* Valls lundi et mardi en Allemagne

* Paris veut du temps pour ses déficits et ses réformes

* Berlin s'impatiente

par Julien Ponthus et Mark John

PARIS/BERLIN, 21 septembre (Reuters) - Manuel Valls est attendu de pied ferme lundi à Berlin par Angela Merkel, dont le gouvernement ne cache plus sa frustration face à la décision de Paris de reporter son assainissement budgétaire sans conduire, selon l'Allemagne, des réformes structurelles.

Le Premier ministre français a déclaré mardi qu'il entendait convaincre l'Allemagne de "prendre ses responsabilités" pour relancer la croissance en Europe, tout en la persuadant de laisser la France réduire ses déficits publics à un rythme qui ne compromette pas une reprise encore balbutiante.

L'exercice s'annonce périlleux pour Manuel Valls au vu de l'impatience qui grandit en Allemagne.

"Cela fait 25 ans que je couvre les relations franco-allemandes et je n'ai jamais vu les Allemands aussi agacés (...) par les Français", affirme Charles Grant, directeur du Centre for European Reform (CER), un cercle de réflexion sur l'Europe.

"Ils sont désespérés par Hollande, ils pensent qu'il n'arrive pas à contrôler les dépenses publiques ou à faire des réformes structurelles", dit le chercheur pour qui Berlin a davantage confiance en Matteo Renzi, le dirigeant italien.

Mettant en avant la faible inflation et une croissance atone dans la zone euro, Paris a reporté à fin 2017 l'objectif de faire passer ses déficits publics sous la barre des 3% du PIB alors qu'il s'était engagé à y parvenir en 2015.

Sur le plan des réformes, le compte, selon Berlin, n'y est pas.

"Très peu a été fait. Ils doivent faire beaucoup plus", dit-on à la chancellerie allemande.

"AUCUN INTÉRÊT A HUMILIER LES FRANÇAIS"

"Nous n'avons aucun intérêt à humilier les Français avec une amende (européenne)", estime un responsable allemand qui a requis l'anonymat en raison de la sensibilité du sujet.

"Mais nous aimerions obtenir quelque chose d'eux, comme des mesures véritables et vérifiables sur des réformes structurelles, pour les laisser s'en tirer", poursuit-il, ajoutant qu'il sera difficile de trouver un compromis.

Mais Manuel Valls a déjà prévenu l'Allemagne qu'il n'irait pas à Berlin pour "s'excuser auprès de la chancelière".

Il a déclaré à des journalistes se rendre à Berlin avec un état d'esprit "positif" et la volonté de détailler les réformes prévues, comme celle assouplissant les seuils sociaux qui déclenchent des obligations en matière de représentation syndicale ou l'ouverture des magasins le dimanche.

"Je suis le premier à dire qu'il faut réduire le déficit public. La France va lancer ainsi un plan d'économies sans précédent de 50 milliards d'euros d'ici à 2017 mais il est hors de question de réduire les déficits à marche forcée", a confié le Premier ministre à la presse étrangère vendredi.

François Hollande a aussi plaidé durant sa conférence de presse pour que plus de temps soit donné à la France.

"Qu'on ne nous demande pas de faire en cinq ans ce que nos amis Allemands ont fait en dix ans dans un contexte plus favorable", a-t-il dit, ajoutant que Berlin était favorable à la baisse des charges mises en oeuvre dans le pacte de stabilité.

La dette française s'approche dangereusement des 100% de la richesse nationale et Paris est loin d'atteindre l'équilibre de ses comptes hors paiement des intérêts de la dette.

Par contraste, l'Allemagne ne fera pas de nouvelles dettes en 2015, une première depuis 1969 mais qui constitue la démonstration pour la France que son puissant voisin a largement les moyens de stimuler l'activité. (Avec Noah Barkin, édité par Yves Clarisse)