(Actualisé avec précisions)

par Tim Cocks et Diadie Ba

BANJUL, 23 janvier (Reuters) - Les habitants de Banjul, la capitale gambienne, ont célébré dimanche l'arrivée de soldats envoyés par la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), qui ont pris le contrôle du palais présidentiel, symbole du pouvoir du régime autoritaire de Yahya Jammeh, parti samedi en exil après être resté 22 ans à la tête du pays.

L'ex-président, qui avait refusé de reconnaître sa défaite face à Adam Barrow le mois dernier, a quitté Banjul samedi soir pour se rendre en Guinée équatoriale, cédant ainsi à la pression de la Cédéao.

"Nous sommes libres", a déclaré Isatou Touré, un marchand de nourriture de 35 ans, venu avec des centaines d'autres personnes acclamer et chanter les soldats, notamment sénégalais et nigérians.

"Tout le monde est tellement content qu'il soit parti. Nous sommes heureux de voir (les soldats). Ils nous ont protégés de Jammeh."

Les responsables des troupes sénégalaises ont dit que la force de la Cédéao, également composée de soldats ghanéens et maliens, n'avaient rencontré résistance lors de leur déploiement dans le pays dimanche.

Mais alors que la fête battait son plein, certains détails entourant le départ de Yahya Jammeh ont vu le jour.

S'exprimant sur la radio RFM au Sénégal, où il patiente avant de pouvoir retourner en Gambie, Adama Barrow a déclaré que, selon un premier état des lieux, l'ex-président aurait pillé les ressources de l'Etat

"Selon les informations que nous avons reçues, il n'y a pas d'argent dans les coffres. C'est ce que l'on nous a dit mais le jour où nous prendrons effectivement nos fonctions, nous clarifierons tout cela", a-t-il dit.

JAMMEH A RETIRÉ PRÈS DE 11 MILLIONS D'EUROS

Lors d'une conférence organisée plus tard dans la journée, Mai Ahmad Fatty, conseiller d'Adama Barrow, a déclaré que Yahya Jammeh avait retiré 500 millions de dalasis (10,7 millions d'euros) au cours des deux dernières semaines.

L'objectif assigné à la Cédéao est de sécuriser le pays pour permettre à Adama Barrow, élu en décembre, de s'installer au pouvoir.

Le départ en exil de Yahya Jammeh a mis fin à des semaines de blocage politique. Adama Barrow a prêté serment jeudi, jour de l'expiration du mandat de Jammeh, à l'ambassade de Gambie à Dakar.

Selon le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye, les dirigeants ouest-africains n'ont pas accordé d'immunité à Yahya Jammeh lors des négociations qui ont convaincu l'ancien président gambien de quitter son pays et de partir en exil.

La Cédéao, l'UA et l'Onu ont publié une déclaration commune dans laquelle elles s'engagent à protéger les droits de Jammeh en tant que citoyen, chef de parti et ancien chef d'Etat mais Mankeur Ndiaye a minimisé la portée de ce document.

Il a souligné qu'aucun dirigeant de la Cédéao n'avait validé cette déclaration, ajoutant que le président élu Adama Barrow n'avait pas été mis au courant de ce texte avant sa publication.

Sur RFM, Adama Barrow a démenti qu'une immunité ait été proposée à Yahya Jammeh. "Il voulait rester en Gambie. Nous ne pouvions garantir son immunité et lui avons dit qu'il devait partir", a-t-il déclaré. (Avec la contribution d'Emma Farge à Dakar, Nicolas Delame et Benoît Van Overstraeten pour le service français)