(Actualisé avec précisions, contexte)

par Anthony Boadle et Lisandra Paraguassu

BRASILIA, 31 mai (Reuters) - Le ministre brésilien de la Transparence, Fabiano Silveira, a démissionné lundi, quelques heures après avoir été accusé d'avoir voulu faire obstruction à l'enquête sur la vaste affaire de corruption autour de la compagnie pétrolière Petrobras qui ébranle le pays depuis plusieurs mois.

Le ministre, chargé de la lutte contre la corruption par le président par intérim Michel Temer depuis sa prise de fonction le 12 mai, a envoyé une lettre de démission, selon un communiqué publié par le palais présidentiel. Son remplaçant n'a pas encore été désigné.

La semaine dernière, Romero Juca, le président du Sénat nommé ministre de la Planification dans le gouvernement intérimaire, avait déjà été contraint à la démission.

Michel Temer, vice-président centriste membre du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), a accédé à la présidence le 12 mai dernier lorsque les sénateurs ont voté la suspension de Dilma Rousseff.

De source gouvernementale, on indique que Fabiano Silveira restera en fonction "pour l'instant".

Les accusations portées contre le ministre de la Transparence découlent de conversations enregistrées à son insu il y a plus de trois mois au domicile du président du Sénat Renan Calheiros et révélées dimanche soir par la chaîne de télévision Globo.

On y entend Fabiano Silveira critiquer les procureurs chargés de l'enquête sur le vaste réseau de surfacturations et de corruption autour de Petrobras et expliquer au président du Sénat comment se défendre au mieux.

L'ancien chef de la branche transports de Petrobras, Sergio Machado, qui fait l'objet d'une enquête et est devenu témoin de l'Etat, a enregistré la rencontre et des conversations avec d'autres hommes politiques pour obtenir l'indulgence du parquet. Fabiano Silveira était alors conseiller au Conseil de justice nationale, chargé de superviser le fonctionnement de la justice brésilienne.

EAU ET SAVON

Dans son reportage, Globo TV indique que certains documents audio montrent que Fabiano Silveira s'est entretenu à plusieurs reprises avec les procureurs chargés de l'affaire Petrobras pour tenter de découvrir quelles informations ils pourraient avoir sur le président du Sénat, informations qu'il transmettait ensuite à Renan Calheiros. A un moment, on entend Fabiano Silveira dire que les procureurs sont "totalement perdus".

Un porte-parole du ministre a confirmé la réalité de ces conversations mais a assuré que les extraits avaient été sortis de leur contexte.

"La décision initiale de Temer est que Silveira peut continuer à son poste pour l'heure parce qu'il n'est pas intervenu dans l'enquête; il n'a fait que donner un conseil à Calheiros", a déclaré le porte-parole. Fabiano Silveira est en réunion avec ses avocats, a-t-il précisé.

Auparavant, plusieurs centaines d'employés de son ministère lui avaient interdit l'accès au bâtiment pour ensuite laver sa façade au savon et à l'eau pour symboliser la nécessité pour Michel Temer de faire le ménage au sein de son gouvernement.

Ils ont ensuite défilé en direction du palais présidentiel pour réclamer le départ de Silveira.

Le président Temer devait s'entretenir dans la journée avec le procureur général du Brésil au sujet des enregistrements.

L'Enquête sur l'opération "Lavage express" (Operação Lava Jato), ouverte il y a deux ans, a déjà conduit à l'inculpation de plusieurs dizaines de cadres d'entreprises. Des dizaines de responsables politiques, dont plusieurs membres du PMDB de Michel Temer et du Parti des travailleurs (PT) de Dilma Rousseff font l'objet d'investigations.

L'affaire porte sur un système complexe de surfacturations et de dessous-de-table dans le cadre de marchés publics passés par la compagnie Petrobras. (Henri-Pierre André et Danielle Rouquié pour le service français)