par Mohammed Mukhashaf et Sami Aboudi

ADEN, 29 mars (Reuters) - Des combats ont opposé dimanche les forces fidèles au président yéménite Abd-Rabbou Mansour Hadi, soutenu par l'Arabie saoudite, aux miliciens chiites houthis dans le centre d'Aden, dernier grand bastion du chef de l'Etat sur la côte sud du pays.

Plus globalement, au quatrième jour de la campagne aérienne menée par l'Arabie saoudite avec le soutien de ses alliés sunnites, de violents affrontements ont été signalés dans sept provinces du sud et de l'est du Yémen.

Les Houthis bénéficient du soutien d'unités de l'armée restées fidèles à l'ancien président Ali Abdallah Saleh. Les partisans de Hadi ont l'appui de membres de tribus sunnites et des séparatistes armés du Sud.

A Aden, les hommes de Hadi ont fait état d'une fusillade dans le quartier du Cratère, qui a fait trois morts, et ont annoncé, à l'issue de combats qui ont duré toute la nuit de samedi à dimanche, avoir repris l'aéroport. En cinq jours de combats, le lieu a changé de main à plusieurs reprises.

Des témoins présents à Dar Saad, un quartier du nord d'Aden, ont dit avoir vu deux chars détruits par les partisans du président Hadi. Cinq miliciens Houthis ont été tués dans la banlieue de la ville, ont rapporté des fidèles du président.

Les frappes aériennes de la coalition arabe sous conduite saoudienne se sont parallèlement poursuivies.

Le ministère de la Santé, contrôlé par les Houthis, a indiqué que 35 personnes avaient été tuées et 88 blessées dans des raids aériens menés dans la nuit de samedi à dimanche.

Les avions de la coalition arabe ont frappé des objectifs militaires dans les aéroports de Sanaa et d'Hodeïda, grand port sur la mer Rouge.

A Saada, bastion des Houthis proche de la frontière saoudienne, les raids aériens ont visé des camps militaires des Houthis et des unités de l'armée fidèles à l'ancien président Saleh.

RYAD N'EXCLUT PAS UN ENGAGEMENT TERRESTRE

Pour l'heure, l'Arabie saoudite s'en tient à ses sorties aériennes mais n'exclut pas d'envoyer des troupes au sol. "Je ne crois pas que quiconque veuille aller au Yémen, mais nous n'excluons rien. Pour le moment, l'objectif est atteint par cette campagne aérienne", a déclaré l'ambassadeur saoudien aux Etats-Unis, Adel al Joubeir.

Réunis à Charm el Cheikh, en Egypte, pour leur sommet annuel, les Etats membres de la Ligue arabe ont annoncé la création d'une force unifiée susceptible d'intervenir dans les conflits qui menacent la région, comme en Syrie, en Libye ou au Yémen, où l'Arabie saoudite et l'Iran s'affrontent indirectement. (voir )

Ryad a déclenché son offensive aérienne jeudi à l'aube, alors que les Houthis, qui contrôlent la capitale, Sanaa, depuis le mois de septembre, menaçaient de s'emparer d'Aden, où le président Hadi s'était réfugié en février.

L'intervention saoudienne, dans le contexte du conflit larvé qui l'oppose à l'Iran chiite dans tout le Proche-Orient, a fait basculer le Yémen dans une guerre civile ouverte. Si les Houthis et leurs alliés ont continué de gagner du terrain après les premières frappes, ils semblent en revanche avoir essuyé dimanche des revers sur trois fronts: le secteur nord d'Aden, la province de Dhalea (au nord d'Aden) et la province de Chaboua (est).

Un porte-parole de l'armée saoudienne a prévenu que la pression exercée à leur encontre allait s'accentuer dans les prochains jours. "Les milices Houthis n'auront plus aucun refuge sûr", a ajouté devant la presse le général Ahmed Asseri.

Les raids de la nuit de samedi à dimanche, a-t-il expliqué, ont notamment visé les avions de chasse de ce qui reste de l'armée de l'air yéménite. Les Houthis, a-t-il dit, ne disposent plus que de quelques avions, ce qui devrait renforcer la maîtrise saoudienne de l'espace aérien yéménite.

DOUTES SUR LES OBJECTIFS PRÉCIS DE L'ARABIE SAOUDITE

L'ex-président Saleh, qui a démissionné en 2011 à la suite de grandes manifestations mais exerce toujours une influence considérable au Yémen, a prié le monde arabe de cesser "l'agression et de revenir à la table des négociations".

"Propos de perdant", a balayé Ryad Yassine, le ministre des Affaires étrangères loyal à Hadi.

Le président yéménite, qui se trouvait ce week-end à Charm el Cheikh pour le sommet annuel de la Ligue arabe avant de regagner Ryad, a limogé pour sa part le fils de son prédécesseur, Ahmed Saleh, qui occupait les fonctions d'ambassadeur aux Emirats arabes unis, a rapporté un responsable yéménite.

Lors de ce même sommet, le roi Salman d'Arabie saoudite a déclaré samedi que l'offensive se poursuivrait jusqu'à la réalisation de tous ses objectifs et au rétablissement de la paix et de la sécurité au Yémen.

"Nous réunirons les conditions nécessaires pour permettre au président et à son gouvernement de diriger le pays", a précisé dimanche le général Asseri.

Mais un diplomate en poste dans le Golfe doute que Ryad ait véritablement des objectifs précis. "Il n'existe pas de vision politique dans ce processus. Les Saoudiens ne savent pas quelle forme prendra la fin du processus. Ils n'ont même pas déterminé les conditions dans lesquelles ils pourraient proclamer une victoire." (avec Angus McDowall à Ryad et Noah Browning à Dubaï; Eric Faye, Jean-Philippe Lefief et Henri-Pierre André pour le service français)