L’anecdote prête à sourire à moins d’une semaine du référendum sur l’avenir du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne et pourtant l’enjeu est de taille. En effet, les sondages s’enchainent et ne se ressemblent pas. Les bookmakers y vont de leurs paris, les instituts de sondage de même. Si les partisans du « Bremain » ressortaient assez nettement gagnants il y a encore quelques semaines, la tendance s’est clairement inversée ces derniers temps et les informations alarmistes qui en découlent dans les divers médias montrent les inquiétudes et les tensions palpables notamment sur les marchés financiers.

Difficile dans ce contexte pour les investisseurs d’y voir clair, car in fine c’est toute la sphère financière qui est dans l’expectative. Les membres de la Fed eux-mêmes surveillent de près le dossier britannique alors qu’une décision sur la hausse des taux se fait toujours attendre pour les mois voire semaines à venir.




Rappel du contexte

Deux évènements permettent de remettre en perspective l’échéance qui approche :

- La réélection surprise en mai 2015 des conservateurs avec David Cameron en chef de file. Ce dernier avait posé comme l’une de ses promesses de campagne, la tenue d’un référendum au plus tard en 2017 sur le maintien de la Grande-Bretagne au sein de l’Union européenne.

- Fort de cette victoire électorale, David Cameron a tenu son engagement et est arrivé avec toutes les cartes en main mi-février à un sommet UK/UE pour renégocier des accords et accéder à ses exigences de réformes notamment en matière d’immigration et de souveraineté. Les dirigeants européens et britanniques se sont entendus, offrant au Royaume-Uni un statut spécial au sein de l’UE. L’enjeu était déterminant puisque ces négociations étaient un préalable au maintien de la Grande-Bretagne dans l’UE. Avec cet accord en poche, David Cameron déclarait lors d’un point presse « Je pense que cela suffit pour recommander que le Royaume-Uni reste dans l’UE ».

Dès lors la campagne pouvait démarrer et c’est à cette dernière question que les citoyens britanniques vont devoir répondre le 23 juin prochain.



Le camp du « in » ne parvient pas à prendre l’ascendant sur le camp du « out ».


Le Number Cruncher Politics UK Brexit Probability Index
 
Cet indice de probabilité souligne la très forte poussée d’une tendance en faveur du Brexit, soit une progression de plus de 60% en l’espace de quelques jours. A titre de comparaison, le 21 avril, la probabilité d’un Brexit chutait de 20%, suite à l’annonce du Trésor Britannique des dommages économiques pour les années à venir qui en résulteraient.
 
Les grands leaders internationaux font campagne pour le « in ». Christine Lagarde, directrice générale du FMI, estimait dans son compte rendu annuel qu’ "un vote de sortie entraînerait une période prolongée d’incertitude, conduisant à de la volatilité sur les marchés financiers, et porterait un coup à la croissance". La place financière de Londres serait clairement menacée par cette sortie selon ses propres termes. En avril dernier, Barack Obama, au risque de s’immiscer dans les affaires intérieures britanniques, mettait déjà en garde les Britanniques contre un Brexit. Le président américain a notamment insisté sur le fait qu’une sortie de l’Union Européenne ne permettra nullement aux britanniques de négocier un accord de libre-échange avec les Etats-Unis sans passer par Bruxelles. Selon sa formule « L’Union européenne ne réduit pas le pouvoir du Royaume-Uni, elle le magnifie », « l’Union européenne rend le Royaume-Uni encore plus fort »
 
Les syndicalistes britanniques appellent également leurs adhérents à voter pour rester dans l’Union Européenne. Les dix principaux syndicats ont publié une lettre dans le quotidien The Guardian afin d’inciter leurs six millions d’adhérents à voter contre le Brexit. Ces derniers estiment en effet qu’ « après de nombreux débats et délibérations, nous pensons que les avantages sociaux et culturels d’un maintien dans l’Union Européenne l’emportent largement sur les avantages d’une sortie ».



S’attendre à une très forte volatilité sur les marchés

1° Un exemple concret eut lieu en Grande-Bretagne lors de l’élection législative de mai 2015. En dépit des sondages annonçant depuis des semaines une nouvelle majorité, les conservateurs du Premier ministre David Cameron ont remporté une majorité absolue inespérée. De nombreux observateurs ont décrit ces résultats comme les plus surprenants depuis 1945.


Variation du Footsie entre le 5 mai et le 8 mai 2015

Graphiquement c’est un fort mouvement qui s’opéra sur les marchés britanniques durant cette période. Le Footsie cotait 7030 points à l’ouverture le 5 mai, avec un plus haut à 7052 points à 10H30 avant un début de baisse continue jusqu’à midi le 7 mai (jour des élections législatives) pour atteindre un point bas à 6811 points, soit une variation à la baisse de près de 3.4%. Un double-bottom se formera par la suite, propulsant l’indice dans un mouvement nettement haussier. En effet, au lendemain des résultats, à l’ouverture des marchés, le Footsie a progressé de 2.2% en l’espace de 7 minutes soit 150 points de gains. Ce dernier marquera d’ailleurs sur cette séance du 8 mai, une progression de près de 3.5%.


2° Des marchés actions européens fortement chahutés


Variation des principaux indices européens depuis le début d’année

L’enseignement à retirer de l’élection législative de 2015 est la très forte agitation qui s’opère sur les marchés dans les heures qui précédent et suivent un tel vote politique. Or l’incertitude devrait une nouvelle fois être de mise le 23 juin prochain. De forts mouvements se sont déjà observés sur les principaux indices européens. En effet, depuis le début du mois de juin, le CAC40 abandonne près de 7%, le Dax 6%, l’Eurostoxx50 plus de 7% et enfin le Footsie -3.3%. Le « risk-off » est indéniablement de mise actuellement !

Enfin, à titre indicatif, il convient de rappeler également que l’indice de référence européen élargi Stoxx Europe 600 comptabilise près de 180 valeurs britanniques et des valeurs non britanniques cotées en GBP, soit près de 30% de l’indice pour une capitalisation globale de plus 2300 milliards de livres sterling (26% de la capitalisation de l’indice). Cela permet de prendre la mesure de l’inquiétude qui peut régner en Europe actuellement : Un vote britannique pour un impact européen !