Tom Fairless,

The Wall Street Journal

Les investisseurs attendent depuis des mois de connaître le sort du programme de rachats d'obligations de la Banque centrale européenne (BCE), qui doit s'achever en mars 2017. Cette attente pourrait enfin parvenir à son terme, le marché anticipant l'annonce d'une nouvelle extension de ce programme d'assouplissement quantitatif (QE) jeudi.

Alors que l'économie de la zone euro reste faible et que les incertitudes politiques sont nombreuses, les gouverneurs de la BCE ne souhaitent probablement pas prendre de risques. Néanmoins, les avertissements se multiplient au sujet des effets secondaires des mesures de relance de la banque centrale. Les investisseurs suivront donc attentivement la conférence de presse du président de la BCE, Mario Draghi, en quête d'indications sur l'évolution possible de la politique monétaire.

Qu'attend-on de la BCE cette semaine ?

Une extension et un ajustement. Les responsables de la BCE ont récemment souligné l'importance de préserver l'assouplissement monétaire, qu'ils considèrent comme un pilier essentiel de la reprise économique de la zone euro. L'hypothèse la plus probable repose sur une extension de six mois du QE au rythme actuel de 80 milliards d'euros par mois, associée à des ajustements techniques, afin de se prémunir contre une pénurie d'emprunts éligibles à acheter. Le BCE pourrait également diminuer le montant de ses achats mensuels, mais cela risquerait de décevoir les investisseurs, provoquant un mouvement de vente sur les marchés, comme l'année dernière lorsqu'un dispositif d'assouplissement inférieur aux attentes avait pénalisé les actions et fait grimper l'euro face au dollar.

Comment se porte l'économie de la zone euro ?

Elle va mieux, mais la reprise est lente. Le moral des entreprises et des ménages remonte et l'activité de prêt augmente. L'activité des entreprises de la zone euro a crû au rythme le plus rapide de l'année en novembre. L'inflation demeure toutefois bien en deçà de l'objectif tout juste inférieur à 2% de la BCE. Les risques politiques abondent également : des élections majeures sont prévues dans quatre des cinq plus importantes économies de la zone euro en 2017 et les mouvements eurosceptiques se développent.

"L'incertitude politique est dominante", a déclaré Mario Draghi dans un entretien diffusé la semaine dernière.

La BCE peut-elle assouplir encore sa politique ?

Pas vraiment, selon de nombreux investisseurs. Une nouvelle baisse des taux d'intérêt est improbable car elle pourrait affecter les bénéfices des banques de la région, éventuellement en limitant leur capacité de prêt. Les limites du QE sont également perceptibles. Pour continuer au rythme actuel, le programme devra probablement être modifié, mais aucune option n'est simple. Parallèlement, les dirigeants allemands, inquiets des effets négatifs des taux d'intérêt ultra-faibles, ont passé l'année à demander à la BCE de revoir sa politique.

Un retrait du QE sera-t-il évoqué ?

Mario Draghi affirme que les gouverneurs n'ont même pas discuté de la possibilité d'un retrait progressif des rachats d'obligations de la BCE en novembre. Mais le bilan de l'institution atteignant des sommets, certains responsables aimeraient commencer à expliquer comment la banque compte s'y prendre pour mettre fin au programme. Cependant, la moindre suggestion d'un retrait à venir du QE pourrait être mal comprise par les marchés et provoquer une baisse des obligations de la zone euro. Mario Draghi devra donc prendre des précautions en laissant entendre que les achats de dette pourraient diminuer dans le courant de 2017, si certaines conditions économiques sont respectées.

Quid de l'Italie ?

La crise politique en Italie intervient à un mauvais moment. Certaines banques du pays, qui croulent sous une montagne de créances douteuses, ont un besoin urgent de capitaux frais. Reflet des inquiétudes des investisseurs, les rendements des emprunts souverains italiens ont augmenté ces dernières semaines. Si la réction du marché au rejet du projet de réforme constitutionnelle de Matteo Renzi a été contenue, Mario Draghi pourrait chercher à envoyer un message rassurant sur la santé des banques italiennes, ou évoquer ce que pourrait faire la BCE pour les aider.

-Tom Fairless, The Wall Street Journal

(Version française Valérie Venck) ed: ECH