Pékin (awp/afp) - La Chine a donné son feu vert au lancement de produits dérivés controversés offrant une couverture contre les défauts de paiement (CDS), signe que Pékin est prêt à laisser les entreprises endettées faire faillite pour assainir une économie en plein ralentissement.

Dans un pays où les autorités volaient traditionnellement au secours des firmes en détresse, le gouvernement central va donc s'en remettre davantage au marché pour absorber le choc de défauts de paiement, lesquels devraient du coup arriver bien plus fréquemment.

La banque centrale chinoise a approuvé les règles régissant les échanges d'instruments financiers "de mitigation des risques de crédit", a indiqué vendredi l'Association nationale des investisseurs institutionnels (NAFMII).

Au premier rang de ces instruments figurent des "Credit Default Swaps" (CDS), sorte d'assurance souscrite par un investisseur qui lui garantit le remboursement d'obligations en cas de défaut.

Cet instrument est devenu très controversé dans les pays occidentaux après la crise de 2008: les CDS avaient été accusés d'être un outil essentiellement spéculatif, contribuant à dissimuler l'ampleur des risques. Ils ont été à l'origine de la chute spectaculaire de l'assureur américain AIG.

Mais la NAFMII assure au contraire que les CDS "perfectionneront les mécanismes de partage des risques" en les "répartissant" mieux et en encourageant les acteurs de marché à les "gérer activement".

En clair, les investisseurs accordant un crédit ou souscrivant aux obligations émises par une entreprise devront assumer eux-mêmes les conséquences en cas de défaut, et non plus attendre --comme c'est largement le cas actuellement-- une intervention salvatrice de l'Etat.

- Sus aux 'firmes zombies' -

Pékin se dit officiellement résolu à laisser les entreprises les plus endettées faire faillite --et en particulier les firmes "zombies" qui ont cessé depuis longtemps d'être rentables et ne survivent plus que grâce au crédit et aux subsides publiques.

La situation est critique: plombée par l'effritement de la demande intérieure et par de vastes surcapacités de production, sur fond de vif essoufflement économique, nombre d'entreprises chinoises souffrent d'une grande fragilité financière.

Conséquence, les créances douteuses, celles menacées de non-remboursement, se sont envolées en Chine à 1.400 milliards de yuans (187 milliards d'euros) au premier semestre 2016, au plus haut depuis onze ans selon Bloomberg.

Sur le marché chinois des obligations d'entreprises (estimé à 7.600 milliards d'euros), quelque 45 défauts de paiement ont déjà été enregistrés cette année, pour un total de 26,8 milliards de yuans (3,6 milliards d'euros), selon le fournisseur shanghaïen de données Wind Info, cité par le Wall Street Journal.

C'est déjà bien davantage que les 12 défauts totalisant 12 milliards de yuans constatés sur l'ensemble de 2015.

Les autorités locales s'acharnent encore à sauver, à coup d'aides et de crédits des banques étatiques, les entreprises --publiques-- menacées de faillite, quitte à gonfler encore davantage la dette publique, mais cette stratégie devient difficile à tenir.

Les dettes des entreprises, en excluant le secteur financier, s'établissaient en 2015 à environ 120% du PIB chinois, mais pourraient bondir à près de 140% d'ici à 2019, selon les estimations du FMI. Pour lui, les créances douteuses pourraient finir par représenter jusqu'à 15,5% du total des prêts: une vraie bombe à retardement.

Les CDS, en offrant une couverture mitigeant les pertes éventuelle, seraient au moins susceptibles de rasséréner le marché en cas d'une recrudescence des défauts, et pourraient encourager le secteur privé à financer davantage les entreprises.

Par ailleurs, le prix auquel s'échangeront les CDS "pourrait fournir des indications sur les entreprises susceptibles d'être sauvées par le gouvernement" et celles qu'il est décidé à laisser sombrer, observait Iris Pang, économiste de Natixis citée par Bloomberg.

afp/rp