Madrid (awp/afp) - La croissance a été encore plus dynamique qu'espéré au deuxième trimestre en Espagne, en passe de retrouver son produit intérieur brut d'avant-crise grâce au dynamisme de la consommation et du tourisme, mais aussi aux exportations industrielles.

"Nous avons récupéré le niveau de richesse que nous avions avant la crise", a déclaré le chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy lors d'une conférence de presse vendredi à Madrid pour tirer le bilan de la saison politique.

L'estimation provisoire publiée vendredi montre une hausse de 0,9% du PIB au deuxième trimestre, contre 0,8% au premier.

Si le chiffre est confirmé, il signifiera que le PIB se situe "au-dessus du maximum atteint avant la crise au second trimestre 2008", a précisé à l'AFP une porte-parole du ministère de l'Economie.

Les six premiers mois de l'année ont été plus dynamiques que prévu, poussant le gouvernement à revoir à la hausse sa prévision pour 2017, à 3%, tout comme la Banque d'Espagne et le Fonds monétaire international (FMI).

"Il est même parfaitement possible" que l'Espagne réussisse à dépasser les 3,2% enregistrés en 2016 comme en 2015, assurait dès dimanche le ministre de l'Economie Luis de Guindos.

Dans ce cas, le PIB tournerait autour de 1150 milliards d'euros, contre 1116 milliards en 2008.

Dans un pays où le violent éclatement d'une bulle immobilière avait aggravé les effets de la crise mondiale, le FMI a salué le rôle du "dynamique secteur des services, en grande partie tourné vers l'export, qui a remplacé un secteur de la construction surdimensionné".

En chef de file, le secteur du tourisme, qui bat record sur record de fréquentation depuis quatre ans, pour atteindre 75 millions de visiteurs en 2016.

Depuis 2013, le pays "a accueilli 15 millions de touristes supplémentaires", avec un effet d'autant plus fort que "les sommes dépensées en Espagne par les touristes étrangers sont bien supérieures à celles dépensées par les touristes espagnols en voyage", analyse Juan Pedro Aznar, professeur d'économie à l'école de commerce Esade.

Selon les estimations, le secteur représente entre 6 et 11% du PIB espagnol.

Mais les professionnels du secteur eux-mêmes rappellent régulièrement la fragilité de ces chiffres exceptionnels, en partie dus au report de visiteurs fuyant des destinations comme la Turquie, l'Egypte ou les grandes capitales européennes frappées par des attentats.

RATTRAPAGE DE DÉPENSES

Les exportations de marchandises sont aussi en plein essor, automobile, chimie et agroalimentaire en tête. Elles devraient croître de 6% cette année, selon l'institut BBVA Research.

Même si l'Espagne reste en déficit commercial à cause du pétrole, les exportations augmentent plus vite que les importations.

L'accélération s'explique "en grande partie" par la reprise économique chez les pays clients, tant en Europe, premier destinataire des exportations espagnoles, que dans les pays émergents, "en particulier la Chine et l'Amérique latine", explique à l'AFP Miguel Cardoso, économiste chez BBVA Research.

Mais les bonnes ventes des entreprises espagnoles à l'étranger, en hausse continue depuis un an et demi, sont aussi liées à "des gains de compétitivité qui ont permis de gagner des parts de marché", grâce à des investissements et aux baisses de salaires qui ont suivi la crise, précise l'expert.

L'industrie donne des signes de redressement clairs: les investissements en machines lourdes ont augmenté de 30% en quatre ans, selon BBVA Research.

Le principal pilier de la croissance reste cependant la vigoureuse consommation des ménages (environ 60% du PIB), mais elle ne le sera pas éternellement.

"Elle est due au rattrapage de dépenses repoussées pendant la crise" comme par exemple l'achat d'une voiture, "ce type de dépenses ne peut pas se répéter tous les ans", souligne Miguel Cardoso.

D'autant que les salaires espagnols restent bas: 27% de moins qu'en France et 36% de moins qu'en Allemagne selon Adecco.

Si la croissance de l'Espagne est deux fois supérieure à la moyenne de la zone euro, son taux de chômage l'est aussi. A 17,2%, l'Espagne est le deuxième des plus mauvais élèves après la Grèce, avec en sus le record de contrats temporaires.

Quant à la dette publique, elle pèse le triple d'avant la crise.

"Tout l'héritage de la crise n'a pas encore été complètement surmonté" et l'Espagne restera "trop vulnérable aux chocs extérieurs" si elle ne règle pas rapidement ces problèmes, résume le FMI.

afp/jh