Focus sur la société.
 
La société Deezer, fondée en 2007, emploie 300 personnes. Forte de 6.3 millions d’abonnés et 16 millions d’utilisateurs réguliers, Deezer est présent dans 180 pays mais encore peu aux Etats-Unis. Elle compte également un catalogue de 35 millions de titres.
 
Fondamentalement, Deezer connaît un chiffre d’affaires de 142 millions d’euros en 2014 (+53%). Objectif 2015 : franchir les 200 millions d’euros. La France représente à elle seule près de la moitié des revenus du groupe (74 millions d’euros en 2014) mais tant à diminuer au profit de pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Amérique latine.
 
L’objectif de cette entrée en bourse est clair: développer et élargir sa base d’abonnés, s’offrir une visibilité à l’échelle mondiale et surtout pouvoir investir dans le marketing et accentuer ses partenariats de commercialisation notamment avec des opérateurs télécoms (par le biais d’Orange en France actuellement) ou encore des fabricants d’équipement audio tels que Bose ou Sonos.



Un marché très concurrentiel.
 
Il s’agit d’un marché de près de 3 milliards de dollars en 2014 et en progression de plus de 38% en 2015. La musique devient un produit distribué par abonnement, comme peut l’être l’eau et le gaz. D’ici 5 ans, cette consommation sera la première source de revenus des artistes et des producteurs de musique.  Un marché suscitant de fait beaucoup de convoitises. Peuvent ainsi être cités parmi les derniers à avoir tentés leurs chances depuis cette année : Pandora ou encore Tidal, fondé par le rappeur Jay Z, et se voulant « la plate-forme appartenant aux artistes » et même Apple Music et Google Play Music.
 
Mais le groupe français fort de ses millions d’abonnés et de l’un des catalogues les plus importants, à d’autres ambitions: s’installer sur le podium des fournisseurs de musique en ligne avec comme principaux concurrents les mastodontes Spotify et Apple Music. Le premier, peut se targuer de 75 millions d’utilisateurs actifs dont 20 millions d’abonnés. Le leader mondial du marché, d’origine suédoise est valorisé à 8.5 milliards de dollars. Le second, arrive tardivement sur ce créneau (juin dernier) mais suffisamment tôt pour engager la bataille et redistribuer les cartes du secteur. La force de frappe de la firme de Cupertino est bien évidemment l’incorporation du service au sein des meilleurs canaux de diffusion possible à savoir ses propres produits tels que l’ipod, l’iphone, l’ipad, par le biais d’Itunes. Les premiers résultats sont sans appel, en à peine 4 mois d’existence, le service d’Apple est déjà deux fois plus important que Deezer en termes d’abonnés (6.5 millions d’abonnés ferme, et plus de 8 millions d’abonnés actuellement en période d’essai gratuit) et pèse désormais le tiers des 20 millions d’abonnés payants du leader mondial Spotify.


Un modèle économique suscitant des interrogations.
 
Le marché du streaming musical doit tripler dans les cinq ans à venir mais aujourd’hui aucun acteur du secteur n’est rentable, pas même Spotify. L’entreprise française perd pour le moment de l’argent, près de 20 millions par an. Deezer compte devenir rentable à partir de 2018 seulement. Cette perte s’explique par des  marges englouties dans les royalties car la majorité des revenus est reversés aux ayants-droits : labels, producteurs, artistes… C’est ainsi plus de 112 millions de dollars, soit près de 80% de son chiffre d’affaires qui disparaissent. Sa marge reste donc minime dans ce marché ultra-concurrentiel. A titre de comparaison, Apple profite de  ses 70% de marge sur chaque smartphone vendu, pour lui permettre de financer d’autres activités beaucoup moins rentables comme son service Apple Music. Pour autant, Deezer arrive désormais à négocier des contrats avec une marge plus importante (cette dernière est passée de 19.8% à 22.8% entre 2012 et 2014).
 
Autre défi, Deezer doit démontrer sa capacité à développer sa base d’utilisateur en propre. Car finalement sur les 6.3 millions d’utilisateurs, à peine 3 millions sont actifs chaque mois et la moitié de ces derniers payent réellement un abonnement, les autres disposants d’options inclus dans leurs forfaits téléphoniques. Et c’est ici, le souci majeur, car jusqu’à présent le fournisseur de musique français a pu faire grandir sa base clients grâce à des partenariats avec des opérateurs télécom, ces derniers ayant finalement subventionnées ces options gratuits dans leur forfait.


Perspectives d’avenir.
 
Il sera intéressant de suivre les premiers pas de Deezer en bourse afin de percevoir le pouls et l’appétit des investisseurs pour ce marché de la musique dématérialisée. Une statistique permet de percevoir le potentiel d’un tel marché : Aux Etat-Unis, durant le premier semestre de cette année, les revenus du streaming ont dépassé les ventes physiques de disque selon la Recording Industry Association of America (RIAA).
 
Finalement, la bataille du streaming se tiendra sur deux fronts :
Tout d’abord la vision du marché que veulent offrir ces sociétés. Sur ce premier point, primera la capacité d’un prestataire à recommander un contenu le plus en phase avec les goûts et les habitudes de ses abonnées. Ainsi « l’utilisateur ne va plus au contenu, il attend qu’on lui propose un contenu pertinent ».
D’autre part les innovations technologiques pour se démarquer. Sur ce dernier point, Deezer est encore à la traîne. Ses concurrents ont l’avantage de connaître, grâce à leurs services historiques, les habitudes de leurs utilisateurs.