"Que retenez-vous de la réforme du Code du Travail dévoilée la semaine dernière, ces fameuses ordonnances censées libérer les énergies dès le début du quinquennat d'Emmanuel Macron ?
C'est une réforme qui va clairement dans le sens d'une plus grande souplesse pour les entreprises. Il y a des mesures pour les TPE/PME, d'autres pour les grands groupes. Ce n'est ni une révolution copernicienne, ni une réformette, ni la casse du droit du Travail. Les branches n'ont pas disparu. Leurs compétences ont été limitées à un certain nombre de domaines mais elles continueront à jouer un rôle important. En même temps, on permet aux entreprises de mieux s'adapter au contexte qui est le leur, sur toute une série de sujets, et on les sécurise via une procédure prud'homale plus encadrée. Au final je pense que le gouvernement a été pragmatique, qu'il est allé aux limites de ce qui était acceptable par le corps social pour que cette réforme puisse entrer en vigueur. D'ailleurs les syndicats, sauf la CGT, l'ont relativement bien acceptée.

La réforme franchit pourtant certaines 'lignes rouges' comme le plafonnement des indemnités prud'homales, une mesure réclamée de longue date par le patronat et toujours rejetée par les syndicats et une majorité de Français…

Cela peut être difficile à accepter dans un pays comme le nôtre, avec un droit du travail très protecteur, mais si l'on veut que les entreprises recrutent davantage, il faut qu'elles aient plus de souplesse et plus de visibilité lorsqu'elles doivent licencier. Le plafonnement des indemnités prud'homales vise à apporter plus de sécurité aux employeurs, notamment les TPE pour qui une procédure aux prud'hommes peut avoir des conséquences très lourdes. Ces plafonds restent relativement importants. Par ailleurs les syndicats ont obtenu une hausse des indemnités légales – celles dues pour tout licenciement hors faute – de 25%.

Quid des nouvelles règles en matière de licenciement économique pour les multinationales ? Sont-elles de nature à favoriser les plans sociaux ?

La révision du périmètre du licenciement économique est une mesure extrêmement précieuse, notamment pour les grands groupes et les entreprises étrangères. Jusqu'à présent pour apprécier les difficultés financières d'une entreprise souhaitant lancer un plan social il faut prendre en compte sa situation dans tous les pays où elle opère si c'est une multinationale. Avec la nouvelle loi travail, seule la situation financière de la société se situant en France sera prise en compte. Cette mesure est de nature à rassurer tous les investisseurs étrangers en France, mais également les grandes entreprises françaises qui veulent fermer une filiale non rentable dans l'hexagone. Le projet de loi précise cependant que le juge continuera à contrôler les éventuels abus de droit, y compris la création de difficultés artificielles pour justifier les licenciements, et qui si la filiale française est rentable, il n’y a aucune raison de la fermer.

En encourageant les accords d'entreprises, au besoin par des referendums internes, la réforme organise-t-elle une "inversion de la hiérarchie des normes" ? Quelle sera l'articulation entre la loi, les accords de branche et les accords d'entreprises ?
Il n'y a pas d'inversion de la hiérarchie des normes. En revanche, les branches ne sont plus compétentes sur tout. Elles fixeront notamment les conditions des contrats courts et la possibilité de recourir aux contrats de chantier. Mais sur les autres sujets, notamment ceux ayant trait à l'organisation et au temps de travail, les accords d'entreprises seront privilégiés. Même si de nombreuses entreprises ont déjà leurs propres accords sur l'organisation du temps de travail, cela ne remet pas en cause la durée légale de 35h. Les grands principes du droit du travail (salaire minimum, égalité hommes femmes, etc) continueront également à s'appliquer à toutes les entreprises.
"