BAGDAD, 23 mai (Reuters) - Retour sur l'implantation de l'organisation Etat islamique près d'un an après son offensive éclair contre Mossoul, la deuxième ville d'Irak.

2014

Les forces djihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), son nom initial, déjà actives depuis le début de l'année dans la province d'Anbar, à l'ouest de Bagdad, passent à l'offensive début juin dans le nord de l'Irak, avec le soutien de groupes sunnites armés. L'armée irakienne ne leur oppose qu'une très faible résistance.

Le 10 juin, Mossoul, deuxième ville d'Irak, passe entièrement sous le contrôle de cette lointaine émanation de l'Etat islamique d'Irak d'Abou Moussab al Zarkaoui, affilié à Al Qaïda et acteur central de l'insurrection anti-américaine de 2005-2008 en Irak.

En s'emparant de Mossoul, les djihadistes récupèrent des stocks d'armes et de munitions abandonnés derrière eux par les soldats irakiens et mettent la main sur de très importantes ressources financières.

Dans les jours qui suivent, ils progressent vers le sud jusqu'à Samarra, à une centaine de kilomètres au nord de Bagdad. La capitale elle-même, ainsi que le "triangle de la mort", une région située à la sortie sud de la ville, sont le théâtre d'infiltrations et d'attentats.

Les combattants kurdes (peshmerga) prennent de leur côté la ville pétrolière de Kirkouk, à l'extérieur des limites de la région semi-autonome du Kurdistan, au coeur de litiges entre le gouvernement de Bagdad et le gouvernement régional du Kurdistan (GRK).

29 juin - L'Etat islamique en Irak et au Levant proclame le "califat" islamique placé sous le commandement de son chef, Abou Bakr al Baghdadi, qui appelle tous les mouvements djihadistes à lui prêter allégeance.

"Quoi que l'on pense de sa légitimité, l'annonce de la restauration du califat est sans doute l'événement le plus important pour le djihadisme international depuis les attentats du 11 septembre", analyse alors le chercheur Charles Lister, un expert des mouvements islamistes au Brookings Doha Center.

Pour Fawaz Gerges, qui dirige le centre d'études du Moyen-Orient à la London School of Economics, "Al Qaïda du temps d'Oussama ben Laden était un mouvement sans frontière, transnational qui n'a jamais su se trouver une base sociale". "La raison pour laquelle il faut prendre l'Etat islamique au sérieux, ajoute-t-il, réside dans le fait qu'il se développe comme une épidémie sociale, se nourrissant des tensions et des lignes de fracture sociales des sociétés arabes. Il est une manifestation de l'affaiblissement et du démantèlement des Etats arabes tels que nous les connaissions."

16 juillet - Réunis en Jordanie, les chefs de file de l'insurrection sunnite annoncent qu'ils ne déposeront pas les armes avant d'avoir pris Bagdad et renversé le pouvoir chiite.

Mais début août, c'est dans le nord du pays que les djihadistes de l'Etat islamique repartent à l'offensive, contre des villes tenues par les Kurdes. Le barrage de Mossoul tombe, ils approchent à moins de 70 km d'Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, et traquent parallèlement les yazidis et les chrétiens, deux minorités religieuses.

7 août - Barack Obama annonce qu'il autorise des frappes aériennes pour enrayer leur progression vers Erbil, protéger les intérêts américains et venir au secours des minorités religieuses yazidis et chrétiennes.

8 août - Premières frappes de l'aviation américaine.

11 août - Le chiite Haïdar al Abadi, vice-président du Parlement, est désigné au poste de Premier ministre d'Irak à la place de Nouri al Maliki, accusé d'avoir attisé depuis son arrivée au pouvoir en 2006 les tensions confessionnelles par une politique sectaire favorable à la communauté chiite, majoritaire.

15 août - Le Conseil de sécurité des Nations unies adopte à l'unanimité la résolution 2170 qui vise les activistes islamistes en Irak et en Syrie, avec des menaces de sanctions contre ceux qui les financent ou leur fournissent des armes et des recrues.

19 août - L'Etat islamique, qui a fait de Rakka son bastion en Syrie, met en ligne la vidéo de la décapitation du journaliste américain James Foley, enlevé en novembre 2012 dans le nord-est de la Syrie, et menace un autre journaliste américain, Steven Sotloff, capturé en juillet 2013 en Syrie. Son sort, prévient l'EI, dépendra des prochaines décisions de Barack Obama.

Le lendemain, le président américain promet d'être "implacable" face au "cancer" que représente l'Etat islamique.

24 août - En Syrie, après plusieurs jours de violents combats, la base aérienne de Tabka, l'un des derniers postes tenus par les forces de Bachar al Assad dans le nord-est du pays, tombe aux mains des djihadistes.

2 septembre - Dans une nouvelle vidéo, l'Etat islamique annonce l'exécution de Steven Sotloff. Trois autres otages occidentaux (les Britanniques David Haines et Alan Henning et l'Américain Peter Kassig) seront tués dans les semaines suivantes. La vidéo mise en ligne le 16 novembre et annonçant l'assassinat de Kassig met en scène l'exécution d'une quinzaine de militaires syriens, égorgés.

5 septembre - Au sommet de l'Otan à Newport, au Pays de Galles, les Etats-Unis annoncent la formation d'une coalition internationale contre les djihadistes. Dix pays occidentaux, dont la Grande-Bretagne, en constituent le "noyau dur".

François Hollande annonce que la France y participera si le gouvernement irakien en fait la demande mais écarte toute action militaire contre EI en Syrie. Les premières frappes françaises de l'opération Chammal sont menées le 19 septembre dans la région de Mossoul.

23 septembre - Premiers raids aériens en Syrie des Etats-Unis et de leurs alliés contre des positions de l'Etat islamique, dans les provinces de Daïr az Zour et de Rakka.

2015

26 janvier - Après des mois d'affrontements, les combattants kurdes reprennent Kobani. Adossée à la frontière turque, dans le nord de la Syrie, la ville assiégée depuis le mois de juillet par l'Etat islamique est devenue un symbole de la résistance aux djihadistes sunnites.

1er avril - Au terme d'une contre-offensive déclenchée un mois plus tôt, Bagdad annonce que l'armée régulière a repris la ville de Tikrit, passée aux mains des djihadistes en juin.

Dans la campagne pour reprendre le fief de Saddam Hussein, situé à 140 km au nord-ouest de Bagdad, l'armée irakienne a dû compter sur le soutien déterminant des milices chiites du Hachid Chaabi (Comité de mobilisation populaire).

17 mai - En Irak, l'EI dit contrôler la totalité de la ville de Ramadi, chef lieu de la province d'Anbar, à une centaine de kilomètres à l'ouest de Bagdad.

20 mai - En Syrie, l'Etat islamique s'empare de Palmyre, où se trouve le site archéologique le plus célèbre du pays, située à 240 kilomètres au nord-est de Damas. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), plus de la moitié du territoire syrien est désormais sous son contrôle.

Dans leur avancée, les djihadistes ont détruit d'autres vestiges de civilisations pré-islamiques, au musée de Mossoul (février 2015), ou bien encore dans les villes antiques de Nimrud et Hatra, dans le nord-est de l'Irak.

NOTES

Profitant de la désintégration et du chaos, l'EI a également pris pied en Libye, notamment dans les villes de Derna et Syrte. Le groupe fondamentaliste y a revendiqué toute une série d'attentats, notamment l'attaque fin janvier contre le Corinthia, un hôtel de luxe de Tripoli, qui a fait neuf morts, et celle contre le site pétrolier de Mabrouk au sud de Syrte début février, qui a coûté la vie à 12 personnes. Le 15 février, les djihadistes mettent en ligne des photos de la décapitation de 21 chrétiens coptes d'Egypte sur une plage libyenne.

L'Etat islamique a également revendiqué une série d'attentats commis hors de sa zone d'influence, dont l'attentat-suicide qui a fait 21 morts le 22 mai dans une mosquée chiite de l'est de l'Arabie saoudite, l'attaque du Musée du Bardo, à Tunis, qui a fait 23 morts le 18 mars, ou les deux attentats suicides qui ont fait 87 morts deux jours plus tard contre deux mosquées de Sanaa, la capitale du Yémen.

L'organisation d'Abou Bakr al Baghdadi a reçu l'allégeance de plusieurs groupes islamistes armés, dont Boko Haram au Nigeria et Ansar Baït al Makdis dans le Sinaï égyptien.

En Algérie, le Djound al Khalifah (les Soldats du califat), le groupe armé qui a décapité le guide de montagne français Hervé Gourdel, enlevé en septembre en Kabylie, s'est réclamé de l'Etat islamique.

En janvier, dans une vidéo diffusé après sa mort, Amedy Coulibaly, tueur d'une policière municipale à Montrouge et de quatre clients dans la supérette Hyper Cacher à Paris, disait vouloir répliquer aux opérations de l'armée française contre l'Etat islamique.

Le président afghan Ashraf Ghani considère que le groupe constitue une "terrible menace" contre son pays. (Henri-Pierre André pour le service français)