CopaTout a commencé en automne 2010 quand LVMH a annoncé, à la surprise générale, détenir 17% du capital d’Hermès, suite au dénouement de divers produits dérivés, et être sur le point d’en détenir encore davantage.
Une telle prise de participation rampante est en principe impossible en raison de l’obligation de chaque actionnaire de déclarer le franchissement de nombreux seuils de participation et ce, dès 5%. Mais cette obligation ne concernait pas à l’époque la détention de produits dérivés, susceptibles de se dénouer en titres vifs. L’AMF a retenu la leçon et modifié son Règlement Général depuis ! L’autorité de marché a par ailleurs sanctionné en juillet 2013 cette entrée dissimulée au capital d’une amende de 8 millions d’euros, un montant qui peut sembler dérisoire au vu des sommes engagées par LVMH pour effectuer l’opération litigieuse, mais qui ne pouvait être guère supérieur, la sanction maximale encourue par LVMH étant de 10 millions.
Pour se protéger de cette montée au capital de son concurrent, la famille Hermès s’était alors constituée en holding et l’affaire avait par la suite pris un tournant judiciaire, avec une plainte au pénal contre LVMH pour manipulation de cours et délit d’initié ainsi qu’une instance civile pour obtenir l’annulation de l’acquisition des actions par LVMH.
 
LVMH et Hermès ont donc annoncé, ce mercredi 3 septembre, la fin de leur conflit judiciaire, via un accord à ce jour inédit : LVMH va en effet redistribuer à ses propres actionnaires l’intégralité des actions Hermès qu’il détient. A cette redistribution s’ajoute l’engagement de la part de LVMH de ne pas acquérir de nouveaux titres Hermès pendant cinq ans, auquel se sont joints la société Christian Dior (maison mère de LVMH) et le Groupe Arnault (holding du PDG de LVMH, Bernard Arnault).
 

Que cela signifie-t-il concrètement pour les actionnaires actuels de LVMH ?

Avant le 20 décembre 2014, ils devraient se voir attribuer gratuitement les actions Hermès jusque-là détenues par le groupe LVMH. Bien que la parité soit encore inconnue à ce jour, nous pouvons estimer que la détention de 100 actions LVMH donnera droit à environ 5 actions Hermès. En revanche, les modalités de cette opération sont encore inconnues : distribution exceptionnelle de dividendes en nature ou attribution gratuite d’actions ? L’impact pour l’actionnaire de LVMH ne sera pas le même…
A noter que la société Christian Dior, actionnaire de LVMH, redistribuera à son tour ces actions Hermès à ses propres actionnaires. En revanche, le Groupe Arnault conservera les actions ainsi attribuées, détenant de la sorte environ 8,5% du capital d’Hermès à l’issue de l’opération.
 

Pourquoi cette opération est-elle si remarquable ?

La distribution gratuite d’actions est susceptible d'intervenir dans deux cas de figures : une augmentation de capital par incorporation de réserves ou une distribution exceptionnelle de dividendes en nature. En tout état de cause, elle consiste presque toujours pour la société à distribuer ses propres actions. Il n’est nullement question de cela ici. Non seulement LVMH ne va pas attribuer ses propres titres, mais en outre, cette opération intervient dans le cadre d'une transaction, permettant de mettre un terme au conflit judiciaire les opposant. Voici une opération inédite !
 
Depuis l’annonce ce matin de cette solution amiable, les cours des deux sociétés sont fortement volatils : à la hausse pour LVMH (+3%) et à la baisse pour Hermès (entre -5 et -10%). La société LVMH bénéficie en effet des conséquences positives de la suppression du risque d’annulation judiciaire de l’acquisition de ses actions et de la disparition du risque de lancement d’une OPA coûteuse. Hermès subit pour sa part les conséquences de l’effacement d’une surcote, liée justement aux rumeurs d’OPA qui finalement n’aura pas lieu ainsi qu’à l’augmentation du flottant du titre, suite à l’arrivée de nombreux titres sur le marché avant la fin de l’année.  
 
La hache de guerre est ainsi enterrée entre les deux géants du luxe, au moins pour cinq ans. Autant dire une éternité pour les marchés financiers !