Pékin (awp/afp) - Les prix de l'immobilier en Chine ont connu en mai leur plus forte hausse depuis deux ans, sur fond d'envolée des ventes de logements, dopées par le crédit bon marché: mais ce rebond, aubaine pour une économie à la peine, s'avère fragile et à double tranchant.

Le prix moyen d'un logement neuf dans les cent plus importantes villes du pays a bondi de 10,34% sur un an le mois dernier, selon une étude indépendante du cabinet China Index Academy (CIA) publiée mercredi, pour atteindre 11.662 yuans (1.590 euros) par m2.

C'est la plus rapide progression enregistrée en l'espace de 27 mois. En glissement mensuel, la progression est plus modérée (+1,7%), mais n'en marque pas moins une nette accélération.

Les transactions immobilières, elles, ont gonflé le mois dernier de quasiment 37% sur un an, selon le gouvernement.

Après deux décennies de flambée des prix, le marché immobilier chinois --pilier de la deuxième économie mondiale-- avait connu un profond marasme ces deux dernières années, stagnant à l'unisson de l'activité.

La surabondance d'appartements invendus s'accumulant dans les villes moyennes avait parachevé de déprimer les prix.

Mais les ventes immobilières se sont vigoureusement ressaisies depuis fin 2015 avant de s'envoler au premier trimestre 2016: à Shenzhen, métropole frontalière de Hong Kong, les prix ont grimpé de 63% sur un an en mars, tandis qu'ils bondissaient de 30% à Shanghai.

Pour les analystes Nomura, le rebond s'explique par le crédit bon marché et par les coups de pouce réglementaires adoptés par Pékin pour relancer un secteur crucial.

Début février, la banque centrale chinoise (PBOC) a abaissé le niveau de l'apport exigé pour obtenir un prêt en vue de l'achat d'un premier logement, dans les villes sans restrictions particulières --dépôt minimal ramené à 20% contre 25% auparavant.

Le gouvernement a lui dévoilé une forte réduction des taxes sur les achats immobiliers dans la plupart des villes.

Surtout, la fièvre des ventes immobilières doit beaucoup à l'envol des prêts bancaires et de l'endettement sur les premiers mois de 2016, suite aux baisses de taux et assouplissements répétés de la PBOC pour amoindrir le coût du crédit.

-Moteur de croissance-

Dans l'immédiat, c'est un coup de fouet pour la croissance économique: les secteurs de l'immobilier et de la construction représentent de façon directe environ 15% du Produit intérieur brut chinois, selon les analystes de Barclays.

Pour eux, "le boom du marché immobilier a largement participé à la récente stabilisation de l'économie chinoise", qui s'est notamment traduite par un rebond de l'activité manufacturière, laquelle en bénéficie indirectement via la demande d'équipements électroménagers et de meubles.

"Mais le marché immobilier devrait se refroidir dans les prochains mois", ont averti les experts de Barclays dans une note diffusée cette semaine. Et de pointer le fardeau des stocks de logements invendus, qui finiront par "freiner les investissements" après leur récent redémarrage.

Par ailleurs, le cocktail d'une fièvre immobilière et d'une embardée des crédits --qui n'est pas sans rappeler les +subprimes+ américains-- commence à inquiéter les autorités.

"Les inquiétudes d'une potentielle bulle augmentent", souligne-t-on chez Nomura. A Shenzhen, jusqu'à 30% des achats immobiliers sont réalisés à des fins d'investissement spéculatif, révélait en mars l'agence officielle Chine nouvelle.

"Le gouvernement a donc commencé à adopter des mesures restrictives", poursuit Nomura. Sont principalement concernées les plus grandes métropoles (Shanghai, Shenzhen, Wuhan), qui ont restreint les achats pour les non-résidents.

-Spectre des 'subprime'?-

Fin avril, un régulateur shanghaïen a par ailleurs temporairement suspendu les activités de prêts immobiliers de sept branches bancaires dans la ville, en raison d'une vigilance jugée insuffisante dans des prêts accordés via des tiers. De quoi agiter le spectre de "subprime" à la shanghaienne.

Et la PBOC est intervenue mi-mars pour rappeler que l'apport minimal pour obtenir un prêt immobilier ne pouvait pas être fourni en empruntant de l'argent ailleurs, notamment via des firmes de crédit en ligne --une pratique courante.

"De telles mesures vont réduire la demande en investissements immobiliers et pourrait contribuer à modérer les prix dans ces villes" concernées par les excès, a commenté l'agence Moody's.

"Une forte correction à un certain point semble probable", observent Mark Williams et Julian Evans-Pritchard, du cabinet Capital Economics.

Tout en tempérant: la politique monétaire ultra-accommodante de Pékin devrait continuer de soutenir le marché immobilier pour "encore deux trimestres", même si c'est au prix d'un inévitable ralentissement.

afp/rp