Brune, sexagénaire et une imagination à faire pâlir Jules Vernes 

Cathie Wood est devenue une véritable popstar de l'investissement aux Etats-Unis. Elle doit cette success story à ses résultats plus qu’impressionnants sur les valeurs tech principalement américaines en 2020. 

Symbole du "think different" américain propre aux marques disruptives telles qu'Apple ou Tesla, elle a su attirer les regards par ses placements risqués mais bien sentis, comme sa large position dans Tesla dès 2016, qui occupe aujourd'hui près de 10% de quasiment tous ses fonds. C’est aussi la volatilité de ses portefeuilles qui a fait fuir une partie de ses investisseurs ces dernières semaines. 

Malgré les doutes des investisseurs arrivés tardivement sur les fonds, Cathie Wood maintient le cap de sa stratégie. Elle ironise même sur les récentes critiques qu'elle subit de la part de ses détracteurs : “Cela me met presque à l’aise, pour être honnête, parce que cela signifie que si nous avons raison, les récompenses seront assez incroyables" a-t-elle déclaré dans une récente interview. 

L'étincelle 

Après des débuts à Capital Group en tant qu’analyste, Cathie Wood part ensuite à New York travailler chez Jennison Associates, un gestionnaire de portefeuille d’actions. Elle était chargée des sociétés de publication de données financières telles que Reuters ou Telerate, ce genre de sociétés difficiles à analyser dont personne ne voulait. Pourtant, ce sont bien ces entreprises qui ont compris, les premières, l’avènement d’Internet et comment l’exploiter. C’est à ce moment-là qu'elle s’est rendue compte que “l’innovation est bien souvent sous-estimée” parce que nombreux sont ceux qui négligent à quel point “la croissance peut-être exponentielle”. 

Ce changement de paradigme a agi en elle comme un catalyseur à sa pensée disruptive. Cathie Wood a par la suite développé ses capacités de stock-piqueuse sur la base de ses soft-skills : curiosité, ouverture d’esprit, imagination et bien sûr une patience propre à tout investisseur long termiste. 

Cette patience se retrouve dans sa carrière puisqu’elle est passée à son compte assez tardivement, en 2014, à 58 ans, lorsqu’elle a fondé Ark Investment. / Une patience que l’on retrouve dans ses choix de carrière : elle a en effet tardé à passer à son compte, et n’a fondé ARK I qu’en 2014 à 58 ans. 

Une stratégie innovante 

Sa stratégie d'investissement vise à obtenir une croissance du capital à un horizon de temps 5 ans en investissant dans des sociétés axées sur l’innovation de rupture, principalement aux États-Unis.

ARK Investment définit l'"innovation de rupture" comme l'introduction d'un produit ou d'un service technologique susceptible de changer la façon dont le monde fonctionne. Les entreprises de la stratégie de base d'ARK visent à tirer des avantages substantiels des nouveaux produits ou services associés à la recherche scientifique sur les technologies innovantes. Parmi les thématiques abordées, nous retrouvons l'intelligence artificielle, les véhicules autonomes, la fintech, le séquençage ADN, la robotique, les imprimantes 3D, etc.

ARK se prête même au jeu de comparer ces ruptures technologiques aux précédentes évolutions du XXème siècle telles que l'avènement du téléphone, de l'automobile et de l'électricité qui ont permis l'amélioration de la productivité, une diminution des coûts de production.

Source : Ark Investment

Ark Investment investit dans tous les secteurs, toutes les zones géographiques et toutes les capitalisations boursières, en cherchant à identifier les entreprises qui ne sont pas prises en compte par les stratégies sectorielles traditionnelles. Cathie Wood estime que "l'innovation perturbatrice n'est souvent pas évaluée correctement par les stratégies d'investissement traditionnelles, car les gens ne comprennent pas toujours l'ampleur des opportunités finales. Ils ne dimensionnent pas l'opportunité et n'analysent pas la perturbation".

Même si elle croît à ces ruptures majeures dans nos sociétés à un horizon de temps long terme, cela n'empêche pas les fonds d'être gérés activement. Ils sont en effet rebalancés tous les jours sur la cinquantaine d'actions qui les composent pour aller chercher les actions avec la plus forte croissance des parts de marché sur ces tendances de rupture. Cathie Wood prévient elle-même que ces fonds sont un bon complément à des indices larges dans une optique de diversification. En effet, nous observons une faible corrélation des indices traditionnels comme le S&P500 avec les fonds Ark.

Performance du fond ARKK depuis 2017

Malgré ces courbes impressionnantes, les fonds présentent une forte volatilité, dommageable pour les retardataires rentrés au début de l'année. A titre d'exemple, l'ETF ARKK Innovation surperformait le S&P500 de +15% le 12 février mais a perdu plus de 40% depuis et sous-performe actuellement l'indice de -28% à la mi-mai (voir graphique).

Source : Zonebourse

Les différents ETF proposent ainsi une exposition à une thématique précise :

  • Disruptive Innovation (ARKK) : C'est le principal ETF d'ARK, celui avec le plus d'encours sous gestion. Il regroupe les principales thématiques de l'innovation selon Cathy Wood.
  • Automonous Tech & Robotics (ARKQ)
  •  Next Generation Internet (ARKW)
  • Genomic Revolution (ARKG)
  • Fintech Innovation (ARKF)
  • Space Exploration (ARKX)
  • Israel Innovation (IZRL)
  • 3D Printing (PRNT)

Les 15 premières positions du fonds ARKK 

Source : Ark Investment

Les différents fonds sont thématiques, et offrent ainsi une fausse impression de diversification. En réalité, la cinquantaine de titres qui les composent varient avec une très forte corrélation, ce qui peut amplifier les mouvements, à la hausse comme à la baisse, avec une volatilité à faire pâlir les manèges les plus rocambolesques. 

La répartition sectorielle du fonds ARKK

Source : Ark Investment

Le tournant de l'inflation 

Un virage que Cathie Wood n'a pas su (ou pu) prendre, c'est la rotation sectorielle en faveur des actions values. Avec les craintes d'inflation émergentes et les anticipations sur la reprise économique, ces actions faiblement valorisées, liées à une vie avant crise plus prospère, retrouvent des couleurs. Cette reprise se fait parfois au détriment des actions de croissance fortement valorisées, notamment sur le secteur technologique qui a bénéficié des mesures de confinement. 

Le fardeau des fonds thématiques performants 

Avec des actifs sous gestion bien plus importants qu’en 2019, les gestionnaires n’ont pas la même agilité qu’auparavant. Les positions se prennent sur plusieurs jours, voire semaines. Le stock-picking devient contraignant. De plus, par conformisme à leur philosophie d’investissement, les gérants d’Ark ne peuvent pas s’exposer à la value ou ajouter plus de valeurs défensives à leur portefeuille, au risque de voir leurs clients partir car les nouveaux placements ne correspondent plus à leur idée de départ. 

Cathie et sa bande d’analystes intrépides se retrouvent à vendre leurs positions les plus solides, les plus liquides, tels qu’Apple, Roche Holding ou Paypal, pour renforcer des titres fortement valorisés, pas souvent rentables et très illiquides, à l’image de 10X Genomics, Beam Therapeutic ou Proto Labs

Encore un long chemin à parcourir 

S’il y a une gérante de fonds qui ne fait pas l'unanimité, c’est bien Cathie Wood. Prisée par ses fans, détestée par ses détracteurs, elle ne laisse aucun investisseur curieux indifférent. Il faut tout de même lui accorder le mérite de son succès, certes temporaire pour le moment, mais qui en a surpris plus d’un. 

Sa stratégie offensive reste cependant cyclique puisque les thématiques abordées suivent les cycles économiques. Pour un investisseur optimiste sur la pérennité du talent de Cathie Wood à dénicher les pépites de demain, nous recommandons toutefois d’allouer éventuellement une part relativement modérée de son allocation aux fonds Ark Investment. Ces fonds ne sont néanmoins pas disponibles sur les places européennes. 

Les bons choix pris ne sont que le début de l'histoire pour Ark Investment. Les entreprises favorites du fonds devront encore prouver leur rentabilité lorsque les marchés innovants sur lesquels la gérante a parié seront arrivés à maturité. En effet, investir dans un marché en croissance n’a jamais été un gage de réussite. Et Cathie Wood a encore un long chemin à parcourir avant de détrôner l’oracle d’Omaha du haut de sa tour new-yorkaise.