* Des réformes engagées dans la douleur

* Chômage toujours haut, croissance molle

* Contestation d'une gauche défiante et divisée

* Guerres et attentats ont jalonné le quinquennat

* Le procès en autorité contre le président n'a pas cessé

par Elizabeth Pineau et Jean-Baptiste Vey

PARIS, 1er décembre - François Hollande a annoncé jeudi qu'il renonçait à briguer un second mandat par peur de ne pouvoir rassembler autour de sa candidature, une décision prise au crépuscule d'un quinquennat ardu sur les fronts économique, politique et sécuritaire.

Au-delà du bilan mitigé de son action, c'est l'image du chef de l'Etat socialiste qui était abîmée au terme d'un mandat où le procès en autorité à son égard n'a pas cessé, encore aggravé par la publication, cet automne, d'un livre de confidences à des journalistes dont le contenu a offusqué nombre de ses soutiens.

Signes de cette défiance, les récentes tentatives du Premier ministre, Manuel Valls, pour dissuader le président de se présenter se sont ajoutées à l'entrée dans la course à l'Elysée de plusieurs de ses anciens ministres, d'Emmanuel Macron à Sylvia Pinel en passant par Arnaud Montebourg et Benoît Hamon.

Ces deux derniers affronteront sans doute Manuel Valls, qui a déclaré se "préparer" à la primaire organisée en janvier pour désigner le candidat porté par le Parti socialiste pour l'élection d'avril-mai.

Le prochain locataire de l'Elysée succédera à un chef de l'Etat socialiste dont les cinq ans de règne auront été marqués par la mort et l'adversité, dans un contexte mondial troublé.

Président d'un pays confronté aux attentats les plus meurtriers de son histoire, "chef de guerre" d'une armée engagée sur plusieurs fronts, François Hollande a trouvé sur sa route maints obstacles : manifestations - de "droite" contre le mariage homosexuel et de "gauche" contre la loi Travail, notamment -, fronde persistante d'une partie de la majorité contre les réformes, problèmes liés à sa vie privée, cote de confiance historiquement faible.

En entrant à l'Elysée, il avait demandé à être jugé sur ses résultats, à commencer par la situation économique et l'emploi, préoccupation numéro un des Français.

LA COURBE DU CHÔMAGE S'EST (UN PEU) INVERSÉE

Malgré des taux d'intérêt historiquement bas et une chute des prix du pétrole, le miracle n'a pas eu lieu.

Depuis quelques mois, le président assure que la France est sortie de l'ornière, avec le retour de la croissance et le recul du chômage et des déficits. Mais sur tous ces indicateurs, les progrès sont lents et poussifs.

A peine arrivé aux affaires, il s'était fixé un ultimatum : sans "inversion" de la courbe du chômage, qu'il imaginait au départ dès fin 2013, il ne saurait briguer un second mandat.

Le graphique du nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A montre effectivement une inflexion à la baisse (http://reut.rs/1VigIIT). Mais, à près de 3,480 millions à fin octobre, ce nombre reste proche de son record (3,591 millions en février 2016) et supérieur de 556.000 au niveau du début du quinquennat, fin mai 2012.

Pas d'embellie réelle non plus côté croissance économique, qui atteindra péniblement cette année 1,2%/1,3%, du même ordre qu'en 2015. Elle devrait rester l'an prochain inférieure à la moyenne de la zone euro (http://reut.rs/1XOQoGz et http://reut.rs/29SoGUV).

Le déficit public ne devrait, pour sa part, revenir sous la limite européenne de 3% du PIB qu'au plus tôt fin 2017, alors que François Hollande s'était engagé lors de la campagne présidentielle à le ramener à l'équilibre à cette date.

La baisse des prélèvements sur les entreprises, entamée en cours de quinquennat avec le Crédit d'impôt compétitivité emploi et le Pacte de responsabilité lancés sous la houlette du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, a permis d'améliorer leurs marges amputées par la crise, mais le décollage espéré de l'investissement et de l'emploi est encore timide.

Quant à la hausse des impôts des ménages décidée en début de quinquennat, même si elle a été suivie de baisses pour les moins fortunés, elle a généré un "ras-le-bol fiscal" qui a braqué nombre d'électeurs de la classe moyenne.

UNE GAUCHE BALKANISÉE

L'absence de succès économiques rapides, les choix fiscaux favorables aux entreprises, une réforme bancaire jugée trop timorée et la volonté d'assouplir le droit du travail ont provoqué une scission de plus en plus marquée entre l'aile gauche du Parti socialiste et les soutiens de l'exécutif.

Le gouvernement s'est heurté à cette contestation quasi permanente sur de nombreux projets de loi - y compris, récemment, celui sur la taxe sur les transactions financières.

Au point de pousser Manuel Valls à recourir à l'article 49-3 de la Constitution permettant une adoption sans vote de deux réformes économiques et sociales : les lois dites Macron et El Khomri visant à desserrer de nombreuses contraintes.

Ces passages en force ont encore durci le camp des socialistes "frondeurs" et renforcé une gauche contestataire aujourd'hui séduite par Jean-Luc Mélenchon et Arnaud Montebourg.

Le départ tonitruant de ce dernier du gouvernement en août 2014 a été suivi, deux ans plus tard, par une autre défection de taille, celle d'Emmanuel Macron, ancien protégé du président nommé ministre de l'Economie, désormais au nombre des adversaires du chef de l'Etat.

Le projet présidentiel d'inscrire la déchéance de la nationalité dans la Constitution, envisagé après les attentats de novembre 2015, a suscité l'émoi du "peuple de gauche" et provoqué le départ du gouvernement de la ministre de la Justice, Christiane Taubira, porteuse de la loi sur le mariage homosexuel.

Les résistances jusque dans son propre camp n'ont toutefois pas empêché François Hollande de redessiner la carte de France, faisant passer de 22 à 13 le nombre de régions désormais de taille européenne et moteurs de développement.

Après des défaites électorales répétées - "vague bleue" aux élections municipales et perte du Sénat en 2014, cinq régions sur 13 "sauvées" par le PS aux régionales fin 2015 -, l'ancien expert de la synthèse ayant reconnu presque à contre-jour mener une politique social-démocrate fait face aujourd'hui aux querelles d'une gauche balkanisé.

L'autorité présidentielle a aussi pâti des épisodes liés à la vie privée de François Hollande, qui s'est séparé en 2014 de son ex-compagne Valérie Trierweiler après la révélation, dans la presse "people", de son idylle avec l'actrice Julie Gayet.

Dans "Merci pour ce moment", best-seller relatant sa relation puis sa rupture avec le président, Valérie Trierweiler accuse notamment le chef de l'Etat de traiter de "sans-dents" les gens de condition modeste.

ÉTAT D'URGENCE EN FRANCE, GUERRES AU LEVANT ET EN AFRIQUE

Le quinquennat de François Hollande a été marqué par une série d'attentats djihadistes sans précédent, qui ont notamment décimé la rédaction de Charlie Hebdo en janvier 2015 et endeuillé la promenade des Anglais à Nice le 14 juillet dernier, jour de fête nationale.

L'état d'urgence, déclenché le 13 novembre 2015 après les fusillades qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis - une première depuis la guerre d'Algérie -, sera prolongé au moins jusqu'à l'élection présidentielle.

Théâtre d'atrocités, notamment dans la ville martyr d'Alep, berceau avec l'Irak des djihadistes, lieu de départ de centaines de milliers de réfugiés en direction de l'Europe, la Syrie a constitué le fil rouge de ce quinquennat sanglant.

D'une crise à l'autre, François Hollande a conservé les habits de "chef de guerre" endossés lors de l'intervention de l'armée française au Mali en janvier 2013, en intensifiant les frappes aériennes françaises contre l'Etat islamique en Syrie et en Irak, où la coalition internationale contribue aujourd'hui à reprendre à l'EI la ville-clé de Mossoul.

L'année 2015 s'est terminée sur un succès diplomatique majeur pour la France avec l'accord de la COP21 de Paris, où 195 pays se sont entendus pour limiter le réchauffement climatique.

Dans le calendrier diplomatique du président français, on retiendra aussi une photo de famille internationale sur les plages de Normandie le 6 juin 2014, jour du 60e anniversaire du Débarquement allié, une nuit blanche à Minsk avec l'Allemande Angela Merkel, l'Ukrainien Petro Porochenko et le Russe Vladimir Poutine pour ramener la paix en l'Ukraine, la vente d'avions de chasse Rafale à l'Egypte, à l'Inde et au Qatar ou encore une visite historique dans l'île communiste de Cuba.

Au plan européen, la crise des migrants et le sauvetage économique de la Grèce ont occupé l'essentiel des travaux jusqu'au tremblement de terre du "Brexit" décidé par référendum le 23 juin 2016, précipitant l'Union européenne dans l'incertitude sur fond de montée des populismes.

Une tendance incarnée par l'élection surprise à la tête des Etats-Unis du républicain Donald Trump, homme d'affaires hostile à la mondialisation qui prendra ses fonctions début 2017.

C'est dans ce contexte anxiogène sur les plans intérieur et mondial que se déroulera la campagne présidentielle française, en tous points inédite. (Edité par Yves Clarisse)