"Que retenez-vous de la dernière réunion du Conseil des gouverneurs de la BCE ?
Bien que cette réunion ne fût pas déterminante en ce que nous n’en attendions pas de grandes décisions, deux éléments intéressants ressortent de la conférence de presse donnée par Mario Draghi.
Le travail sur des mesures de politique monétaire non conventionnelles se poursuit et s’est même intensifié, en particulier, sur le programme de rachat d’ABS.
Ce programme est de nature à injecter de la liquidité dans le système monétaire.

Ce programme pourrait-il, selon vous, voir le jour bientôt ?
Je pense que l’on peut raisonnablement envisager son lancement d’ici la fin de l’année, peut-être à la rentrée.

Quels autres commentaires vous inspire la dernière conférence de presse du président de la BCE ?
Mario Draghi a lancé un avertissement assez sérieux à l’égard des pays qui n’ont pas mis en œuvre suffisamment de réformes structurelles. La France était en partie visée.

Il semble pour autant que Mario Draghi n’ait pas émis d’inquiétude particulière autour du ralentissement de la dynamique économique observée ces derniers jours, singulièrement en Allemagne et en Italie…
Je pense effectivement qu’il n’y a pas d’inquiétude à avoir. Les données économiques que l’on a ne sont pas très surprenantes.
S’agissant de l’Italie, il y a lieu de laisser le bénéfice du doute et donc plus de temps à l’actuel premier ministre Matteo Renzi pour voir se concrétiser les résultats de sa politique.
Les statistiques sur les commandes industrielles allemandes ne sont pas si dramatiques et apparaissent même satisfaisantes puisqu’elles mettent en exergue la vulnérabilité de la première puissance de la zone euro s’agissant de ses exportations. Elles sont ainsi à même d’inciter les autorités du pays à multiplier les mesures pour stimuler la demande intérieure.
Par ailleurs, il y a des aléas géopolitiques qui ne sont pas négligeables et qui freinent un peu l’activité du pays.
Ainsi, même si la situation demeure extrêmement fragile, que la croissance et l’inflation sont très faibles, Mario Draghi a raison de garder la tête froide en vue de prendre suffisamment de recul pour agir dans la bonne direction.

Deux autres sujets ont été abordées lors de cette conférence parmi lesquels l’ampleur supposé de l’impact des risques géopolitiques... Quelle est votre vision des choses ?

A l’instar de ce que dit Mario Draghi l’impact est pour l’heure très difficile à évaluer. Les risques géopolitiques sont dans leur essence compliqués à apprécier. Cependant il semble assez évident que la croissance de la zone euro sera affectée.
Ceci étant, si l’on prend un pays comme l’Allemagne, sa santé économique dépend surtout de la santé de ses principaux partenaires commerciaux qui sont la France, l’Italie et l’Espagne.

Votre vigilance s’est elle pour autant renforcée ?
Elle s’est renforcée depuis juin. Nous avions alors coupé nettement l’exposition de nos fonds flexibles aux actions. Entre la mi-juin et fin juin, nous étions quasiment absents de ce segment de marché.
A présent, nous avons perdu 10% sur l’Eurostoxx en quasi ligne droite, ce qui est excessif surtout si l’on retient que le soutien des grandes banques centrales continue à être significatif. Cela nous a poussés à revenir progressivement notamment sur des valeurs industrielles allemandes qui ont été exagérément mises à mal, allant jusqu’à perdre 25%.

Quelle est désormais votre exposition aux actions dans vos fonds flexibles ?
Elle est à 50%. Nous avons surtout procédé à des relèvements de couverture que l’on avait sur le marché américain et le marché européen.

Qu’est ce qui a été l’élément déclencheur de vos coupures de positions en juin ?
A la fois des considérations fondamentales et des considérations géopolitiques.

Tout d’abord, le marché était relativement cher. Les multiples étaient très élevés. Compte tenu du contexte de croissance morose qui dominait il était très probable que les bénéfices allaient avoir du mal à suivre en termes notamment de topline.
Sur le plan géopolitique, la montée des perturbations en Ukraine et la ravivication du conflit israélo palestinien ont contribué à davantage ébranler la confiance des investisseurs dans l’avenir des entreprises européennes, surtout celles qui ont des exportations vers ces régions.

Le dernier point soulevé par les journalistes lors de la séance des questions-réponses à l’issue de la conférence de presse de Mario Draghi a concerné les ennuis rencontrés par la banque portugaise Espirito Santo. Le président de la BCE estime le problème endigué grâce à la réactivité des autorités impliquées dans ce dossier.
Je pense également que ce problème a été bien géré grâce des mécanismes efficients. Les actionnaires paient le prix cher mais c’est le risque pris en contrepartie de la détention des titres de capitaux de cette entreprise.

Vous pensez donc qu’il n’y aura pas de débordement dans le reste du secteur bancaire européen ?

Le cas d’Espirito Santo est très spécifique. Il s’agissait d’une fraude massive réalisée entre la banque et sa holding. Cela n’avait rien à voir avec la santé du secteur bancaire européen.
Vouloir relier ce problème au secteur dans son ensemble est donc hors de propos.
La santé du secteur dépend quant à elle des prêts qui seront octroyés et des dépôts qui seront effectués. La croissance s’accélérant quelque peu, avec un effet de base très important, l’activité bancaire devrait être favorisée. En cela nous ne sommes pas au bout de l’amélioration du ratio price to book.

A ce jour, quels facteurs de risque susceptibles de faire bouger votre allocation surveillez-vous étroitement ?
La mauvaise tenue du marché américain.
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