En effet, un rapprochement permettrait de mettre en commun leurs réseaux de magasins physiques. La Fnac compte près de 185 magasins, Darty plus de 300 et Conforama plus de 200. La synergie offerte notamment pour la logistique permettra de servir de points de livraison pour les clients commandant par internet. De même, la puissance du nouveau groupe lui offrira indéniablement un poids de négociation toujours plus important avec ses fournisseurs. Enfin, une telle fusion permettrait d’offrir un groupe puissant à l’échelle européenne.



Rappel des faits :

En 2012, La Fnac avait opéré une réorientation stratégique de son "business model". Elargir son activité de plus gros libraire de France pour s’orienter vers la distribution de produits divers (ustensiles de cuisine, aspirateurs…).

L’offre de La Fnac fin septembre pour le rachat de son concurrent vise à créer le « leader de la distribution de produits techniques, culturels et électroménagers en France ». L’offre avoisine les 720 millions d’euros et se fait uniquement en échange de titres, sans versement de cash. Plus précisément, l’opération consistait en une action Fnac échangée contre 39 actions Darty, soit une prime de 27% (dividende inclus), rapportée au cours de bourse à cette période.

Cette opération est jugée opportune d’un point de vue industriel par les investisseurs, les deux entreprises étant très complémentaires. Avec d’un côté Darty, positionnée sur les produits à bas prix et l’électroménager « blanc », de l’autre côté La Fnac fortement implantée sur les produits multimédia et l’électroménager de niche et haut de gamme.
Cette proposition se présente à un moment ou Darty améliore nettement sa marge brute et renoue avec les bénéfices lors de son exercice 2014-2015 tandis que La Fnac parvient enfin à réduire ses coûts.
 
Le chiffre d’affaires combiné des deux entités avoisinerait les 7 milliards d’euros, permettant des économies d’échelle et d’importantes synergies (logistique, service après-vente, centrale d’achat…). Compte tenu de ces dernières et la question importante de l’emploi qui va se poser avec cette fusion, l’autorité de la concurrence avait « ouvert une enquête approfondie sur l’opération» tout comme Bruxelles pour se pencher sur la question. Cela aura abouti sur le feu vert de l’autorité belge de la concurrence.

Le 18 mars dernier, Darty avait finalement accepté l’offre d’achat de Conforama le valorisant à 673 millions de livres sterling (soit 125 pence par action).






L’état financier des parties :

-          La Fnac, ancienne composante du groupe Kering (ex PPR) est entrée en Bourse en 2013. Le redressement de la société s’est opéré malgré la crise du disque, la concurrence du streaming et la présence de mastodontes comme Amazon qui ont redéfini l’approche commerciale du marché des biens culturels. L’action introduite à 22 euros vaut désormais près de 58 euros. Sa capitalisation boursière avoisine le milliard d’euros. Le groupe dispose de 185 magasins (un peu plus de 100 en France) et plus de 14.500 employés.
 
-          Conforama, également une ex-filiale de PPR, est un spécialiste de l’ameublement qui appartient désormais au sud-africain Steinhoff. Ce propriétaire, fort d’une capitalisation boursière de plus de 20 milliards d’euros, lui offre une marge de manœuvre importante capable de financer en cash cette acquisition et reprendre même quelques 200 millions d’euros de dettes de Darty.
 
-          Darty, l’un des leaders de la distribution d’électroménager est redevenu bénéficiaire, il y a un an. Le groupe se compose de 400 magasins dont près de 275 en France (79% de son chiffre d’affaires en 2015) et emploie 10.700 personnes. Après quatre années de déficit, un plan de suppression de postes et la vente de plusieurs filiales étrangères avant d’enregistrer un premier bénéfice net lors de l’exercice 2014-2015.


Niveau de détention de titre :


Classification des actionnaires de Darty selon le capital détenu au 22 avril

-          Le groupe Fnac détient initialement moins de 8% de Darty mais a reçu un engagement irrévocable à hauteur de 22% notamment par le fonds Knight Vinke Asset Management, actionnaire majoritaire de Darty.
-          Steinhoff a profité de cette joute pour augmenter sa part au capital de Darty et détient désormais 20% du capital.




Nouvelle répartition du capital de Darty après la victoire de La Fnac le 27 avril.

A coup de rachat petit à petit d’actions Darty, le groupe Fnac a réussi à rattraper son retard passant en l’espace d’une semaine de moins de 8% des titres à près de 30%. On constate que pendant cette semaine là, Steinhoff n’a grapillé qu’1% supplémentaire. Au quasi 30% désormais détenus par La Fnac, il faut ajouter la promesse irrévocable de cession d’actions par le second actionnaire Knight Vinke Asset MGMT permettant ainsi à ce premier d’annoncer le 27 avril détenir plus de la moitié des parts de Darty et donc une majorité de blocage ne lui permettant pas de laisser filer la victoire.



Une récente escalade d’enchère qui en dit long sur l’intérêt suscité par Darty (5 surenchères en 24h).


Variation du titre Darty et annonces faites entre le 21 et le 28 avril


L’affaire semblait pliée, La Fnac n’étant guère en position de surenchérir après l’entrée en jeu de Conforama. Mais un nouvel actionnaire, Vivendi, est apparu en s’engageant à prendre 15% du capital de la Fnac permettant à cette dernière de proposer désormais 145 pence par action (+18% par rapport à l’offre initiale) en cash (très prisé des actionnaires anglo-saxons) et une alternative partielle de 4 actions Fnac contre 125 actions Darty.

Tout s’accélère le 21 avril, en début de matinée, la Fnac renchérit l’offre de Conforama à 145 pence par action. A 13 heures, Conforama remonte encore son offre une seconde fois en moins de 24h à 150 pence par action. Une heure plus tard La Fnac revient à la charge à 153 pence. A 15h30, Conforama monte à nouveau à 160 pence par action.

Une escalade qui fait le jeu de Darty désormais en position de force. Cotée à la Bourse de Londres le titre décolle de plus de 23% en séance à 162 pence, les investisseurs jouent clairement la surenchère ! Avant l’offre initiale de La Fnac en septembre dernier, Darty se valorisait 750 millions d’euros contre 1,09 milliard d’euros désormais avec l’offre à 160 pence par action de Conforama.
Le fin mot reviendra néanmoins à l’intéressé lui-même, qui semble plus enclin à fusionner avec Conforama car privilégiant le maintien des équipes en place. En effet, les syndicats du groupe ont fait savoir qu’ils « rejetaient clairement le rapprochement » avec La Fnac, ce dernier « n’ayant pas la capacité de rendre pérenne l’entreprise Darty » à cause de sa situation de surendettement notamment, « aboutissant à un fiasco total sur l’emploi des deux enseignes » selon eux. Selon ce syndicat, sous couvert de viser 135 millions d’euros d’économies grâces aux synergies communes des deux groupes, ce serait 3000 emplois qui sont menacés. Les représentants des salariés soutiennent ouvertement le rapprochement avec Conforama.

La bataille s'annonce âpre, le titre dépasse déjà les 162 pence (voir ci-dessous) soit plus que ce que propose Conforama. Les investisseurs tablent donc sur une probable offre améliorée par la Fnac à venir.






Ces derniers auront vu juste puisque La Fnac ne compte définitivement pas laisser passer l’affaire et propose dès le lendemain 170 pence par action à Darty contre 160 pence pour Conforama, avec un paiement en option de 1 action Fnac pour 25 actions Darty. Le titre continue sa progression.




Finalement, le groupe Fnac ressort grand gagnant et s'offre ainsi l'enseigne d'électroménager. Un communiqué de presse sera publié dans ce sens dans la foulée. Dès lors, après plusieurs mois de bataille, Conforama renonce à surenchérir. Son offre à 160 pence par action ne sera pas relevée. Selon le directeur général de Conforama, Alexander Nodale, « le conseil d’administration de sa société estime que la juste valeur de Darty à l’heure actuelle est de 160 pence par action ». D’autre part, il précise selon lui qu’à un cours plus élevé, le rapprochement n’aurait pas été assez créateur de valeur pour les actionnaires de Steinhoff et ses employés.