* Les aides agricoles directes seraient gelées jusqu'à 2020

* "Rabais" britannique et fonds de cohésion réformés

* Une taxe "Tobin" permettrait de lever E50 mds par an

(Actualisé avec propositions, Barroso)

par Julien Toyer et Charlie Dunmore

BRUXELLES, 29 juin (Reuters) - Soucieuse de refléter la période d'austérité sans précédent que traverse l'Europe, la Commission européenne a proposé mercredi de geler la PAC jusqu'à 2020 et de créer une taxe sur les transactions financières afin de réduire la contribution des Etats membres au budget de l'UE.

Attendu au tournant par les Vingt-Sept, l'exécutif communautaire a joué la sagesse en mettant sur la table une prévision de budget sur la période 2014-2020 stable à 1,05% du Produit national brut européen, soit une enveloppe de 1.025 milliards d'euros sur la période.

"Nous proposons un budget à la fois ambitieux mais aussi responsable. Il s'agit d'une proposition réaliste", a insisté le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.

L'équation était difficile pour ses équipes. Elles devaient dégager des marges pour financer les priorités de l'UE que sont la construction de réseaux de transports, d'énergie et de communication véritablement européens, soutenir la recherche et l'innovation et être plus visible dans le monde.

Mais elles devaient aussi préserver la Politique agricole commune (PAC) défendue par la France, les fonds de cohésion promis aux nouveaux entrants d'Europe de l'Est et le "rabais" britannique sur la contribution au budget. Sur ces trois dossiers, chacun a été appelé à un effort.

Les volumes financiers alloués à la PAC seront ainsi gelés à leur niveau de 2013, soit un plafonnement à 371,7 milliards d'euros sur la période.

Ainsi désindexée, cette politique, qui accapare aujourd'hui environ 41,5% du budget communautaire, n'en représenterait plus que 37,7% à l'issue de l'exercice (en ajoutant 15 milliards d'euros supplémentaires mis sur la table afin d'"atténuer" la tendance et anticiper plusieurs défis des années à venir).

Dans cette enveloppe, 2,5 milliards d'euros seront disponibles pour combattre la volatilité des prix, 3,5 milliards seront en réserve en cas de crises et 4,5 milliards seront destinés à améliorer la productivité, notamment face à la concurrence future du Mercosur.

TAXE "TOBIN"

La politique de cohésion resterait quant à elle stable à environ 35% du budget européen, soit 376 milliards d'euros sur la période même si 40 milliards d'euros seront utilisés non pour aider les régions les plus défavorisées à rattrapper leur retard mais à financer les réseaux transnationaux.

Enfin, si le "rabais" dont bénéficie la Grande-Bretagne depuis les années 1980 sur sa contribution au budget européen n'est pas à proprement parler remis en cause, la Commission propose de le réformer en le généralisant à tous les pays et en l'indexant à la prospérité de chaque pays.

Si la Commission se veut conservatrice sur le volet des dépenses, elle a cherché à être plus ambitieuse sur le volet des recettes en proposant de financer jusqu'à la moitié du budget communautaire via une taxe sur les transactions financières, aussi connue sous le nom de taxe "Tobin", et une nouvelle TVA européenne.

Selon les plans élaborés par les services du commissaire à la Fiscalité, Aldirgas Semeta, et validés par José Manuel Barroso, la taxe sur le secteur financier permettrait de lever environ 50 milliards d'euros par an, soit 350 milliards d'euros d'ici à 2020.

Ce scénario reposerait sur une taxe minime de 0,01% sur les échanges de dérivés, dont les transactions sont facilement délocalisables dans des centres financiers hors UE, et une taxe plus importante allant jusqu'à 0,1% sur les échanges d'obligations souveraines. Les opérations sur les monnaies tomberaient également sous le coup de cette taxe.

Soutenue par la France, l'Allemagne, l'Espagne et de nombreux autres pays ainsi que par les eurodéputés et une très large majorité d'Européens, cette idée pourrait toutefois se heurter à l'opposition britannique de voir les questions fiscales être coordonnées de Bruxelles.

Quant à la TVA européenne, il s'agit en fait d'une révision de l'assiette commune de la TVA sur le continent, ce qui permettrait selon Bruxelles de "sécuriser" plusieurs dizaines de milliards d'euros supplémentaires.

L'ensemble de ces propositions vont désormais faire l'objet d'intenses négociations au cours des deux années à venir entre Etats membres puis, pour partie, avec le Parlement européen. (Edité par Gilles Trequesser et Henri-Pierre André)