Paris (awp/afp) - Inquiets d'un divorce long et douloureux entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, les marchés financiers ont de nouveau décroché lundi, les banques britanniques et la livre sterling payant le prix le plus fort.

Le bref répit observé en Asie et à l'ouverture en Europe s'est rapidement dissipé lundi. Les Bourses européennes n'ont eu de cesse de s'enfoncer au fil de la journée et Wall Street leur a emboîté le pas, avec des pertes toutefois moins spectaculaires que vendredi.

"Les investisseurs continuent à être très inquiets. L'onde de choc qui a suivi le Brexit continue à peser sur la tendance du fait des nombreuses interrogations qu'il suscite", explique Andrea Tuéni, un analyste de Saxo Banque.

"Les investisseurs attendent de savoir quel sera le plan de route, et si les Britanniques vont collaborer ou si le divorce sera douloureux. C'est la grande question, or, pour le moment, la réponse reste floue", ajoute-t-il.

La Bourse de Paris a ainsi fermé ses portes sur un recul de 2,97%, celle de Londres 2,55% et celle de Francfort de 3,02%. Milan a lâché 3,94% et Madrid 1,93%, après un bond de plus de 3% à l'ouverture, au lendemain de la victoire des conservateurs, qui n'ont toutefois pas de majorité, aux législatives de dimanche.

Au même moment le Dow Jones cédait 1,46% et le Nasdaq 2,22%.

Les titres exposés au Royaume-Uni ont beaucoup souffert, à l'instar de Eurotunnel qui a plongé de 17% à Paris.

Et les banques britanniques ont vécu un lundi noir, écrasées par les incertitudes sur le sort de la City et sur leur accès au gros marché européen: Barclays a chuté de 17,35%, RBS de 15,10%, Lloyds de 10,26%.

"Il y a une forte incertitude à Londres actuellement. Les banques britanniques ne savent pas ce qui va se passer", a déclaré à l'agence de presse TT l'économiste en chef du régulateur financier suédois, Henrik Braconier.

"Les banques ont tout à perdre du Brexit en terme de sentiment de marché", a analysé le courtier Aurel BGC.

"Le Brexit en lui-même est traumatisant car il remet en cause le projet européen et affecte les perspectives économiques de la région. Mais surtout, il remet en cause la place de Londres dans la finance mondiale" et "les banques européennes, toutes plus ou moins présentes à Londres, ne seront pas en mesure d'échapper à un stress financier certain", estime-t-il.

Sur le marché des changes, la livre sterling est restée sous pression, atteignant même un nouveau plus bas depuis 1985 à 1,3152 dollar pour une livre.

Seule l'Asie a réussi a tirer son épingle du jeu lundi, Tokyo ayant pris 2,39% grâce à des espoirs d'intervention des autorités sur le marché des changes.

"SACRÉE CRISE POLITIQUE"

Dans cet environnement incertain, les investisseurs guettaient toutes les réactions des responsables britanniques et européens. Mais les déclarations des uns et des autres ne dissipaient pas l'incertitude, ce que les marchés détestent le plus.

"Quatre jours après le choc du référendum, la seule chose qui soit sûre c'est que le Royaume-Uni est au milieu d'une sacrée crise politique", notent les analystes de Daiwa Capital Markets.

Le Royaume-Uni doit gérer les demandes pressantes des responsables européens d'accélérer la séparation. En début d'après-midi, le parti conservateur a annoncé que le successeur du Premier ministre David Cameron serait nommé d'ici le 2 septembre.

Pour discuter des conséquences du Brexit et préparer ce rendez-vous, la chancelière allemande Angela Merkel reçoit dans la journée à Berlin le président du Conseil européen Donald Tusk, puis le président français François Hollande et le chef du gouvernement italien Matteo Renzi.

Mme Merkel a toutefois dit lundi comprendre que le gouvernement britannique ait besoin de temps pour formaliser sa demande de sortie.

De son côté, le secrétaire américain au Trésor Jack Lew s'est voulu rassurant en estimant que ce vent contraire supplémentaire pour l'économie pourrait être surmonté.

Les investisseurs cherchaient néanmoins refuge du côté des valeurs les plus sûres, à l'image des obligations allemandes, le taux d'emprunt à 10 ans du pays reculant en territoire négatif. De même, le taux à 10 ans britannique touchait un nouveau plus bas historique sous 1%.

Comme l'once d'or, le yen, privilégié en cas de tempête sur le marché, demeurait à des niveaux élevés.

Car, comme le souligne Crédit Mutuel CIC, les investisseurs ont en tête que "l'effet du Brexit sera durable" car ce vote "remet en cause de nombreux équilibres" et les échéances politiques à l'horizon, tant au Royaume-Uni que dans le reste de l'Europe ou aux Etats-Unis, "vont compliquer la donne".

ats/jh