Communiqué de Presse
30 Juillet 2012


Le plan de mesures de soutien à la filière automobile qui vient d'être en partie dévoilé par le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, insiste sur le soutien au développement des véhicules écologiques populaires. Le premier des 8 leviers d'action présentés insiste en effet sur les bonus, primes à l'achat de véhicules décarbonés. Il prévoit notamment une hausse des bonus sur les véhicules électriques et hybrides.

Du côté du véhicule hybride, le bonus passe de 2 000 € à 10% du coût du véhicule avec un plafond à 4 000 € et un plancher à 2 000 €. À qui profitera cette mesure ? Pas à la Yaris pourtant fabriquée en France (à Valenciennes) puisque son bonus reste inchangé ; ce véhicule dont le coût d'achat est le plus faible sur le marché des hybrides et dont le TCO(1) est déjà compétitif comparé à son équivalent diesel(2)pourrait pourtant faciliter la démocratisation du véhicule hybride.

De façon contre-intuitive, l'effet de cette mesure ne sera pas nécessairement très favorable à PSA dont les véhicules hybrides présentent un écart de prix élevé (13 000 €) avec les versions thermiques équivalentes. La réduction d'écart offerte par le bonus renforcé à 3 500 ou 4 000 € pourrait rester insuffisante pour les candidats à l'achat attentifs à la dimension économique. Pour les autres, nombreux à ce niveau de gamme, la compétitivité prix qu'améliore le bonus n'est pas le critère discriminant. Les volumes resteront donc relativement limités pour PSA. Il est donc peu probable que cette mesure change la structure des ventes des hybrides en dehors peut-être de la classe intermédiaire M1 comme l'Auris et la Prius dont les primes passent de 2 000 à respectivement 2 400 et 2 800 €.

Le véhicule 100% électrique en général et Renault en particulier sont les grands gagnants de ce renforcement des primes écologiques. Avec un bonus passant de 5 000 à 7 000 € (on ne sait pas encore si un plafond de 20% du prix du véhicule sera maintenu), le gouvernement donne un signal clair d'encouragement à Renault dans ses investissements sur son programme VE. La Zoé était déjà annoncée avec un TCO et une structure de TCO équivalente à celle d'un diesel avec un bonus de 5 000 € ; elle devient, avec ces 2 000 € supplémentaires, plus avantageuse que ses concurrentes à l'achat et à l'usage. Renault, fidèle à sa stratégie et conscient de l'importance de faire émerger le VE maintenant ou jamais, répercutera entièrement les effets de ce bonus sur son prix de vente. La barrière financière passée, ne reste sur le chemin du VE « que » les problèmes de réassurance du marché notamment au sujet des questions de capacités de recharge des batteries. Il faut saluer ici la cohérence du plan qui prévoit, au bon moment, un appui au déploiement des bornes de recharges dont la dynamique semble encore trop limitée.

Avec ces dispositifs, on pourrait ainsi assister beaucoup plus tôt que prévu à un changement de mentalité et à une acceptation d'une mobilité différente, dont on perçoit les prémices avec le succès récent et meilleur qu'attendu de Twizy.

Autre élément de cohérence important pour le décollage du marché, la possibilité offerte aux entreprises de profiter du dispositif de super bonus. Outre les avantages environnementaux que supposent une électrification des ventes automobiles aux entreprises qui représentent désormais 45% du marché, c'est la promesse de l'émergence d'un marché hybride et électrique d'occasion qui est faite(3). L'existence et la possibilité d'accéder au véhicule électrifié via l'occasion est une chance supplémentaire de voir le marché décoller. En effet ce marché permettra aux classes les plus modestes d'accéder à ces propulsions alternatives en seconde main, et elle rassurera les potentiels acheteurs en neuf sur la valeur résiduelle future de leurs achats.

L'opération est en revanche décevante pour les véhicules hybrides rechargeables (Toyota Prius Plug-in et Opel Ampera) dont les gammes de prix sont similaires aux hybrides de PSA et dont le bonus est quasi équivalent (4 500 € contre 3 900 €) alors que leurs émissions de CO2 sont bien plus basses (respectivement 49 et 27g/km contre 99g/km pour une 3008). Ces véhicules, plus traditionnels et rassurants que les véhicules électriques dans leurs utilisations et bien moins émetteurs que les hybrides, représentent une brique intermédiaire importante dans l'offre de véhicules propres en France. Ils auraient peut-être mérité un bonus plus conséquent, mais ils ne sont pas produits en France…

Autre point essentiel, il faudra, pour que le marché s'installe, que les mesures s'installent dans le temps(4) . Il semble que le financement sera assuré dans la durée puisque les dépenses du bonus seront compensées par de fortes hausses des malus à compter de 2013.

De quoi d'ailleurs inquiéter les filiales françaises d'importateurs premium, qui pourtant, assurent également de nombreux emplois dans l'aval du marché (distribution, entretiens, maintenance…). Car, passé un probable effet d'anticipation sur les derniers mois 2012 des achats de voitures dont les malus seront renforcés, on assistera en 2013 à une dégradation du mix segment et de la valeur unitaire moyenne des véhicules vendus, avec son cortège de conséquence sur les marges de l'amont (industriel) à l'aval (réseaux ventes et après-ventes).

Dans tous les cas, au-delà des calculs économiques, la coïncidence de ce plan avec les sorties prochaines de modèles « accessibles » (Yaris, Prius plug-in et Zoé) permet de renforcer une dynamique de confiance indispensable à l'avènement du marché des véhicules décarbonés, chez les constructeurs comme chez les consommateurs. Des véhicules pour lesquels les constructeurs français disposent de réels avantages comparatifs et autour desquels les entreprises de toutes tailles du secteur automobile gagneront à se constituer en réelle filière.

D'autres mesures du plan ont en partie été dévoilées :

· Soutien de la trésorerie et de l'investissement des PME
· Soutien à l'innovation avec le programme des investissements d'avenir (PIA)
· Création d'une véritable filière du recyclage automobile
· Collaboration renforcée avec les collectivités locales
· Faciliter l'émergence d'entreprises stratégiques par une solidarité accrue entre les entreprises de la filière (prorogation du FMEA doté d'un fonds de 260 millions d'euros)
· Renforcement du dialogue social
· Réorientation des règles européennes en faveur d'échanges commerciaux internationaux équilibrés

D'autres clés et leviers pour stimuler offre et demande brillent enfin par leur absence dans le plan :
· Soutien du marché au travers de prêts bonifiés ou de mise à disposition de flottes sociales(5)
· Mise en cohérence de la filière industrielle avec les nouvelles mobilités (connectées, autopartage…)
· Réduction des coûts de production et amélioration de la compétitivité industrielle
· Accompagnement de l'exportation et de la conquête des marchés émergents en forte croissance
· Soutiens au réseau et marché de l'après-vente, grands pourvoyeurs d'emplois

Le BIPE complétera son analyse d'impact du plan en septembre à l'occasion des livraisons de rentrée de ses Observatoires des Conjonctures et Prévisions des marchés automobiles (Club Auto.), des Énergies et propulsions nouvelles dans les transports routiers (Club ENTR), des Mobilités et Arbitrages automobiles (OMA), du déploiement des réseaux de recharge VE (Clive), du Financement des Entreprises (OFIPE)…

(1)(Total Cost of Ownership ou coût total d'utilisation intégrant le prix d'achat et d'utilisation (coût en carburant et énergie, maintenance, entretiens, assurances…)

(2) Pour les ménages car pour les entreprises qui récupèrent la TVA sur leurs dépenses de gazole l'avantage TCO est plus limité.

(3) Les parcs flottes et entreprises connaissent en effet une rotation rapide et alimentent en grande partie le marché de l'occasion récente

(4) Ne pas répéter les erreurs des incitations en stop&go du photovoltaïque

(5) Comme mentionné par le livre blanc de l'ACSIA (Association des collectivités sites d'industrie automobile) : Enrayer le déclin du site automobile France

Contacts BIPE :

Éric Champarnaud - Associé, Vice Président - 01 70 37 22 67 - eric.champarnaud@bipe.fr

Clément Dupont-Roc - Consultant Senior - 01 70 37 22 69 - clement.dupont-roc@bipe.fr



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