BEYROUTH, 23 décembre (Reuters) - L'armée syrienne a annoncé jeudi soir avoir repris Alep dans sa totalité et ramené la "sécurité" dans la ville après l'évacuation des derniers insurgés, ce qui représente la victoire la plus importante du président syrien Bachar al Assad depuis le début de la guerre.

Les premières manifestations du "printemps syrien" remontent à MARS 2011 à Damas et se propagent à d'autres villes du pays mais à Alep, alors capitale économique et ville la plus peuplée de Syrie, la mobilisation est moindre.

La situation change DÉBUT 2012 quand les rebelles prennent le contrôlent de territoires ruraux situés au nord-ouest de la ville, assiégeant la base militaire aérienne de Minnegh et les localités majoritairement chiites de Noubel et Zahra.

En JUILLET 2012, les forces de sécurité ouvrent le feu pour la première fois contre des manifestants à Alep. L'insurrection commence.

Les quartiers de l'Est, plus pauvres, tombent rapidement. Les combats dans la Vieille Ville classée au Patrimoine mondial de l'Unesco provoquent d'importants dégâts. En AVRIL 2013, le minaret millénaire de la Mosquée des Omeyyades s'effondre.

Les groupes rebelles parviennent à couper la principale route reliant Alep vers le sud. Les forces pro-gouvernementales ouvrent une voie d'accès plus longue, que les rebelles coupent également. Alep-Ouest, tenue par les forces gouvernementales, est alors presque entièrement encerclées.

Mais en OCTOBRE 2013, les forces du régime rouvrent cette voie alternative. Parallèlement, la maîtrise totale du ciel par les forces pro-gouvernementales commence à produire ses effets avec l'utilisation croissante d'avions et d'hélicoptères pour frapper les rebelles.

2015-2016: L'INTERVENTION RUSSE ET LA BATAILLE D'ALEP

Dans le nord-ouest de la Syrie, où se trouve Alep, les insurgés enregistrent en 2015 une série d'avancées, mettant les forces pro-gouvernementales sous pression.

Mais le 30 septembre 2015, l'aviation russe commence à frapper les rebelles. L'intervention militaire de Moscou en soutien au régime de Bachar al Assad va modifier l'équilibre des forces.

En février 2016, l'armée syrienne et les milices qui se battent à ses côtés progressent avec le soutien de l'aviation russe. La route directe entre Alep-Est et la frontière turque est coupée. La base aérienne de Minnegh est reprise, le siège des localités de Noubel et Zahra levé. Les voies d'approvisionnement des rebelles alépins sont sous pression.

Le 27 JUILLET, Alep-Est est pour la première fois entièrement encerclée par les forces pro-gouvernementales. Dix jours plus tard, une contre-offensive des rebelles sur le quartier de Ramoussah brise le siège et rouvre une voie vers le sud.

Mais le 8 SEPTEMBRE, Alep-Est est de nouveau entièrement isolé.

DANS LA NUIT DU 9 AU 10 SEPTEMBRE, à Genève, John Kerry et Sergueï Lavrov parviennent à un accord visant à relancer le processus de paix en Syrie en instaurant une trêve, ménageant un accès humanitaire et visant conjointement les groupes islamistes.

Le plan "nécessite de cesser toutes les attaques, notamment les bombardements aériens, et toutes les tentatives de gagner du terrain aux dépens d'autres parties de l'accord de cessation. Il requiert un accès humanitaire sans obstacle, durable à toutes les zones assiégées et difficiles d'accès, dont Alep".

Une trêve, fragile, entre en vigueur le 12 SEPTEMBRE.

Le 17 SEPTEMBRE, des frappes aériennes de la coalition mise en place par les Etats-Unis tuent entre 60 et 90 soldats de l'armée syrienne dans le secteur de Daïr az Zour, dans le nord-est de la Syrie. Le Pentagone plaide l'erreur de cible. Moscou et Damas jugent que ces frappes compromettent la trêve. "Plusieurs erreurs humaines" sont à l'origine de cette frappe, conclura deux mois et demi plus tard l'enquête de l'armée américaine.

Deux jours plus tard, le 19 SEPTEMBRE, l'armée syrienne annonce la fin de la "période de cessez-le-feu" et reprend aussitôt ses bombardements aériens.

Dans la soirée un convoi d'aide humanitaire des Nations unies et du Croissant-rouge arabe syrien est bombardé près d'Alep par des avions militaires syriens ou russes, selon l'Onu. L'attaque fait au moins dix morts.

22 SEPTEMBRE - Alors qu'un déluge de feu d'une intensité sans précédent depuis des mois s'abat sur les quartiers contrôlés par la rébellion à Alep, l'armée syrienne, appuyée militairement par la Russie, annonce le lancement d'une offensive pour reprendre le dernier grand centre urbain tenu par les insurgés.

23 SEPTEMBRE - Les discussions diplomatiques sont dans l'impasse à New York, où se tient l'Assemblée générale des Nations unies. "Alep ne peut pas être le Guernica du XXIe siècle", martèle le chef de la diplomatie française, Jean-Marc Ayrault.

De son côté, Sergueï Lavrov estime qu'il est "temps de tirer les leçons du passé" pour éviter que "la Syrie ne bascule dans la catastrophe". "En grande partie grâce à l'assistance militaire russe au gouvernement légitime syrien en réponse à la requête de ce dernier, il a été possible d'éviter l'effondrement de l'Etat et la dislocation du pays sous la pression de terroristes", dit-il à la tribune des Nations unies.

25 SEPTEMBRE - Samantha Power, l'ambassadrice des Etats-Unis à l'Onu, affirme que l'engagement militaire russe aux côtés du régime de Damas relève de la barbarie et non pas de la lutte contre le terrorisme. A Paris, Jean-Marc Ayrault appelle Moscou à ne pas être complice de "crimes de guerre" à Alep.

6 OCTOBRE - L'envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie, Staffan de Mistura, se dit prêt à se rendre dans les quartiers d'Alep-Est pour escorter hors de la ville le millier de combattants djihadistes qui s'y trouveraient afin de faire cesser les bombardements russes et syriens.

Le diplomate italo-suédois laisse entendre que la présence des 900 combattants de l'ex-Front al Nosra, qui se fait désormais appeler Front Fatah al Cham, dans les zones sous contrôle insurgé de la ville, offre un "alibi facile" à l'entreprise de destruction de ces quartiers par les forces pro-gouvernementales.

8 OCTOBRE - La Russie met son veto au Conseil de sécurité des Nations unies à un projet de résolution présenté par la France qui appelait à un arrêt immédiat des bombardements et à l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne sur Alep.

28 OCTOBRE - Les rebelles lancent une contre-offensive pour tenter de briser l'encerclement des quartiers Est. L'opération fait long feu. Une semaine plus tard, tous leurs gains territoriaux sont effacés.

1ER NOVEMBRE - Le Haut Commissariat de l'Onu pour les droits de l'homme (OHCHR) estime que toutes les parties impliquées dans la bataille se livrent potentiellement à des crimes de guerre en menant des attaques aveugles contre des quartiers peuplés de civils.

19 NOVEMBRE - D'après l'Organisation mondiale de la santé, tous les hôpitaux situés dans les quartiers Est d'Alep ont été mis hors service après des jours d'intenses bombardements.

24 NOVEMBRE - Des groupes rebelles acceptent un plan des Nations unies pour la livraison d'une aide humanitaire et des évacuations médicales, mais l'Onu attend un feu vert de Moscou et Damas, annonce Jan Egeland, conseiller pour les affaires humanitaires de l'émissaire de l'Onu pour la Syrie.

Dans une interview accordée le même jour à Stockholm, où il reçoit le Right Livelihood Award, ou "prix Nobel alternatif", au nom des "Casques blancs", Raed al Saleh, qui préside cette organisation de protection civile, estime qu'il reste moins de dix jours pour acheminer cette aide. Sinon, les Alépins seront exposés à une famine mortelle.

D'après les Nations unies, les dernières rations alimentaires de l'Onu ont été distribuées le 13 novembre.

A PARTIR DU 26 NOVEMBRE - Les forces pro-gouvernementales syriennes progressent très rapidement depuis le nord-est de la ville, reprenant tour à tour la plupart des quartiers que tenaient les rebelles et provoquant le départ de milliers d'habitants.

Avant le déclenchement de l'offensive, l'Onu estimait entre 250.000 et 275.000 le nombre d'habitants à Alep-Est.

5 DECEMBRE - La Russie et la Chine opposent leur veto à un projet de résolution du Conseil de sécurité exigeant une trêve de sept jours à Alep et l'arrêt des combats dans l'ensemble de la Syrie. Moscou fait valoir qu'une cessation des hostilités permettrait aux rebelles de se regrouper.

C'est la sixième fois depuis le début de la crise syrienne que la Russie met en échec un projet de résolution au Conseil de sécurité.

9 DECEMBRE - L'Assemblée générale des Nations unies vote par 122 voix contre 13 une résolution réclamant une trêve immédiate en Syrie, un accès à l'aide humanitaire et la fin de tous les sièges, y compris celui d'Alep.

10 DECEMBRE - Réunis à Paris, les ministres des Affaires étrangères du groupe des pays "affinitaires", soutenant l'opposition modérée, semblent se résigner à la chute du dernier centre urbain tenu par les insurgés. John Kerry, le chef de la diplomatie américaine, exhorte la Russie à faire "preuve de bonté" tandis que son homologue français, Jean-Marc Ayrault, s'interroge: "Quelle paix veulent-ils ? La paix des cimetières ?"

D'après la Russie, les forces pro-gouvernementales contrôlent désormais 93% de la ville.

12 DECEMBRE - Les lignes de défense des insurgés s'effondrent. Après la perte du quartier de Cheikh Saïd, les rebelles se retirent de tous les quartiers situés sur la rive est du Quoueiq, la rivière qui traverse Alep, selon l'OSDH. En quelques heures, leur poche de résistance s'est réduite de moitié.

"Nous sommes dans les derniers instants avant la proclamation de la victoire de l'Armée arabe syrienne dans la bataille d'Alep-Est. Nous pouvons l'annoncer à tout moment", déclare une source militaire syrienne.

13 DECEMBRE - Un accord est conclu sous l'égide de la Turquie et la Russie pour permettre l'évacuation des civils et des rebelles vers la ville d'Idlib, tenue par les insurgés. .

Dans les jours qui suivent, la mise en application se heurte à des blocages et de brèves reprises des combats. L'Iran réclame en contrepartie que deux villages chiites de la province d'Idlib, assiégés par des insurgés, soient évacués.

19 DECEMBRE - Le Conseil de sécurité des Nations unies adopte à l'unanimité une résolution présentée par la France et négocié avec la Russie qui réclame que des observateurs de l'Onu et d'autres organisations supervisent l'évacuation du dernier secteur rebelle d'Alep et garantissent la sécurité des civils.

23 DECEMBRE - L'armée syrienne annonce avoir repris le contrôle total d'Alep après l'évacuation des derniers insurgés.

Recevant une délégation iranienne à Damas, Bachar al Assad réaffirme son intention de reprendre en main tout le pays, présentant la bataille d'Alep comme "une étape sur la route menant à la fin du terrorisme sur l'ensemble du territoire syrien et créant les circonstances d'une solution pour mettre fin à la guerre".

Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), quelque 34.000 personnes, civils et insurgés, ont été évacuées de la grande ville du nord-ouest de la Syrie depuis une semaine.

(Lisa Barrington; Henri-Pierre André pour le service français)