"Quelles évolutions escomptez-vous sur les marchés actions pour le deuxième semestre de l’année ?
Une vue sur l’évolution de la macroéconomie ne suffit pas à se faire une idée précise de la progression bénéficiaire des entreprises et de la variation du marché actions en conséquence. Entrent en considération dans les résultats des sociétés des facteurs purement microéconomiques difficilement appréciables ou prévisibles, comme des problèmes techniques ou organisationnels liés à des motifs de nature géopolitique ou climatique, des grèves ou encore des alourdissements de la fiscalité. La donne est encore plus compliquée lorsque l’entreprise est de dimension internationale et qu’elle implique dans l’exercice de son activité plusieurs nationalités, plusieurs cultures, plusieurs gouvernements différents.
Ainsi une bonne macroéconomie d’un pays peut générer de mauvais profits d’une entreprise implantée dans ce pays et vice versa.

Cela ne vous empêche pas d’établir plusieurs scénarii avec des probabilités de réalisation distinctes. Quel est aujourd’hui votre scénario central ?
Dans notre scénario central, nous tablons sur une poursuite de ce que l’on observe aujourd’hui, à savoir tout d’abord une consolidation de la croissance aux Etats-Unis après le trou d’air que l’on a connu au premier trimestre étroitement lié aux mauvaises conditions météorologiques. La hausse du PIB devrait se situer entre 2,5% et 3%. La principale incertitude réside dans la santé du marché immobilier. Les chiffres dernièrement sortis sont mitigés. Un autre élément de risque est relatif à la vigueur de l’inflation. Nous ne croyons pas trop à une surchauffe inflationniste dans le pays mais nous conservons à l’esprit cette hypothèse qui mettrait dos au mur la Réserve fédérale américaine et la pousserait à réagir plus violemment que prévu. Dans un tel cas un impact important se ferait ressentir à la fois sur les taux longs, les actions et le change.

Qu’envisagez-vous pour la zone euro ?
Un lent rétablissement, une hausse du PIB assez faible, notamment en France. L’Espagne devrait être le pays affichant la dynamique la plus vive.

Quid du Japon et des pays émergents ?
Au Japon, nous sommes à la fois confiants et prudents. Alors que le premier trimestre a été supérieure à la tendance en raison des achats anticipés des consommateurs japonais du fait du relèvement de la TVA en avril, le deuxième trimestre a été particulièrement mauvais. Nous avons eu un mouvement baissier assez spectaculaire sur plusieurs indicateurs.
Nous pensons que le reste de l’année devrait être quelque peu meilleur. Les enquêtes indiquent que les entreprises japonaises ont massivement investi au premier trimestre de l’année ce qui atteste d’un certain optimisme quant à un retour des ventes à partir du troisième trimestre. D’autres signaux vont dans la même direction. Un redémarrage devrait donc se dessiner même s’il ne sera vraisemblablement pas aussi fort que prévu. La Banque centrale sera, par ailleurs, présente pour soutenir la conjoncture. Une expansion quantitative et qualitative devrait aboutir à une dépréciation supplémentaire du yen.
L’ensemble de ces éléments devraient aider la bourse à gagner de l’élan.

Du coté des pays émergents, un ralentissement est perceptible. En Chine, première locomotive de ces pays, ce ralentissement apparait comme ordonnancé si l’on se fie aux statistiques nationales dont la fiabilité peut être discutée. Il semble alors qu’il n’y ait pas de krach à l’horizon. Dans le cas contraire, si les chiffres ont été significativement manipulés, nous ne sommes pas à l’abri de mauvaises surprises.
Des nouvelles négatives pourraient également provenir du Brésil où les retombées économiques de la coupe du monde ne seront pas si importantes qu’escompté et où dominent des problèmes sociaux considérables. Une période électorale doit s’ouvrir à l’issue de l’évènement sportif. Elle risque d’être très hasardeuse et donner lieu à des amertumes.
Le grand pays émergent sur lequel notre sentiment est le plus positif est l’Inde. Un nouveau premier ministre en capacité de bien gouverner le pays et au profil très « business friendly » a été mis à la tête du gouvernement. En outre, une personne très compétente et très efficace a été placée il y a un an à la présidence de la Banque centrale, autorisant une meilleure lisibilité de la politique monétaire conduite, et levant ainsi un des principaux obstacles à la bonne compréhension de la situation financière du pays. Ce gouverneur qui travaillait au sein du FMI en 2005 a été un des premiers experts à alerter sur les conséquences désastreuses éventuelles du fort développement du marché des subprimes aux Etats-Unis.

Quels sont vos scénarii alternatifs ?
Un premier scénario alternatif intègre une inflation beaucoup plus forte qu’attendu aux Etats-Unis. La Fed se retrouve obligée de relever son taux directeur plus tôt, en 2015. Le fort changement de perception des marchés conduit à une remontée agitée des taux longs. Les actions des pays développés perdent alors 5% et ceux des pays émergents 15%. Le dollar s’apprécie et l’euro diminue à 1,25. Nous accordons un très faible pourcentage de chance de voir ce scénario se concrétiser. Il est toutefois à garder à l’esprit si l’on tient compte du fait que certains présidents de banques centrales régionales ont pointé du doigt la récente hausse de l’inflation et admis la possibilité d’un accroissement des taux anticipés.

Un second scénario discerne le risque de désillusions autour des résultats des sociétés. Il suffirait qu’un petit nombre de grandes sociétés contrarient les prévisions pour voir toute la cote impactée. La correction pourrait atteindre jusqu’à 10%.

Un troisième scénario, défavorable sur le plan économique notamment pour la croissance et pour l’emploi mais plus favorable pour les marchés est celui d’une accentuation du risque de déflation dans la zone euro qui pousserait la BCE à intervenir plus lourdement. Celle-ci pourrait alors s’aventurer dans un processus de quantitative easing a proprement parler, autrement dit dans des opérations d’achat de titres d’Etat à hauteur de centaines de milliards d’euros. Une telle décision aurait pour contrecoup une puissante appréciation des prix des actifs financiers. Les actions de la zone euro pourraient grimper de 12,5%.

Pensez-vous que ce dernier scénario est très plausible ?

A notre sens la BCE fera tout pour éviter le quantitative easing. Sans compter les représentants des pays nordiques comme l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas, le président de l’institution monétaire, Mario Draghi n’est pas enthousiaste à cette perspective. Si il y a le ressenti que la faiblesse de l’inflation est juste momentanée, le quantitative easing ne sera pas retenu. Sa mise en œuvre implique de nombreux inconvénients et il n’est pas certain qu’il soit efficace.

De quelle manière voyez-vous la volatilité au cours des prochains mois ?
Dans notre scénario central, la volatilité devrait se stabiliser.
Dans les scenarii alternatifs 1 et 2, elle devrait augmenter.
Dans le scénario numéro 3, l’afflux de liquidité devrait permettre de limiter l’amplitude des fluctuations.

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