Comme énoncé dans notre précédent décryptage consacré aux biotechnologies (lire ici), étudier une biotech peut revenir à adopter une approche simple, centrée sur l’étude de leur pipeline, de leurs ressources financières et de leur stratégie. Le but est de saisir leurs forces et faiblesses, mais aussi de tenir compte des futurs catalyseurs majeurs. 
 
·       Genfit

Résultat de recherche d'images pour Genfit est probablement la biotech la plus connue et populaire des investisseurs français. Le groupe est spécialisé dans le développement de solutions thérapeutiques pour combattre les maladies métaboliques et inflammatoires touchant le foie, notamment la NASH (ou stéatohépatite non-alcoolique) et la cirrhose. 

Son pipeline est riche, 7 programmes sont en cours de développement dans de nombreuses indications. Toutefois, les attentes sont indiscutablement cristallisées autour de l’Elafibranor (GFT505), composé phare de la société, actuellement en Phase III pour le traitement de la NASH, mais aussi en cours de développement clinique dans d’autres indications aux besoins non satisfaits (comme la cholangite bilaire primitive). Les espérances suscitées sont très élevées, d’autant plus le marché de la NASH est considérable (50 millions de personnes touchées par cette maladie en Europe et aux Etats-Unis). Pourtant, aucun médicament n’est homologué. Les big pharmas l’ont bien compris, en atteste l’achat de Tobira Therapeutics par Allergan, pour un montant de 1,7 milliard de dollars (offrant au passage une prime de 500% sur le cours de Tobira). Pour autant, Tobira est loin d’être considéré comme l’acteur le plus avancé sur ce marché, les premiers étant l’américain Intercept (avec l’Obeticholic acid en phase III) et le français Genfit. Les résultats de la phase III sont attendus fin 2018, pour une potentielle mise sur le marché en fin d’année 2019, ou début 2020. 

Genfit ne réalise aucune vente, les produits d’exploitations sont principalement issus de subventions et de crédits d’impôts. La route jusqu’à la rentabilité est encore longue. Le groupe, a réalisé deux augmentations de capital en 2016 pour un montant total de 128 millions d’euros, portant la trésorerie à 137 millions d’euros. L’émission d’actions nouvelles est ainsi la principale source de financement du groupe. Au regard de la consommation moyenne de cash, la biotech devrait disposer de fonds jusqu’en 2019, année correspondant à la potentielle AMM de l’Elafibranor. Ainsi, le moindre retard sera synonyme d’une nouvelle mise à contribution des actionnaires.

En termes de stratégie, le président du Directoire Jean-François Mouney, pur entrepreneur, n’hésite pas à étudier toutes les pistes stratégiques, telles que des partenariats, des accords de licence, et même une vente du groupe. Les cours ont ainsi explosé en début d’année (passant de 20 à 33 euros) avec comme seul catalyseur une rumeur de vente à Novartis, bien évidemment non commentée par la Direction de Genfit. Ce stratagème, qui parait bénéfique à première vue, cache pourtant une faiblesse du groupe dans son orientation, encore incertaine et ajoute encore plus de volatilité aux cours. 

·        AB Science
Résultat de recherche d'images pour AB Science est spécialisée dans la recherche, le développement ainsi que la commercialisation d’inhibiteurs de protéines kinases. Derrière ce nom peu reluisant, se cache un possible traitement contre des maladies inflammatoires et des tumeurs cancéreuses. Le groupe mise tout sur une seule molécule, le masitinib.

Cette molécule est déjà commercialisée en médecine vétérinaire dans certains cancers canins depuis 2009 (exploitation en Europe et étude confirmatoire en cours aux Etats-Unis depuis 2015). Sur le plan humain, ce n’est pas moins dans 13 indications qu’est développé le masitinib, en Phase III, dont une est terminée dans la mastocytose systémique. AB Science a déposé un dossier d’enregistrement pour cette pathologie  auprès de l’EMA (European Medicines Agency), ainsi qu’un dossier d’enregistrement conditionnel pour la sclérose latérale amyotrophique (SLA) (les dossiers d’examen ont débuté respectivement en avril et septembre 2016). Or, l’ASNM (l’Agence Nationale de Sécurité du médicament), suivie par l’EMA ont récemment demandé la suspension temporaire des études conduites en France, suite à des écarts dans le respect des bonnes pratiques cliniques. Autrement dit, l’EMA a adopté une réponse négative pour l’enregistrement du masitinib dans le traitement de la mastocytose. AB Science doit donc corriger ces écarts et réaliser un plan d’audit indépendant, lui faisant perdre plusieurs mois précieux dans son développement. Il convient de souligner que le bénéfice du produit n’est pas remis en cause, et que les études ne sont suspendues qu’en France, représentant seulement 5% du recrutement des études en cours. 

La stratégie globale est au contrôle des coûts et surtout à la conservation de valeur. Plus précisément, AB Science souhaite, après l’obtention d’une AMM, exploiter et distribuer seule la molécule. Cette stratégie, qui consiste à se passer le plus possible des big pharmas, est possible dans la mesure où le groupe évolue dans des marchés où il n’y a pas/peu de concurrence. La mise en place d’une force commerciale est ainsi limitée. Attention toutefois aux coûts cachés inhérents à ce mode de distribution. 

·        Innate Pharma 

Résultat de recherche d'images pour Innate Pharma est une biotech spécialisée en immuno-oncologie, nouvelle approche thérapeutique qui vise à aider le système immunitaire contre certains cancers. La société conçoit des anticorps qui exploitent le système immunitaire inné dans l’objectif de lui faire reconnaître les cellules tumorales. 

Le portefeuille du groupe comporte de nombreux anticorps, dont la majorité sont dits « first-in-class », signifiant que ces derniers représentent une nouvelle manière de traiter leurs indications. Les attentes sont concentrées autour de deux anticorps, Lirilumab et Monalizumab, qui appartiennent à une catégorie particulière, celle des inhibiteurs de point de contrôle immunitaire (IPCI). Le procédé est simple à saisir : ces anticorps bloquent des récepteurs de lymphocytes spécifiques (on parle plus précisément des cellules tueuses T et des cellules « Natural Killer ») dans le but d’augmenter leur pouvoir d’authentification et in fine de destruction des cellules cancéreuses, en épargnant ainsi les cellules saines. Le pipeline du groupe est extrêmement riche puisque l’intérêt scientifique de ces anticorps passe par une combinaison avec d’autres anticorps, développés par d’autres pharmas. Par conséquent, ce modèle pousse Innate Pharma à signer des partenariats, notamment avec Bristol-Myers Squibb pour Lirilumab et AstraZeneca pour Monalizumab.

Les essais cliniques en cours sont nombreux, il y en actuellement 12 en Phase I/II, auxquels s’ajoutent des recherches précliniques. Les accords de collaboration, bien qu’ils privent le groupe du contrôle de certains anticorps, induisent des retombées économiques non négligeables. De ce fait, Innate Pharma a fait état d’un produit d’exploitation positif en 2016 (65,7 millions d’euros) et dispose d’une trésorerie pléthorique à 230 millions d’euros.

Stratégiquement, le Président du Directoire Mondher Mahjoubi (notons qu’il a dirigé le secteur oncologie d’AstraZeneca), dit vouloir garder le contrôle de la commercialisation si le marché l’autorise, bien que le plus probable reste l’option des partenariats avec des grands groupes pharmaceutiques. En outre, Innate Pharma a la capacité de réaliser des acquisitions stratégiques, que ce soit des propriétés intellectuelles (comme l’acquisition de l’anticorps anti-C5aR de Novo Nordisk) ou bien des sociétés. 

·        Nicox 

Résultat de recherche d'images pour Nicox est une société de R&D experte en ophtalmologie. Ses produits ont pour vocation de maintenir la vision, mais aussi d’améliorer la santé oculaire.
Les produits ophtalmologiques en développement sont au nombre de 6, dont deux sont à des stades de développement extrêmement avancés, plaçant Nicox parmi les biotechs disposant de la plus grande visibilité. En effet, la société a passé avec succès les essais cliniques pour le Vyzulta et Zerviate. Le premier est une solution pour patients atteints de glaucome et d’hypertension oculaire, développée en partenariat avec Bausch + Lomb (filiale du canadien Valeant). Le dossier d’AMM a été déposé auprès de la FDA en février, pour une lettre de réponse attendue avant le 24 août 2017 et une potentielle commercialisation dès le second semestre 2017. Le second est un traitement contre le prurit oculaire associé aux conjonctivites allergiques. La FDA a récemment approuvé son AMM, c’est une grande victoire pour la société, qui doit désormais trouver un accord de commercialisation pour le distribuer.

Nicox, qui n’a toujours pas atteint son point de rentabilité, pourrait ainsi amorcer une nouvelle étape dans son développement, en percevant des sources de revenus récurrents et significatifs. Bien que Zerviate ne dispose d’un potentiel de marché assez limité (estimé à 60 millions de dollars), la récente AMM est un élément tangible et encourageant quant à une réponse positive pour le Vyzulta™, dont le potentiel est considérable (on parle d’un milliard de dollars dont Nicox percevrait des redevances de 7% par an). En attendant la future et très attendue décision, la trésorerie fin 2016 s’élevait à 28,9 millions d’euros, un niveau qui ne permettra pas au groupe de financer ses recherches au-delà de 2019.

La stratégie qui se dessine au fil du temps est claire. L’objectif est de commercialiser le plus rapidement possible, à travers des accords, les deux produits phares du pipeline, pour pouvoir développer ses autres programmes en phases précliniques et cliniques. 

·        Transgène 

Transgène, qui fait partie de l’Institut Mérieux (qui détient 60% du capital), conçoit et développe des produits d’immunothérapie ciblés contre les cancers et les maladies infectieuses. La société conçoit deux types de produits, les vaccins thérapeutiques et les virus oncolytiques. Le procédé est similaire à celui d’Innate Pharma, à savoir stimuler les réactions immunitaires pour détruire les cellules cancéreuses.

Le pipeline est constitué de cinq produits, dont les plus intéressants sont TG4010, TG4001 et Pexa-Vec. TG4010 est un vaccin thérapeutique pour le traitement du cancer du poumon « non à petites cellules » (qui représente 80% des cas de cancers touchant les poumons). Ce vaccin est actuellement développé en Phase 2 à travers différents programmes, en combinaison avec des anticorps IPCI, notamment le nivolumab (Opdivo) de Bristol-Myers Squibb avec qui la société est en collaboration.

Dans le même registre, TG4001 est développé dans l’indication des cancers du col de l’utérus mais aussi de certains cancers de la tête et du cou, qui ont en commun d’être positifs aux infections du virus du papillome humain (HPV). Là encore, Transgène développe ses essais cliniques (en Phase 1/2) en collaboration avec des big pharmas telles que Merck et Pfizer, pour poursuivre le développement du produit en combinaison avec les fameux IPCI (on parle ici de l’avelumab de Pfizer).

Enfin, Pexa-Vec est un virus oncolytique qui cible et détruit les cellules cancéreuses à l’origine de la forme du cancer du foie la plus répandue, indication dans laquelle Pexa-Vec a obtenu le statut de médicament orphelin. Transgène en a acquis les droits exclusifs en Europe auprès de SillaJen (ex Jennerex Biotherapeutics), qui conduit les études en Phase 3. A noter que d’autres études sont en cours, à des stades de développement variés dans d’autres indications, et toujours en combinaison avec d’autres anticorps.

Bien que la société bénéficie de produits d’exploitation, issus de l’utilisation de technologies données en licence, Transgène accuse toujours d’un résultat net négatif (-25 millions d’euros en 2016). Malgré ses nombreux partenariats, la société n’est pas assise sur une montagne de cash, l’obligeant à réaliser des AK pour financer ses nombreux programmes et ne pas laisser tomber ses travaux de recherches précliniques. La trésorerie disponible à fin mars s’établit ainsi à 50,7 millions d’euros. Sur la base d’une consommation de cash de 30 millions d’euros par an, il faudra trouver des ressources rapidement.

D’un point de vue stratégique, Transgène veut se positionner comme un partenaire majeur aux acteurs pharmaceutiques qui souhaitent développer leurs activités en immunothérapie dans des marchés aux besoins non satisfaits. Au final, le but demeure toujours le même, à savoir combiner les approches immuno thérapeutiques (surtout avec les IPCI) pour optimiser les résultats finaux.

Finalement, cet exercice démontre bien que chaque titre possède des caractéristiques qui lui sont propres, impliquant bien évidemment qu’ils ne sont pas comparables entre eux. Celles-ci, distinguées par les faits marquants et les prochains catalyseurs sont présentées ci-dessous. 
 
 

Les valeurs sélectionnées sont encore loin de générer de la valeur. Cette incertitude est source de risque, les investisseurs faisant le pari que leur recherche les conduira à terme jusqu’à la rentabilité tant attendue. Ces titres sont ainsi dédiés aux investisseurs initiés, qui ne craignent pas la volatilité. Le moindre évènement peut effectivement créer des écarts de cours significatifs. C'est pourquoi ces valeurs sont majoritairement échangées dans une logique de trading. En d'autres termes, elles ne sont pas destinées à tous.