par Amina Ismail et Aroua Gaballa

AL GAMALIYA, Egypte, 22 février (Reuters) - Plusieurs milliers de personnes ont assisté mercredi en Egypte aux funérailles du prédicateur musulman Omar Abdel Rahman mort à 78 ans samedi en prison aux Etats-Unis où il avait été condamné pour complicité dans l'attentat à la bombe contre le World Trade Center à New York en 1993.

Surnommé "le cheikh aveugle", Omar Abdel Rahman, qui avait également été déclaré coupable de vouloir mener une "guerre urbaine" aux Etats-Unis, purgeait une peine de réclusion criminelle à perpétuité dans un pénitencier de Caroline du Nord. L'attentat contre le WTC avait fait six morts et un millier de blessés.

Des groupes musulmans les plus divers, des Frères musulmans à Al Qaïda, ont publié des déclarations pour dire qu'ils le pleuraient. Plusieurs dirigeants du Gamaa al Islamiya (Groupe islamique), mouvement qui considérait le cheikh aveugle comme un chef spirituel et a renoncé à la violence en 1997, ont participé aux funérailles.

Les participants aux obsèques, qui se sont tenues dans la localité d'origine du cheikh, Al Gamaliya, dans la province de Gharbiya, sur le delta du Nil, portaient des pancartes où l'on pouvait lire "Nous nous reverrons au paradis" et criaient "Nous te défendrons avec notre sang et notre âme, islam".

Le corps d'Omar Abdel Rahman a été rappatrié des Etats-Unis via Le Caire.

Malgré plus de vingt ans passés en prison, le "cheikh aveugle", qui avait perdu la vie dans son enfance en raison d'un diabète et avait étudié le Coran en braille, était toujours considéré comme un leader spirituel par les islamistes radicaux.

Un an avant les attentats du 11-Septembre, qui ont détruit les tours du World Trade Center, Oussama ben Laden avait promis de lancer le djihad pour le libérer de prison. Plus récemment, Mohamed Morsi, éphémère président islamiste de l'Egypte, avait annoncé en 2012 que sa libération serait l'un des objectifs de sa politique étrangère.

"TUEZ-LES"

Proche de la Gamaa al Islamiya, il avait été emprisonné et accusé d'être l'auteur d'une fatwa appelant à la mort d'Anouar el Sadate, le président égyptien assassiné en 1981. Acquitté, il s'était exilé en 1990 et avait réussi à se rendre à New York après avoir obtenu cette année-là un visa touristique auprès de l'ambassade américaine au Soudan.

Son nom figurait pourtant sur la liste noire du département américain d'Etat des individus liés à des groupes terroristes. Les autorités américaines avaient imputé ce raté à un problème informatique, ce qui ne l'avait pas empêché d'obtenir en 1991 une "carte verte" et un statut de résident permanent.

Ses partisans, eux, le décrivaient comme un érudit respecté qui, pour s'en être tenu à ses principes, avait dû faire face à l'injustice et à la torture de la part des autorités égyptiennes et américaines.

Ceux qui accompagnaient le défunt mercredi ont crié "Dieu est grand" et poussé des acclamations quand son corps, drapé dans une couverture foncée à l'intérieur du cercueil en bois, a été sorti pour être lavé à la maison de son frère avant l'inhumation.

"Si c'était un mauvais homme, des personnes venues de tout le pays ne seraient pas venues pour assister à ses obsèques", a déclaré Mostafa al Wakil, un avocat de 40 ans, ayant fait le voyage du Caire à 175 km de là.

"Nous avons grandi en étudiant ses livres et ses enregistrements. Il a fait partie des premières personnes à s'être ouvertement exprimées contre un tyran", a ajouté l'avocat.

Al Qaïda a publié un communiqué faisant référence aux instructions du défunt demandant de le venger de ceux qui l'auraient tué, allusion aux autorités américaines qu'il avait accusées de manque de soins et de mauvais traitements pendant son incarcération.

"C'est l'instruction du cheikh qui est entre vos mains : travaillez dur pour y répondre et ne laissez pas les Américains en sécurité", indique Al Qaïda. "Tuez-les, surveillez-les et semez la peur dans leurs coeurs. Vengez votre cheikh." (Avec Ali Abdelaty et Ahmed Tolba au Caire; Gilles Trequesser, Henri-Pierre André et Danielle Rouquié pour le service français)