à ce que des saboteurs essaient de peser sur l'issue des discussions. Il est dans l'intérêt de toutes les parties qui sont opposées au terrorisme et engagées dans le processus de paix en Syrie de ne pas permettre le succès de ces tentatives", souligne l'émissaire de l'Onu dans un communiqué.

Un peu plus tôt, le chef de la délégation de Damas, Bachar Djaafari, avait prévenu que le gouvernement considérerait comme "terroristes" tous les groupes présents en Suisse qui ne condamneraient pas clairement ces attaques.

A l'issue d'un entretien avec Staffan de Mistura, il a ajouté que le régime n'accepterait de discuter avec l'opposition que si celle-ci est "unifiée, condamne le terrorisme et n'a pas d'agenda étranger".

Les opposants ont aussitôt accusé Damas de chercher un prétexte pour mettre fin au processus politique.

"Nous condamnons tous les actes terroristes commis par tous les groupes terroristes. Si l'opération à Homs a été menée par l'un d'entre eux, je le dis clairement", a déclaré le principal négociateur de l'opposition, Nasr al Hariri.

"Ils cherchent uniquement à se maintenir au pouvoir. Le régime tente de bloquer les négociations", a-t-il ajouté.

Les violences sur le terrain et l'absence totale de confiance entre les deux camps compliquent la tâche de Staffan de Mistura, qui a tenté ces derniers jours d'obtenir un accord sur l'organisation de discussions directes entre Damas et l'opposition.

DISCUSSIONS DIRECTES AU POINT MORT

Les représentants des deux parties se sont assis jeudi pour la première fois autour de la même table, lors d'une cérémonie organisée pour la reprise des discussions, mais n'ont pas eu de contacts directs.

Basma Kodmani, membre du Haut comité des négociations mis sur pied par l'opposition pour le processus de Genève, a déploré samedi que les tractations à ce sujet n'avancent pas plus vite.

"Cela démarre très lentement. Nous aimerions que les choses aillent assez vite (...) Nous avons des options opérationnelles concrètes et nous pensons que des négociations directes doivent avoir lieu", a-t-elle souligné, évoquant les propositions que l'émissaire de l'Onu a selon elle remis vendredi aux deux parties.

Staffan de Mistura s'était lui-même montré circonspect avant même de s'entretenir samedi avec la délégation gouvernementale.

"Chaque fois que nous avons des discussions (...), quelqu'un essaie de les saboter. Je m'attends à ce genre de chose", a déploré l'émissaire de l'Onu.

Mettre les deux parties "dans la même pièce est symbolique, mais rien n'en sortira tant que leurs parrains n'auront pas commencé à s'entendre", a quant à lui commenté un diplomate occidental ayant requis l'anonymat.

Les attentats à Homs sont de ce point de vue un test des intentions de la Russie, grande alliée du régime syrien, à appuyer les efforts de l'Onu, alors qu'elle a initié en fin d'année dernière son propre processus de négociations avec le soutien de l'Iran et de la Turquie.

LA TRÊVE RISQUE DE S'EFFONDRER

Ces attaques qui ont visé une caserne et une antenne de la Sécurité de l'Etat dans la ville de l'ouest de la Syrie ont fait au moins 42 morts, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Parmi les victimes figure le général Hassan Daaboul, chef de la sécurité militaire de Homs. Les attentats, qui avaient été précédés de fusillades dès l'aube, n'ont pas été explicitement revendiqués, mais l'alliance rebelle Tahrir al Cham, créée en janvier et hostile au processus de paix, s'en est félicitée.

"Cinq kamikazes ont attaqué deux sections de la Sécurité d'Etat et de la sécurité militaire à Homs (...) Dieu soit loué", a-t-elle dit sur le réseau Telegram.

L'aviation syrienne a ensuite bombardé le dernier quartier de la ville aux mains des insurgés, où 50 blessés ont été dénombrés, selon l'OSDH. D'autres raids aériens ont fait six morts à Douma, dans la banlieue est de Damas, et quatre à Hama, ajoute l'ONG.

Tahrir al Cham réunit plusieurs groupes djihadistes dont le Front Fateh al Cham, ex-Front al Nosra, qui dit avoir rompu en juillet avec Al Qaïda. Depuis sa création, l'alliance dont le nom signifie Libération du Levant affronte d'autres groupes insurgés, dont l'Armée syrienne libre (ASL) et ceux qui se réclament de l'Etat islamique.

A Genève, Basma Kodmani a assuré que les groupes favorables au dialogue observaient scrupuleusement la trêve qui a permis la reprise des discussions, mais a douté de l'engagement de Damas.

"Le cessez-le-feu est de fait violé aujourd'hui de la plus horrible des manières (...) Le recours au napalm hier et les bombardements aériens intensifs d'aujourd'hui à Waer, dans la banlieue de Homs, nous donnent des signes très négatifs des intentions du régime", a-t-elle déploré

"Si rien ne se produit à Genève, je crains que le cessez-le-feu s'effondre aussi pour l'opposition", a averti Basma Kodmani, invitant la Russie à faire pression sur Damas pour le respect de la trêve et l'ouverture de discussions directes en Suisse. (Avec John Irish, Stephanie Nebehay, Yara Abi Nader, Laila Bassam à Genève, John Davison à Beyrouth, Ahmed Tolba au Caire et Kinda Makieh à Damas; Jean-Philippe Lefief et Tangi Salaün pour le service français)