Londres (awp/afp) - Le gouverneur de la Banque d'Angleterre (BoE), Mark Carney, a tiré la sonnette d'alarme face à une perte de confiance des populations dans le système économique, au moment où des scrutins électoraux font chuter nombre de pouvoirs en place.

"De nombreux citoyens des pays avancés perdent confiance dans le système, font face à une incertitude plus élevée et regrettent une perte de contrôle", a expliqué M. Carney lundi dans un discours à l'Université John Moores de Liverpool.

Il a souligné que la crise internationale de 2008-2009 avait aussi mis en exergue les excès de la planète finance, d'autant qu'à son issue "les contribuables et les citoyens ont payé un lourd prix" mais que "peu des personnes en situation de responsabilité ont pris les leurs".

Au final, il a averti contre "un effritement de la confiance du public en des marchés ouverts".

Les votes britannique en faveur du Brexit en juin et américain pour Donald Trump en novembre ont été perçus comme résultant, en partie, d'une défiance de franges de la population vis-à-vis du libre commerce et de l'immigration. Dimanche, le Premier ministre italien Matteo Renzi a vu sa réforme constitutionnelle fermement rejetée par référendum, le poussant à la démission.

Concernant le Royaume-Uni, M. Carney a souligné que le pays venait de connaître sa première "décennie perdue" depuis les années 1860. Il a relevé que, lors des dix dernières années, les revenus réels des Britanniques avaient augmenté à leur rythme le plus faible depuis le milieu du 19ème siècle.

Parmi les pistes mises en avant pour renouer avec la confiance, il a évoqué le fait de "reconnaître clairement" l'existence d'inégalités croissantes et la construction d'une "croissance plus équilibrée", permettant à chacun de trouver sa place.

Sur le plan de la politique monétaire stricto-sensu, il a souligné que le comité de politique monétaire (CPM) de la Banque d'Angleterre avait "fait le choix d'une période d'inflation des prix à la consommation un peu plus élevée en échange d'une hausse plus modeste du chômage".

"Pour le CPM, tenter de compenser intégralement l'impact direct de la dépréciation de la livre sur l'inflation avec un resserrement monétaire serait excessivement coûteux en termes de manque à produire et pour la croissance de l'emploi", a rappelé M. Carney.

En effet, la livre britannique a perdu plus de 10% de sa valeur face à l'euro et 15% face au dollar depuis la décision des Britanniques de quitter l'UE.

Le mois dernier, la Banque centrale britannique avait revu à la hausse ses prévisions d'inflation pour 2017 et 2018.

"Par exemple, ramener l'inflation au niveau cible de 2% d'ici trois ans nécessiterait une hausse des taux d'intérêt de 100 points de base" sur cette période, ce qui ferait augmenter le nombre de personnes au chômage de 250.000 et entraînerait une baisse des salaires d'environ 4% par rapport au niveau attendu avant le référendum, a détaillé M. Carney.

Il a cependant rappelé que la trajectoire de l'inflation dépendait de "l'évolution des perspectives de la demande, de l'offre et du taux de change", la BoE se tenant ainsi prête à répondre sur le plan monétaire, dans la direction du resserrement ou de l'assouplissement, selon les besoins.

M. Carney a de plus réitéré que si l'économie et les foyers montraient des signes de résistance au choc du vote pour le Brexit, ses effets devraient se faire sentir lorsque les prix vont augmenter.

Le gouverneur a par ailleurs salué le fait que le récent point sur le budget du ministre britannique des Finances Philip Hammond avait "enclenché le processus de rééquilibrage de la politique budgétaire".

afp/rp